samedi 20 décembre 2008

La nature est-elle sacrée ?

Régulièrement, les progrès scientifiques et technologiques repoussent les frontières de ce que l’homme peut faire. Pendant un temps, on pensait qu’on mourait si on se déplaçait au-delà de quelques dizaines de kilomètres/heure. Plus récemment, on a pensé que le LHC pourrait créer des trous noirs.

En filigrane se pose la question du caractère sacré de la nature et de l’homme. Je ne veux pas réfléchir ici sur le caractère sacré de l’homme. En revanche, le caractère sacré de la nature paraît plus accessible.

Il est naturel de modifier la nature.

Pour reprendre un raisonnement fait dans un précédent billet, l’intelligence de l’homme est naturelle, dans la mesure où elle est le fruit d’un processus évolutif fondamentalement semblable à celui qui donne telles ou telles caractéristiques à d’autres espèces. L’usage de l’intelligence est également naturel : l’homme laboure des champs, le chimpanzé attrape des fourmis avec des outils qu’il fabrique et range pour la fois suivante. Plus fort, le geai qui vole les glands cachés par ses congénères change les caches des siens : il est capable de concevoir qu’on peut lui faire subir les avanies qu’il inflige aux autres.

Par conséquent, il semble que les modifications que l’homme fait subir à la nature soient fondamentalement « naturelles ». On heurte alors de plein fouet la notion d’artifice : ce que l’homme fait subir au cours naturel des choses, c’est la définition de l’artifice.

C’est parce que l’opposition nature/artifice repose sur une opposition entre homme et nature. Or, comme indiqué dans des billets précédents, il ne me semble pas que l’homme soit fondamentalement différent des (autres) animaux. Dès lors, l’opposition homme/nature est caduque. Il convient plutôt de raisonner en termes d’interactions. Bref, ma raison me dit que la nature n’est pas sacrée, parce que nous en faisons partie et que, comme toutes les autres espèces, nous modelons notre environnement à notre profit, dans la mesure de nos capacités.

Le cousin est mon cousin.

Autre chose me dit au contraire qu’il y a des limites à ce qu’on peut faire subir à la nature. Il s’agit d’une certaine sympathie, voire empathie, vis-à-vis d’autres êtres vivants. Qui n’est pas touché par la souffrance d’un singe soumis à des expériences scientifiques ? Ça vaut aussi pour un lapin ou un chien. Et si ça valait aussi pour un lézard, un insecte, une bactérie ? un pied de menthe ? Les limites de l’empathie en termes d’espèces sont floues et variables d’un individu à l’autre.

Quoi qu’il en soit, selon cette dernière logique, les limites de ce qu’on peut faire subir à la nature sont celles de l’empathie : au-delà d’un certain degré de dissemblance, l’empathie s’évanouit et la manipulation n’est plus entravée.

Ces deux approches portent à conclure qu’il est normal de modifier la nature mais que notre empathie pour d’autres espèces constitue un frein d’ordre émotionnel. La seule vraie limite serait alors celle de notre survie, comme le met en lumière le changement climatique.



Os

Mais alors avons-nous le droit de modifier totalement la nature, tant que cela n’est pas dangereux pour nous ?

Si on est rationaliste, on répond oui, puisque toutes les espèces le font aussi. Si on est sentimental, on répond non, puisque l’humain en vient souvent à dégrader son environnement. Si on est un humain standard, on ne sait pas trop quoi répondre.

On peut sans doute se risquer à dire qu’on a le droit de modifier notre environnement uniquement dans la mesure où ça nous permet de vivre correctement et où aucune modification n’est irréversible.

C'est là qu'est l'os : que signifie « correctement » ? Une espérance de vie à 45 ans sous un tipi ou une espérance de vie à 80 ans avec un portable ? Par ailleurs, comment savoir que tel ou tel changement est irréversible ? Une intervention humaine peut avoir des effets inattendus ou cachés.

On a donc une réponse relativement satisfaisante sur le plan intellectuel mais diablement difficile à mettre en œuvre. Pas très étonnant, vu ce qu’elle reprend du principe de précaution et du développement durable.

A noter toutefois que cette réponse ajoute deux aspects :
- « vivre correctement » suppose de se fixer des limites plus sévères que celles que la biosphère nous impose pour notre survie ; cela suppose de faire preuve d’une certaine mesure ;
- « modification irréversible » ne fait pas écho seulement à un éventuel besoin qu’on aurait de telle ou telle espèce dans l’avenir mais aussi à un respect fondamental de toute forme de vie.



Poire pour la soif

Que dire alors de ceux qui considèrent la nature comme sacrée dans toutes ses composantes ? On pense à des écologistes extrémistes mais aussi à la plupart des peuples premiers. Ils modifient peu leur environnement et, souvent, cultivent des croyances qui sacralisent la nature.

