samedi 30 mai 2009

Fugace

En vacances, au mois d’août,
J’aime rouler à vélo
Tranquillement sur les routes
Tapissées d’herbe en halo.

Rompu enfin on arrive,
On se pose pesamment
Sur un vieux transat charmant,
Le corps lâche, à la dérive.

Les martinets dans le ciel
Font des rayures fugaces
Sans que jamais je me lasse
De leurs cercles perpétuels.

Le miroir du ciel reflète
La mer au-dessus des têtes,
Les bals d’insectes commencent,
Passant comme une roussette
L’angoisse pince mon cœur, discrète ;
C’est un souvenir d’enfance.



Balises : rompu, août, miroir, vélo (des explications ici)

jeudi 28 mai 2009

Narcisse au matin

En allant chercher le lait
Un matin sur mon vélo,
Je m’arrêtai sur le pont
Je jetai un œil fripon,
Cherchant au miroir de l’eau
A revoir mes yeux si beaux
Mais je ne vis qu’un mulet.




Balises : miroir, vélo, lait, pont (des explications ici)

lundi 25 mai 2009

Courage et dévouement

Romulus et Remus
N’étaient pas encore hommes.
Au lieu de fonder Rome
Et se battre, ne fût-ce
Que pour quelques instants,
Ils décidèrent très
Brusquement, à la russe,
De partir pour longtemps,
Perçant l’orient d’un trait
Pour découvrir l’Indus.

Arrivés aux contrées
Où les étoffes font
Des murmures profonds
Et des couleurs outrées,
Ils furent bouche bée
De la beauté des femmes,
Mouvantes oriflammes,
Caressant leurs bébés
Dans des flaques infâmes.

Elles donnaient leur lait
Sous les ponts, majestueuses
En fées de pourpre et d’or,
D’orange, en un décor
Formé d’ombres boueuses
Et de décombres laids.

Les deux loups audacieux
Voulaient marquer l’Histoire
D’un fer rouge à leur gloire
Mais baissèrent les yeux
Devant la dignité
Des mères – épatés.

Un peu bizarrement,
Il ne nous reste rien
De ce voyage aryen
Des jeunes conquérants :
Nul mythe ne l’affiche,
Nulle saga en vers,
Ni piastre à son avers,
Ni bronze d’un fétiche.



Balises : lait, pont, piastre, fétiche (des explications ici)

mercredi 20 mai 2009

Réserve

Vélocipède oxydé,
Balais de paille démanché,
Outres vides en peau de chèvre,
Flûte marquée de rouge à lèvres,
Sac postal d’écrits posthumes,
Sur cintre bleu, un costume
Etriqué d’arrière-grand-père,
Sabre de Khmer,
Dague de Mhong,
Un châssis, un gong,
Un dromadaire blatéré
Au regard désespéré,
Quelques piastres du vieux Caire
Venues par la voie des airs,
Un cerf-volant à antennes
Qu’on lance dans les ciels de traîne,
Des chaussures cirées d’enfant
Au cuir craqué encor blanc,
Un vieux Germinal rongé
Par un mulot dérangé,
Le grand mât d’un porte-manteau,
Un pot d’un temple shintô,
Une ribambelle de fétiches
Camouflés dans des potiches…

En ouvrant la porte
De ce bric-à-brac,
On prend dessus tout à trac
Des corps d’armée de cloportes,
Et c’est sur ce sédiment
Que poussent les histoires soyeuses
Et les sagas merveilleuses
Qu’on croyait au firmament !



Balises : piastre, fétiche, sédiment, germinal (des explications ici)

mardi 19 mai 2009

Au-delà

J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
Sur des îlots sans âge et sans destination,
Qui flottaient sur les vagues comme floraison
Disséminée au large d’un Vésuve antique.

Je vivais là semblable à d’autres djinns mineurs,
Dans l’insouciance à l’aube nous chantions dans l’eau,
Nous mangions des fruits mûrs, parlions dans le halo
Du feu le soir tombant, parmi les oiseaux-fleurs.

