mardi 31 mars 2009

Hiatus sexué

Quand Céline prend son face-à-main
Les mâles voudraient prendre sa fesse en main
Pour un usage ici indicible.
Mais elle songe à un adonis impossible
Qui l’ornerait de vison
De rivières de diamants, de toisons
D’or. Les hommes se sèchent la rétine,
Céline saisit son sèche-cheveux.

Voilà l’éternelle comptine
Des femmes et hommes malheureux.



Balises : vison, rétine, Adonis, sèche-cheveux
(des explications ici)

lundi 30 mars 2009

Capillotraction

Alors qu’Adonis,
Saucissonné dans son string fuchsia,
S’adonnait à son hobby matutinal,
Maniant sèche-cheveux comme guisarme épique,
Il perçut à son côté une ombre saugrenue
Qui passa comme une vision.
Un éclair, puis il fut saisi fermement
Par là où il avait péché,
Des serres d’un autre monde
Emmêlant brutement sa chevelure adornée.

S’élevant dans les limbes, il perdit
Miroir, peigne d’ivoire, sèche-cheveux noir,
Tous attributs de son éclat.
Après quelques moments de vol,
Il fut lâché dans un cercle de branchages,
Planté dans les moraines,
Le long d’un glacier bleu
Et des petits ptérodactyles lui mâchaient les orteils.




Balises : Adonis, sèche-cheveux, ptérodactyle, glacier
(des explications ici)

dimanche 29 mars 2009

Sois franc

- Mais pourquoi cet air de ptérodactyle ?

- Avec ou sans E ?

- Que viennent faire les œufs là-dedans ?

- Eh bien, s’il s’agit d’un air, pas d’E, s’il s’agit d’une aire, alors les œufs prennent toute leur place.

- Mon Dieu mais Monsieur, vous vous plaisez à m’embrouillez ! vous savez d’où je viens et que je ne suis point apte à démêler les virages de vos phrases savantes. Je vous en prie, laissez donc là vos propos noueux, je vous demandais seulement ce qui explique chez vous ce faciès de… de murex.

- Murex, murex ! mais vous voilà d’un coup bien cavalier, François ! pensez-vous que votre habit et vos souliers neufs vous autorisent à apostropher les gens ? Je rappelle à votre mémoire manifestement défaillante que c’est moi qui vous ai tiré du caniveau, où vous rouliez votre guimbarde en craquetant « glacier ! glacier ! ». Vous vous débattiez dans la fange et la médiocrité, vous grattiez comme une taupe-grillon dont un enfant écroule la galerie, vous usiez vos griffes insignifiantes sur les écus des grands. Moi seul ai su reconnaître en vous un être de quelque valeur, moi seul ai daigné vous orner de ma confiance et aujourd’hui je reçois votre arrogance en plein visage, comme une gifle d’une main souillée ? Je ne le souffrirai pas !

- Là, Monsieur, ne le prenez pas ainsi. Vous savez comme je vous aime et je sais ce que je vous dois. Des bas-fonds vous m’avez fait bouffon et je vous en ai une éternelle gratitude. Mais reconnaissez que la charge dont vous m’avez fait don m’astreint à vous dire en face vos défauts, vos erreurs et petitesses. C’est de ce noble devoir que je m’acquitte céans, en soulignant l’étrangeté de votre mise aujourd’hui.

- Çà, François, vous êtes un beau parleur, c’est même votre moindre défaut, et vous savez toujours vous tirez d’un mauvais pas. Soit, qu’a donc ma mise aujourd’hui pour vous inspirer des métaphores aussi caustiques ?

- Monsieur, pour être très franc et sauf votre respect, vous êtes fagoté comme un faisan lorgnant une ânesse. Votre lavallière baille sur un cou de coq galeux, votre habit pend comme un pourpoint de triton, vos chausses paraissent taillées dans le cuir de votre grand-tante et vos souliers feraient pleurer un galérien. Je crains que vos projets du jour, que je devine grandioses, ne pâtissent sévèrement de cet accoutrement famélique.

- François, vous êtes un beau parleur doublé d’un esprit fin. Mes projets sont en effet grandioses et ma mise s’y accorde parfaitement : je veux aujourd’hui séduire le vieil évêque Etienne.

- Ah çà, Monsieur, vous courez au pal ! cet évêque n’a d’évêque que la dernière syllabe !



Balises : ptérodactyle, glacier, murex, taupe-grillon
(des explications ici)

samedi 28 mars 2009

Excavation

Taupe-grillon sort
Son cartilage endurci
Murex souterrain



Balises : murex, taupe-grillon, cartilage, endurci
(des explications ici)

Amours champêtres

A l’huis d’un murex épineux
Se love un lombric vaniteux,
Espère dulcinée poisseuse
Belle limace verruqueuse.

Mais taupe-grillon se radine
Et lance une phrase assassine :
« J’ai bouffé le cœur de ton cœur,
Tout d’abord moelleux comme beurre
Puis croquant-ferme en cartilage :
Elle avait la fesse endurcie,
Mauvais pour le charivari.
Dans le fond sois reconnaissant,
Je t’épargne un triste séant. »

Le lombric s’étouffe de rage
Attrape une brindille et toc !
L’embroche d’un clair coup d’estoc
La perce, éviscère et ravage.
Taupe-grillon paie cher sa blague,
Crevée de jalousie, de dague.

Arrive alors la dulcinée
S’effraie du spectacle atterrant
Se pâme et s’écrie, soupirant.
Lombric soupèse l’hyménée,
Lui tâte un peu l’arrière-garde
Evalue ses atouts, regarde,
Puis va son chemin résigné.