Se pose alors la question suivante : peut-on être « évolué » sans perturber gravement l’environnement ?

lundi 15 décembre 2008

Aujourd'hui est un grand jour

Le calendrier chrétien a été supplanté par un calendrier païen, dans lequel chaque jour est consacré à une grande cause ou un grand événement. Ce dernier système me semble préférable mais il faut bien reconnaître que les grandes idées ont tendance à s’étouffer les unes les autres (journée de l’Europe le lendemain de l’armistice etc.).

Pour vous aider à déterminer ce qui est vraiment important dans tout ça, j’attire aujourd'hui votre attention sur la journée de l’esperanto. Eh oui, c’est aujourd'hui, le 15 décembre. Il y a trois points à mettre en avant sur ce sujet.

Lerni Esperanton estas tre facila.

Bien connu mais essentiel : l’apprentissage de l’esperanto est d’une facilité désarmante. Un seul exemple : un verbe ne peut avoir que douze terminaisons différentes, pour toutes les personnes, tous les temps et tous les modes (et seulement six si on exclut le participe). Ça se comprend en vingt secondes, ça se retient en dix minutes. A titre de comparaison, en français, les terminaisons pour un verbe se chiffrent à plusieurs dizaines.

Après un petit cycle de cours sur Internet d’une dizaine de leçons, on se trouve capable de lire des sites en esperanto.

Esperanto devus estigxi la lingvo de la Euxropa Unio.

L’Union européenne se débat dans des difficultés linguistiques épineuses, avec l’installation presque achevée de l’anglais comme langue-pont. Pour résumer des arguments développés notamment par Krokodilo sur le blog "Coulisses de Bruxelles" de Jean Quatremer (le lien est dans la colonne de droite), l’anglais est beaucoup plus difficile que ce qu’on dit, notamment sur le plan phonétique.

En outre, son adoption généralisée constitue une grande injustice, défavorisant les pauvres (les cours et les séjours sont chers) et favorisant les anglophones.

Au contraire, l’esperanto a par définition vocation à servir de seconde langue. Sa facilité d’apprentissage le met à la portée de tous et son caractère "déraciné" écarte le risque qu’il prenne la place des langues maternelles.

Scrivu Esperantan poezion.

Enfin, l’esperanto a, entre autres, des caractéristiques de langue agglutinante (comme le turc ou le japonais). Conséquence inattendue : on peut fabriquer des termes nouveaux avec toutes les nuances souhaitées.

Un exemple :
Kuiri : cuire
Mal- : préfixe indiquant l’absence
-> malkuira : cru
Sovagxa : sauvage
-> malkuirsovagxo : un « sauvage cru »

Le potentiel poétique est proprement renversant.


Note : la lettre X est une convention d’écriture, qui remplace des signes se trouvant sur certaines consonnes et le U.




Réponses aux critiques habituelles à l’esperanto, par un linguiste patenté :
http://claudepiron.free.fr/index.htm

Des cours d’esperanto sur Internet :
http://fr.lernu.net

Un équivalent en esperanto du Courrier international (rédigé en France)
http://eventeo.net

Bavarder en esperanto et prendre des cours sur Second Life :
Cherchez « Esperanto Lando »




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Hodiaux estas granda tago.


Pagana kalendaro anstatauxis la kristiankalendaron. En cxi-tiu pagankalendaro, cxiu tago rilatigxas kun granda ideo aux granda evento. Cxi-tiu sistemo sxajnas preferebla al mi sed mi dovas konfesi, ke cxi-tiuj grandideoj povas reciproke sufoki sin (la tago de la Euxropo estas la posta tago de la armistico ktp).

Pro helpi vin en la decidigo de kio estas vere grava en la pagankalendo, mi emfazas al vi, ke hodiaux estas la tago de Esperanto. Jen, estas hodiaux, la 15-an de decembro. Estas tri rimarkindaj punktoj pri tio.

Lerni Esperanton estas tre facila.

Tre sciata sed esenca : la lerno de Esperanto estas surprize facila. Sole unu ekzemplon : verboj nur havas dekdu diversajn finajxojn, pri cxiuj personoj, tempoj kaj modoj (kaj sole ses se oni lasas la participon). Dudek sekondoj suficas por kompreni, dek minutoj por memorigi. Por kompari, francaj verboj havas plurajn dekarojn de finajxoj.

Post dekkursa interretcikleto, oni povigxas liri esperantpagxarojn.

Esperanto devus estigxi la lingvo de la Euxropa Unio.