Nous trouvions sur les plages des piastres flétries
Effigies de monarques lointains et imberbes
Que nous lancions au ciel et qui roulaient dans l’herbe,
Bruns fétiches ineptes de pays meurtris.


Les sédiments de ma mémoire
Se recouchent, je me rapproche
Hébété de ma chambre moche,
Repris par mon Germinal noir.



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lundi 18 mai 2009

L’amour est revenu

Au son des timbales,
Bombes d’airain du tonnerre,
Grommelle et s’ébroue la terre.

Voilà Germinal,
Les poils tout fins du printemps
Nappent leur duvet tentant,

En draps de soie pâle,
Au flanc des collines douces,
Se serrent les jeunes pousses.

Dans le pli du val,
Sur un lit de sédiments,
Tortille comme un sarment

Un ruisseau d’opale,
Chuintant dessous les rochers
A la torpeur arrachés.

Une brume en voile
Flotte sur un fjord en paix,
Comme dans un vieux couplet,

Un rayon d’étoile
Caresse les cheveux frais
De mes enfants, dont les traits

Emeuvent ma moelle :
Ils ressemblent à leur mère.
Je suis comme un arbre en terre
Couvert de pétales.



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mercredi 13 mai 2009

Pas de spray pour les skins

Vendeur de spray sur le trottoir,
Sébastopol quand vient le soir
Me devient tout un coup hostile,
J’emballe ma came et je file.

C’est l’heure risquée des apaches,
Leurs crânes rasés bleus, les vaches
Chassent le singe, disent-ils,
Pour délasser leurs nerfs au fil
Du rasoir le long de nos cous,
Ils déboulent, gang de chiens fous.

A l’arrière du Morning Star,
J’entends deux des maudits bâtards,
Jamais un seul, voilà ma règle.
Je suis à la fois singe et aigle.

Tenant fermement dans ma pogne
Mon mètre de tuyau, je cogne
Sur un occiput dénudé
Que je sens aussitôt céder.

L’autre dégénéré s’excite,
Il sort une lame et l’agite,
Mon tuyau est un hélico
Au-dessus de sa peur d’ado.

L’aéronef se pose enfin
Sur l’arête de son nez fin,
J’arme pour achever la fiotte,
Alors un parpaing me tapote
La tempe d’un bonjour ami
Et me fend la courge à demi.

Les brancardiers sont à la peine,
L’ambulance a mis la sirène.




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mardi 12 mai 2009

Etoile filante

Juste au seuil de la nuit, au cœur de Bab el-Oued,
S’agglutine un attroupement.
Il semble que décidément
Les bédouins du secteur goûtent les intermèdes.

C’est la célèbre idole du Sahara blanc,
Yasmina la Splendeur, dont les chameliers rêvent
Sous la tente en laine la nuit ;
Elle cambre son bassin lent
Dans les yeux sous les chèches quand le jour se lève,
Chacun en est encore empli.

Curieux, je me rapproche afin d’apercevoir
Cette étoile tombée, cette célébrité
Dont les courbes onctueuses font faner l’été
Incendiaire et renvoient les dunes dans le noir.

Elle danse un roulis chavirant et lascif
Ses hanches larges tanguent au rythme des cœurs
Et on lit sur la face des hommes songeurs
Un élan comprimé, un frisson convulsif.

Je recherche ses yeux camouflés par un voile,
Il me semble y trouver quelque trait familier
Sans pouvoir cependant cette impression délier
Mais une résonance a frémi dans ma moelle.

Et soudain sous la voûte rasée de mon crâne
Le souvenir revient éclatant en bouquet,
Feu d’artifice ancien, remugle de muguet
De ces mois pathétiques où je fus un âne :

C’est Lucette la Drue ! qui charriait son néant,
Ses passes à cinq sacs sur les avenues longues
Des contours de Paris, ses mamelles oblongues
Ses yeux bruns en amande et son vaste séant !

C’était alors la star des nuits des Maréchaux
Du spray sur sa crinière, du strass sur son derrière,
Un spécimen hâbleur, les deux jambons à l’air,
Qui quand il faisait froid avait toujours trop chaud.