Balises : murex, taupe-grillon, cartilage, endurci
(des explications ici)

vendredi 27 mars 2009

Ciel insensible

Un jour d’été,
J’ai eu, lors d’une sieste profonde et claire,
La vision d’un édifice
Perché aux nues,
Arcs-boutants sur des cumulus
Joints par des cartilages aux moellons,
A la gloire d’un Suprême
Enigmatique et gazeux,
Posant sur nous un regard détaché.
Nos malheurs endurcis ne résonnent pas sous les voûtes célestes.





Balises : cartilage, endurci, cumulus, arc-boutant
(des explications ici)

jeudi 26 mars 2009

Pluie d’assaut

Un lointain cumulus
Déroule ses gonfanons perle
Signale l’approche des troupes ducales,
Train de goélettes humides.
Comme il s’approche, on distingue
Tapis au pied des mâts drus
Des matelots ligneux.
La poussière du ciel
Modèle leurs formes,
Colosses bosseleux,
Pesants comme arcs-boutants,
Alertes comme joueurs de cricket.
On lit l’assaut dans leurs yeux.



Balises : cumulus, arc-boutant, cricket, modèle
(des explications ici)

mercredi 25 mars 2009

Ballade cricket

Debout sans modèle,
Pénible conquête,
Quand les dents claquettent,
Les genoux chancellent,
Piquet de cricket.

Rejet des chimères,
Chasseur de sornettes,
Dresse haut la tête,
Plante pieds en terre,
Piquet de cricket.

Balle de néant,
Comme une roquette,
Viendra faucher net
Pattes de géant,
Piquet de cricket ?



Balises : cricket, modèle, rejet, néant (des explications ici)
Contrainte supplémentaire : ballade (sans envoi)

mardi 24 mars 2009

Ellipse

Cassiopée morose
Triste satellite
Roc étriqué
Gravite autour de ta géante rose
Attraction intenable de sa masse sphéroïde
Rejet têtu de ta vitesse
Course éperdue au néant




Version haiku

Amour à la boule rose
Rejet de la vitesse
Course au néant



Balises : rejet, néant (ce texte étant le premier, il n’y a que deux balises)
(des explications ici)

Fleurs des champs opératoires

Une certaine lassitude m’a pris, après quelques mois passés à écrire sur l’environnement et les sciences et technologies. Je referme donc pour le moment ce premier volet, pour en ouvrir un second plus ludique et littéraire. En effet, un cas de force majeur a fait irruption dans mon quotidien et je me vois cloué chez moi pour un mois. En vue de faire le meilleur usage de cette assignation à résidence, j’entends me livrer à un petit jeu d’écriture.

Oulipo

Cet acronyme approximatif (1), recouvre l’Ouvroir de littérature potentielle. Il s’agit d’un mouvement littéraire de la fin du XXe siècle, dont l’objet est de donner naissance à des œuvres littéraires qui n’auraient pas existé sans l’existence de conditions spécifiques. Les conditions en question sont des contraintes d’écriture. L’idée est celle de la muse fouettée, qui comme dans les films X allemands, donne le meilleur d’elle-même quand elle est sous contrainte. Des détracteurs du mouvement pourrait le qualifier de maïeutique tératologique, ce qui peut être vrai dans certains cas.

Les représentants les plus connus de l’Oulipo sont Raymond Queneau (Exercices de style) et Georges Pérec (La disparition). C’est La disparition qui fournit l’exemple le plus simple et le plus spectaculaire d’application de l’oulipo : le livre est écrit sans utiliser la lettre E, qui est pourtant la plus fréquente en français. Cela transforme des vocables de second rang, voire franchement osbcurs, en mots usuels, donnant un style un peu grumeleux mais, à la longue, compréhensible et cohérent. Cerise sur le gâteau, le livre est une mise en abîme, puisqu’il traite lui-même de la disparition du E.

Tout ceci peut paraître bien tordu mais finalement pas plus que d’écrire des alexandrins, des pièces en trois actes ou des chansons avec refrain et couplets.

Application

La contrainte que je me fixe ici est assez simple. Elle se situe sur deux plans :
- fréquence : un texte par jour. L’idée est d’obtenir en fin de parcours un ensemble d’une trentaine de textes.
- contenu : il faut passer par quatre balises. Chaque jour deux mots sont désignés : je prends au hasard deux pages du dictionnaire et choisis sur chaque page le premier mot qui me chatouille la plume. Chaque texte inclut les deux balises du jour et reprend les deux balises du jour précédent.

En revanche, il n’y a pas de contrainte sur le style : le texte peut être poétique, imaginatif, satirique, c’est le stylo qui décidera chaque jour. Il n’y a pas non plus de contrainte sur la longueur du texte, ni sur la langue, ni sur la couleur des caractères, ni ni ni…

Je n’exclus pas de modifier ce cadre en cours de route s'il s'avère trop strict ou trop lâche. Eh oui, on n’est jamais à l’abri d’un coup de moins bien.

Ajout du 28 mars :
Il peut arriver qu'il y ait deux textes pour un même chariot de balises, comme c'est le cas le 28 mars. Parfois on est en veine.





Pour plus d'informations sur l'Oulipo :
- le site officiel de l'Oulipo
- l'article de Wikipedia





(1) J’en profite pour énoncer ici formellement le concept d’« acroximatif », mot-valise issu de la fusion d’« acronyme » et « approximatif ». Ce terme devrait être d’une rare utilité dans notre culture française post-moderne, qui recuit sa passion des acronymes à la sauce marketing, en vue d’obtenir des acronymes prononçables.