La Euxropa Unio penas pro lingvaj malfaciloj, dum Anglo preskaux estigxas la pontlingvo. Laux argumentoj de Krokodilo (kaj alioj) en la pagxaro de Jean Quatremer "Bruselpostsceno" (la ligajxo estas en la dekstra kolono), Anglo estas tre pli malfacila ol oni pensas, speciale prononco. Transe, sia preskaux totala adopto konstituas grandan malgxuston, ke malfavorigas malricxojn (kursoj kaj restadoj estas karaj) kaj favorigas angloparolantojn.

Kontrauxe, Esperanto konstruigxis por esti dua lingvo. Gxia lernfacilo farigas cxiun facile lerni gxin kaj gxia "malradikigito" riskpreventas, ke gxi mallogxas patrinajn lingvojn.

Skribu esperantan poezion.

Fine, Esperanto havas, inter aliaj, karakterojn de algluaj lingvoj (ekzemple Turko aux Japano). Malatenda sekvaro : oni povas fabriki novajn terminojn kun cxiujn dezireblajn nuancojn.

Ekzemplo :

Kuiri : aliigi uzante kontrolatan varmon
Mal- : prefikso kio signifa mankon
-> malkuira : ke ne estas kuirita
Sovagxa : malcivilizigxita
-> malkuirsovagxo : tre bruta kaj malcivilizigxita persono

La poezia eblo estas pure renversanta.




Respondoj al la plejoftaj kritikoj pri Esperanto, de certigita lingvisto :
http://claudepiron.free.fr/index.htm

Esperantkursoj en la interreto :
http://fr.lernu.net

Esperantekvivalento de la « Courrier international » (skribata en Francio)
http://eventeo.net

Por esperante paroleti kaj kurscxeesti en Dua Vivo :
Sercxu « Esperanto Lando »

jeudi 11 décembre 2008

Curiosités

Antarctique 1 – Galapagos 0

On a découvert que certaines îles dans l’Antarctique abritent plus de biodiversité que les Galapagos.

C’est surprenant à deux titres :

- on considère généralement que les zones les plus riches en biodiversité sont tropicales (forêts ou barrières de corail) ;
- les Galapagos sont particulièrement associées à l’idée de biodiversité, puisque c’est là-bas que Darwin a fait des observations décisives pour sa théorie sur la sélection naturelle.

De fait, ce sont surtout les eaux qui entourent les îles antarctiques en question qui sont riches en biodiversité.

Les scientifiques ont lancé un état des lieux car ces îles sont un excellent observatoire des effets du changement climatique sur la biodiversité : les espèces qui aiment le froid vont partir vers le sud, remplacées par d’autres espèces venues du nord.

L’article du New Scientist du 3 décembre (en anglais) :
http://www.newscientist.com/article/dn16130-antarctic-islands-surpass-galapagos-for-biodiversity.html



L’avènement de l’Homme

Ça n’est plus tout frais mais ça reste surprenant : la Société géologique de Londres, sévère institution qui établit les normes en matière de stratigraphie (étude des strates géologiques), a décidé en février dernier que la Terre est sortie de l’Holocène et qu’elle est entrée dans l’Anthropocène. A noter que la date précise de ce changement est sujette à discussion mais elle est forcément récente à l’échelle du temps géologique.

Le néologisme "Anthropocène", créé par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen, rend compte du fait que l’humanité est désormais considérée comme une force capable d’avoir des effets au niveau géologique et, bien entendu, sur le reste de la planète.

Certains vont même plus loin et parlent déjà de Post-Anthropocène :
http://philoscience.over-blog.com/article-7370294.html



L’avènement de l’Homme (2)

Les chiffres concernant le Large Hadron Collider, plus connu sous le nom de LHC, confirment le point précédent : l’humain est aujourd’hui capable de créer des conditions qui n’existent pratiquement pas à l’état naturel.

Fait remarquable : cette machine est un monstre technologique et sa construction n’a été possible que parce qu’elle associée des dizaines de pays du monde entier, ainsi que la majeure partie de la communauté des physiciens spécialisés dans ce domaine. A l’époque du retour des guerres ethniques, ça mérite d’être noté.

Pourquoi un monstre technologique ? A titre d’exemple, les températures dans le LHC descendent jusqu’à -271°C, soit plus froid que dans l’espace. Elles montent jusqu’à 100.000 fois la température qu’on trouve au cœur du soleil. Le vide y est plus vide que celui qu’on trouve entre les planètes du système solaire.

Une limite cependant n’est pas dépassée : les « trains » de protons qui sont envoyés dans le circuit font 11.000 fois par seconde le tour de la boucle de 27 kilomètres. C’est juste en deçà de la vitesse de la lumière.

Encore une fois, maintenant que nous avons ce pouvoir, allons-nous l’utiliser intelligemment ?