D’abord je fus client, puis je devins ami
Puis je fus transpercé d’un seul coup – patatrac !
D’amour ! et du surin du mac.
Pour un peu j’y laissais la vie.
Cela me fit passer l’envie
De l’arracher de son tarmac.




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dimanche 10 mai 2009

Lapis-lazuli

Anatole, anatomiste,
Parcourait sans relâcher
Les dunes entachées de vieux qsars ébréchés
Et sans ciller jamais avançait, méhariste.

Il cherchait le long d’un oued
De son regard acéré
Des spécimens vivants d’insectes éthérés,
Libellules traçant, dans l’air vibrant, des Z.

Des citernes entières de plomb liquéfié
Coulaient du ciel intenable.
Dans la chaleur lamentable,
Dansaient les millivolts sur l’azur pétrifié.

Anatole à l’affût, accrocha son regard
A un éclair bleu précieux :
Un odonate audacieux !
Il s’approche en félin, et dans son dos prépare
Son filet de soie blanche avec des reflets d’or
Pour capturer son trésor…
Ça y est ! Le voilà hors
De lui, c’est le succès !! Sans crier gare alors
Pour fêter cet exploit exceptionnel, il sort
D'un havresac jaune un sandwich au roquefort.




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samedi 9 mai 2009

Boxe

Comme Eduardo faufilait
Une main irrésolue,
Chaque phalange velue,
Sur son sein couleur de lait,
Simona sans sourciller
Dégaina un uppercut
Rencontrant - nom d'une pute ! -
Son menton sans dérailler.

Eduardo chut comme un sac
Tous ses esprits évanouis,
Dans une posture inouïe,
Membres étalés en vrac.

Encor quelques millivolts
Tout fous sur sa joue couraient,
Quand sa vieille mère Audrey
Trouva son corps désinvolte.
Se penchant avec effort,
Elle appliqua de son doigt
Sur son menton un empois,
Pâle emplâtre au roquefort.




Balises : millivolt, roquefort, joue, emplâtre (des explications ici)

vendredi 8 mai 2009

Sauvé par l’amour

Comme le jour baisse,
Ma chair ne se laisse
Plus compter fleurette
Par son amourette.

Ma joue est tannée,
Mon cœur est vanné,
Des jours la kyrielle
Se dissout au ciel.

Je me rabougris,
L’horizon est gris,
Toi seule, près l’âtre,
Me secoues : « Emplâtre ! ».



Balises : kyrielle, tanner, joue, emplâtre (des explications ici)

vendredi 1 mai 2009

Tranche de Haddock

Tout au cours de ma vie, j’ai eu souvent la joie
De croiser de sacrés salauds,
Des emplâtres, des mégalos,
Des jean-foutre arrogants, un poil dans chaque doigt

Mais aussi des pétasses sacrément barrées,
Des connasses très délétères
Frémissant quand elles enterrent
Leurs semblables au trou d’un chiotte pas curé.

Le travail est un nid de frelons inutiles,
Qui comblent leur inexistence
Par de grands efforts de nuisance,
En juste proportion de leur orgueil futile,

Des cow-boys de couloir à guibolles guimauve,
Des amazones pathétiques,
Des justicières névrotiques
Et des super zéros cravatés de soie mauve.

Je vais donc aujourd’hui leur déclarer ma flamme
En respectant bien sûr l’égalité des chances
– Cache-sexe obligé au pays des outrances –
Sans distinction de genre, aux hommes et aux femmes :

Manchot empereur !
Jument carnivore !
Timonier revenu des morts !
Tête de morue sauce beurre !

Baudruche en vol libre !
Ventilateur vain !
Superstar du musée Grévin !
Boss creux à portable qui vibre !

Joue de porc saindoux !
Eh poupée gonflée !
Moule pas fraîche au bulbe enflé !
Sergent Garcia dans son vin doux !




Balises : joue, emplâtre, cow-boy, tranche (des explications ici)