Chiffres sur le LHC :
http://public.web.cern.ch/Public/fr/LHC/Facts-fr.html



L’avènement de l’Homme-Cochon

Les xénogreffes (greffes de tissus ou organes animaux chez des humains) refont parler d’elles à l’occasion d’une réunion de chercheurs et de régulateurs, qui a eu lieu en Chine mi-novembre. Il s’agissait d’établir des principes généraux régissant les débuts de la pratique de la xénogreffe.

Les premières xénogreffes pourraient consister à implanter des cellules de porc dans le foie de personnes diabétiques, pour les aider à produire de l’insuline. Si cela se fait et se généralise, la question de la définition de l’humain abordée ici se posera avec encore plus d’acuité.

En passant, on ne peut pas s’empêcher de relever que la réunion s’est tenue en Chine. Les Chinois sont en effet parmi les meilleurs mondiaux en matière de greffe. Or il est de notoriété publique que les condamnés à mort chinois sont malgré eux à l’origine d’un trafic d’organes assez actif. C'est à croire que la demande est telle que le régime n’est pas encore assez répressif et qu’il va être obligé de trouver des cochons dissidents ou corrompus. La loi de l’offre et de la demande aurait donc bien eu la peau du communisme.

L’article du New Scientist (en anglais) :
http://www.newscientist.com/article/mg20026844.500-pig-organs-ready-for-humans-at-last.html?full=true#bx268445B1

Un article d’Amnesty International Belgique sur les exécutions en Chine et le trafic d’organes :
http://www.amnesty.be/doc/article490.html



Jus de chaussette

A l’heure où certains lisent des fadaises sur Internet, des savants se torturent les méninges pour résoudre de graves problèmes : comment traiter les ordures dans l’espace ? Des malins ont imaginé de récupérer l’eau des ordures avant de les abandonner au vide cosmique. Voilà du recyclage. On ne sait pas si c’est très efficace sur le plan énergétique (combien de kWh utilisés pour récupérer cette eau ?) mais ça pourrait s’avérer utile pour les astronautes. C’est qu’il faut bien se doucher pour se débarrasser de la poussière lunaire.

On pourrait creuser cette piste pour récupérer de l’eau à partir des ordures sur Terre également. On pourrait probablement tirer quelques litres de certains dirigeants chinois, ce qui permettrait de compenser partiellement la sévère dégradation des ressources en eau dans le pays. Dans l’idéal, ça serait bien aussi de les abandonner ensuite au vide cosmique si on peut.

http://www.sciencedaily.com/releases/2008/11/081118121948.htm

mardi 9 décembre 2008

Croûte ou carotte ? (2)

Soyons poétiques

Revenons à la métaphore du piano : dans un piano, quand on joue une note, il n’y a pas qu’une seule corde qui vibre. D’autres cordes vibrent aussi, parce qu’elles sont liées à la première par des phénomènes acoustiques.

Parallèlement, en nous, certaines cordes dormantes s’éveillent petit à petit, par résonance, quand on touche les cordes qui leur sont liées. On finit ainsi par apprécier pleinement certaines choses auxquelles on était initialement totalement réfractaire.

Soyons prosaïques

L'évolution du facile vers l’enrichissant est une forme d’apprentissage : un objet bien connu devient lassant, on se porte alors vers un autre. La nouveauté, qu’elle soit ou non mâtinée de difficulté, provoque le renouveau du plaisir. C’est le syndrome de Don Juan, étendu à tous les sujets (si j’ose dire). A noter que, dans sa recherche de nouveauté, Don Juan fait preuve d’un goût prononcé pour la difficulté, ce qui n’est pas le cas de tout le monde.

A noter également que le travail du cerveau évolue parallèlement à l’apprentissage : les zones cérébrales mises en jeu dans une activité nouvelle (cortex frontal) ne sont pas les mêmes quand cette activité est maîtrisée.



Alors, croûte ou carotte ?

Le plaisir est-il lié à l’immédiateté (la croûte) ou à la profondeur (la carotte) ? Les deux, il s’agit simplement de stades différents dans l’apprentissage d’un domaine. Après, on peut porter des jugements sur la valeur du plaisir lié à chaque étape d’un apprentissage. Je m’en garde : la subtilité n’a pas plus de valeur en soi que la simplicité. En revanche, on est forcément moins enrichi par des choses connues que par des choses inconnues.

Plus égoïste : si je peux me montrer condescendant face à qui se régale d’un roman à l’eau de rose, je peux commettre le même péché en m’extasiant devant une décoration lourdingue. Chacun est le plouc d'un autre.

Voilà donc une conclusion bien politiquement correcte. Mais de fait, on ne peut pas être partout, à cause du « coût d’opportunité », comme disent les financiers : le temps est une ressource limitée, si je le consacre à ce livre épineux de James Joyce, je ne pourrai pas l’utiliser pour aller voir telle expo ou simplement cuisiner le dîner.

Autre dimension du problème : l’âge joue aussi un rôle dans l’évolution des goûts. Bien entendu, l’accumulation d’expérience s’inscrit dans le temps. On constate cependant certains changements qui s’accommodent mal d’une explication aussi linéaire. Par exemple, les enfants en général n’aiment pas les aliments amers. Cela change à l’âge adulte : le goût pour le café, le vin rouge, les endives vient tard et, surtout, vient d’une manière assez subite. On dit aussi que les gens âgés aiment le sucre. On peut donc soupçonner que des changements physiologiques engendrent des tendances lourdes, auxquelles se superpose l’expérience de chacun.

On retombe ici sur une vieille dichotomie : l’inné et l’acquis. Mais c’est un très vaste débat, qui justifiera sans aucun doute moults billets et billevesées.

Ainsi, comme on m’a appris à l’école, je finis mon devoir sur une ouverture.



Sur l’apprentissage (avec un point intéressant sur l’oubli nécessaire) :
http://www.lexpress.fr/informations/les-mysteres-de-l-apprentissage_635776.html

samedi 6 décembre 2008

Croûte ou carotte ? (1)

Et le plaisir dans tout ça ?

Je reprends mon billet du 24 novembre sur la littérature. Je concluais en faisant le constat d’une certaine polarité opposant livres faciles et enrichissants mais que fait-on du plaisir dans tout ça ?

La réponse évidente est qu’on tire du plaisir des deux types de lectures. Par contre, ce qui est certain, c’est qu’il s’agit de plaisirs différents.

Dans le cas des livres faciles, c’est l’impression de vivre une aventure. Dans celui des livres enrichissants, c’est plus subtil. Il y a un plaisir esthétique, c’est-à-dire le plaisir de se frotter à quelque chose qu’on trouve beau, sur la forme ou sur le fond. Il y a aussi le plaisir de voir développé quelque chose qu’on sent sans pouvoir l’exprimer ou quelque chose qu’on peut partager profondément. La résonance est ainsi une composante essentielle du plaisir le plus enrichissant dans la lecture. D’ailleurs dans tous les arts, la grande merveille de l’auteur est de savoir faire vibrer en nous des cordes connues ou, mieux, inconnues.

J’en viens à mon propos : les plaisirs donnés par différents livres diffèrent. Généralement, ils s’inscrivent dans une progression. Beaucoup d’enfants et d’adolescents sans intérêt pour la lecture se passionnent pour Harry Potter. Par la suite, ils cherchent d’autres livres et, progressivement, prennent goût à la lecture elle-même. C’est alors que commence une alchimie intrigante.

D’Asimov à Zola

On dit qu’on cultive son goût. De fait, on passe d’un plaisir simple et immédiat à un plaisir plus complexe. Le plaisir a donc (au moins) deux dimensions : l’immédiateté et la profondeur. Quand on aime Harry Potter ou Asimov, on est tout de suite pris par l’univers imaginatif et les rebondissements. Mais qu’en reste-t-il ensuite ? Moins que chez Proust ou Céline.

Chez eux, c’est l’humain et l’esthétique qui priment. Ces éléments sont moins immédiats, mais ils durent plus longtemps. Ils ont aussi une autre forme d’intensité : alors que les livres d’action parlent clairement, les autres émettent un message plus subtil et diffus. Ils touchent aussi à des choses moins dicibles : la beauté et l’humain sont moins faciles à manier que la surprise et le suspense.

On peut concevoir que le passage d’un plaisir à l’autre soit progressif. Bien sûr, la polarisation des livres n’est pas absolue, loin de là, et il existe toute une gamme de livres jouant sur les deux tableaux. C’est en s’attaquant à des livres distillant des messages toujours plus subtils et profonds qu’on s’habitue à ce type de discours. Parallèlement, on s’habitue aux procédés fracassants des livres d’action, dont l’effet finit par s’émousser.

On peut faire le parallèle pour toutes sortes de domaines : il est assez évident en matière de cinéma. En musique classique, on peut commencer par le romantique pour aller vers le baroque et le contemporain. Le parallèle tient également en matière d’arts plastiques ; on commence par aimer la Joconde, puis (après une longue pratique) on finit par apprécier l’art contemporain. En BD, on commence avec Astérix et on finit avec de Crécy.


C’est donc tout simplement l’expérience qui nous guide. Par conséquent, l’évolution du goût n’est ni plus ni moins qu’un apprentissage vis-à-vis de nouveaux objets.


C'est bizarre, une fois écrit ça paraît évident mais ça ne l'était pas avant. Peut-être parce que cet apprentissage revêt une forme un peu inhabituelle, se faisant de manière souterraine, non organisée et sur le moyen ou long terme.





Les BD de Nicolas de Crécy :
http://www.bedeo.fr/pseudonymes-bd/DE-CRECY.Nicolas

jeudi 4 décembre 2008

Fonétic

Prologue

Aujourd’hui, c’est expérimentation. On prend un sujet qui nous touche tous : l’orthographe.
Quelques conventions pour faciliter la lecture : les voyelles nasalisées (in, an, on) sont notées avec le signe ~. Le C se prononce toujours « k ». Le Ñ se prononce « gn ». Un conseil si vous ne comprenez pas : lisez à voix haute. C’est comme de l’italien, une fois qu’on a compris les règles de prononciation, ça vient tout seul.

En route

Ecrivõ ãn ortograf absolumã fonétic, a l’italièn. Premié problèm ci viĩt a l’èspri, la lizibilité. Sa n’a pa l’èr totalemã ĩsurmõtabl a premièr vu mè nouz ã sorõ plus sur se sujè a la fĩ de sèt èsè.

Pèrt d’ĩformasiõ

La critic la plu frécãt ci è fèt a un réform de l’ortograf è l’abãdõ de l’orijin dè mo é l’apovrismã de la lãg. Vouala comã õ se retrouv ãcor a parlé d’étimoloji isi !

Il è vrè ce le fransè, du fè de sõ acsãtuasiõ particulièr, a plus fè évolué lè mo ce d’otr lãg latin. L’èspañol é l’italiĩ par egzãpl sõ plu proch du latĩ, parse ce l’acsã tonic i è mouĩ ecscluzif c’ã frãsè : ã frãsè, la dèrñèr silab a disparu car l’acsã tonic, situé sur l’avã-dèrñèr silab com dã tout lè lãg latin, è tèlmã for c’il a fè disparètr la dèrñèr silab. Dez egzãpl : amare-aimer, filia-fille (le E è muè). Õ trouv ĩ fénomèn ĩ pe similèr ã portugè (du Portugal, pa du Brézil) : « Praça do comercio » se di « Pras d’c’mers ». Dè problèm d’ortograf se poz d’aier osi o Portugal.

Par cõsécã, un écritur totalemã fonétic ãjãdrerè un pèrt d’ĩformasiõ étimolojic. Mè è-s vrèmã ĩportã ? Ci se sousi d’étimoloji ? É ne pet-õ pa retrouvé l’étimoloji dè mo, mèm avec un ortograf totalemã fonétic ? Sela demãderè un analiz plu pousé.

Cãt a l’apovrismã de la lãg, je ne pãs pa ce la critic soua solid : ãcor un foua, l’èspañol e l’italiĩ ne sõ pa dè lãg povr or il s'écriv de mañèr totalmã fonétic.

La pert d’ĩformasiõ sur la fõcsiõ gramatical n’è pa forsémã ĩportãt nõ plu : cõbiĩ de lang fõcsion trè biĩ sã fõcsiõ gramatical préciz ? Un sel egzãpl : ãn ãnglè, « same » pet ètre ĩn adjectif ou ĩn nõ sã ce sa poz ĩ problèm.

Acsã loco

Cèlce cèstiõ pev se pozé consernã la priz ã cõt dèz acsã réjiono. Ãn èfè, dã le nor de la Frãs, õ distĩg « é » de « è », alor ce « un » e « in » se pronõs parei. Dã le sud, s’è le cõtrèr. Sur se tip de pouĩ, il fodra fèr dè choua. De la découl ĩ cõsta ĩportã : l’ortograf ne poura pa ètr totalmã fonétic : c’õ soua dã le nor ou dã le sud, il fodra se cresé la tèt pour écrir sertĩ mo. Sela di, sa parè minim par rapor oz avãtaj sur tou lez otre mo.

Finisõz-ã

Troua pouĩ pour finir :
- je pãsè ce lè lièzõ poserè ĩ gro problèm mè il n’ãn è riĩ. Il sufi d’écrir com sa se pronõs ;
- la cãtité de siñ diacritic èt ĩportãt ; s’è révélater de la divèrsité dè vouaiel ã frãsè ;
- l’ortograf c’õn obtiĩ n’è pa trè louĩtèn de sel du créol de la Réuniõ. Or s’è lizibl, mèm s’il fo s’i prãdr a voua ot d’abor.



Ãfĩ, ĩ peti test : cõbiĩ de mo sõ resté ortografié com d’abitud dã se cour text ? A pe prè 25%, e surtou dè mo trè cour, tou le rest a chanjé. Dõc tou lèz otre mo s’écriv ojourdui de mañèr ãbigu. Sa fè réfléchir qã mèm. Il ne fo pa s’étoné aprè sa ce lè fot soua frécãt.

à mèm tã, õ pe désidé ce l’aprãtisaj de l’écritur prãdra dèz ané é ce, de tout fasõ, le frãsè èt un lãg difisil. S’è le ca du chinoua.




… Celui-là, je veux bien être pendu si quelqu’un le lit jusqu’au bout.

mardi 2 décembre 2008

dimanche 30 novembre 2008

L'espèce humaine existe-t-elle ?

A première vue, l’espèce humaine est un objet scientifique et mental bien identifié. Sur le plan formel, chacun voit de quoi il s’agit. Sur le plan scientifique, on a aujourd’hui transcrit son génome, au point qu’on se demande où reste la part de mystère de l’Homme.

Mais abordons la chose sous un biais très prosaïque. L’humain abrite en lui, notamment dans son intestin, des myriades de microbes (ce mot désignant ici de petites formes de vie). Ces microbes ont des caractéristiques variées : certains sont dangereux pour leur hôte, d’autres sont dangereux dans certaines conditions (par exemple inoffensifs, voire utiles, dans l’intestin mais donnant la gastro par la bouche), d’autres encore sont uniquement bénéfiques. Parmi eux, certains sont indispensables à la digestion et au système immunitaire. Chaque humain en abrite un millier d’espèces différentes. Par commodité, appelons-les microbuenos (précision en passant : tous les humains n’ont pas les mêmes).

Who's who ?

Ce constat, mine de rien, a des conséquences radicales : si les microbuenos sont indispensables à la digestion, ils sont indispensables à la survie de tout être humain (dans des conditions normales). Donc tout humain qui en serait dépourvu mourrait rapidement. Par conséquent, tous les humains ayant une espérance de vie normale abritent certains de ces microbes.

Où cela nous mène-t-il ? Peut-on considérer un humain comme complet s’il n’a pas ses microbuenos ? En théorie oui, en pratique non. Donc l’humain n’est pas défini de manière opérationnelle sans mention des microbuenos.

Qu’est-ce qu’une espèce ?

Classiquement, on regroupe dans une espèce tous les individus qui peuvent se reproduire entre eux (interfertiles). Les microbuenos sont indispensables à la digestion mais pas à la fécondation. On peut donc imaginer en théorie qu’un homme et une femme dépourvus de microbuenos s’accouplent mais la femme mourrait avant même d’avoir mené la grossesse à son terme, faute de pouvoir tirer parti des aliments qu’elle ingère. Donc la fécondation est théoriquement possible sans microbuenos, en revanche la reproduction ne l’est pas. Par conséquent, sans microbuenos, l’interfertilité sort du tableau. Donc les microbuenos font partie de la définition de l’espèce.

Parlons lichens maintenant. On dit « un lichen » mais les lichens sont en fait la symbiose d’une algue et d’un champignon. Ces deux groupes sont très éloignés : les biologistes ont arrêté récemment que les champignons forment un ordre à part, différent de celui des végétaux. Si on considère généralement un lichen comme une entité unique, pourquoi ne pas faire de même pour l’humain ?

Trouble de l’identité

Alors que suis-je ? Quelles sont les limites de mon corps ? S’arrête-t-il à la paroi intérieure de mon intestin (mais dans ce cas je ne suis pas viable) ou est-ce que je considère que les microbuenos qui vivent dans mon intestin font partie de moi ?

Pour ajouter au brouillage des frontières, invoquons le transfert génétique horizontal : certaines espèces échangent entre elles du patrimoine génétique. Il s’agit notamment de bactéries. Or nombre de microbuenos sont des bactéries.

Voilà un constat saisissant, qui perturbe fortement le modèle classique de l’évolution :
- une espèce n’évoluerait pas seulement par mutation de son génome mais aussi par absorption d’une partie du génome d’une autre espèce ;
- la vitesse d’évolution des espèces et donc la création de biodiversité pourraient être beaucoup plus rapides qu’on ne le croit.

En ce qui nous concerne nous humains, il n’est pas totalement exclu que nous échangions nous aussi des gènes avec nos bactéries.

Pour ajouter encore à notre trouble identitaire, revenons à la nuit des temps, où la vie n’existait que sous forme unicellulaire. Au bout de quelques millions de siècles, certaines cellules se sont agglomérées, puis certains de ces groupes se sont pérennisés et organisés, via la spécialisation de certaines cellules sur des fonctions données. L’humain est l’un de ces groupes : les cellules de la rétine détectent la lumière, celles du foie dégradent le sucre. Pourquoi alors ne pas considérer que les microbuenos sont de nouvelles cellules en voie d’intégration au groupe constitué que nous sommes aujourd’hui ?

Bref

La conclusion de ces déambulations un peu vertigineuses, c’est que la notion d’espèce humaine est un concept, qui comme tout concept, simplifie la réalité : les liens de l’espèce humaine avec son environnement sont si étroits qu’ils en sont presque consubstantiels et qu’il n’est pas si simple de tracer les contours de l’espèce, donc de la définir. Peut-être faut-il plutôt la considérer comme un biotope.




Sur la notion d’espèce :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Espèce

Sur les microbuenos, plus connus sous le nom de microbiote :
http://www.inra.fr/presse/introduction_sia_microflore_du_tube_digestif

Sur la montée en grade des champignons :
http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761551534/champignons.html

Sujet proche : un exemple de symbiose arbre-champignon :
http://www2.cnrs.fr/presse/communique/1296.htm?debut=152

samedi 29 novembre 2008

Etre ou avoir

Aujourd'hui samedi 29 novembre, c'est la journée sans achat. L'idée de départ est écologique. Cependant, il s'agit aussi de ne pas se laisser réduire à un rôle de consommateurs mais d'être d'abord des parents, des amis, des citoyens, des artistes et/ou sportifs amateurs, des bricoleurs du dimanche, des promeneurs, des curieux.

Le hic, c'est que c'est aussi la journée de collecte des banques alimentaires aujourd'hui. L'idéal serait d'aller faire des courses uniquement pour la collecte mais c'est un peu trop demander... Espérons que les dates soient mieux coordonnées la prochaine fois.

Tout ça incite en tout cas à réfléchir à la répartition de la richesse dans le pays et sur la planète et à la répartition de notre temps et de notre énergie entre différents types d'activités. En d'autres termes, qu'est-ce que je veux être ? Comment est-ce que je veux vivre avec mes semblables et mon environnement ?




Plus d'infos sur le pourquoi du comment de la journée sans achat :
http://www.casseursdepub.org/index.php?menu=campagnes

Un article du Monde, seul grand quotidien à aborder le sujet :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2008/11/28/une-journee-sans-achat-contre-la-consommation-a-outrance_1124834_3244.html

vendredi 28 novembre 2008

Où l’on brique sa conscience écolo

Plantage du décor

Après toutes ces longues notes stratosphériques, revenons à un sujet plus terre-à-terre. Amis humains, sachez que des enjeux majeurs vous attendent au coin du bois pour vous frapper fermement de leurs gourdins cloutés sur le sommet de la calebasse.

Heureusement, un inventeur génial a conçu, pour sauver la planète et notre taxon, le lombricompostage. « Oh ! », « ah ! », s’écrient les ingénus tandis que quelques gloussements éclosent dans les gorges sceptiques.

Tenants et aboutissants

Or donc, l’humain étant omnivore, il consomme une certaine quantité de fruits et légumes. Même dans nos contrées post-modernes, il arrive que ces fruits et légumes soient frais (rappelez-vous le message visionnaire du Ministère de la santé : « 5 fruits et légumes par jour® »). Comme notre process digestif n’est pas (plus ?) au point pour traiter la cellulose et ce genre de choses, nous ôtons, de nos mains équipées de pouces opposables, la peau et autres tiges des fruits et légumes avant de les consommer.

Les heureux propriétaires de jardin, conscients de l’écrasante responsabilité qui pèse sur leurs épaules, peuvent faire un compost pour éviter d’engorger les décharges et les incinérateurs. En effet, il n’est pas inutile de rappeler ici que, pour faire brûler des épluchures de carottes, il faut dégager une certaine quantité de chaleur.

Climax


Mais les autres, les citadins lambda, comment peuvent-ils apporter leur pierre à l’édifice du salut de la planète ? Ils peuvent lombricomposter ! Eh oui c’est magnifique.

En quelques mots, le lombricomposteur est un caisson avec plusieurs niveaux recueillant des débris plus ou moins avancés, et des vers de terre dedans pour faire le boulot de décomposition. C’est pas cher, c’est propre, ça ne sent pas mauvais et ça permet de réduire substantiellement le volume de déchets qui échouent dans des lieux malsains que je ne saurais voir.

Nec plus ultra, il y a à boire et à manger puisque le bazar donne de l’engrais liquide et solide (humus). Mais attention, dans cette vallée de larmes, le nectar et l’ambroisie ne se consomment pas purs : il faut les diluer respectivement dans de l’eau et de la terre avant usage.

Envoi

Donc, ami(e) citadin(e) à petit balcon, vois ce qui te reste à faire, prends dans ton envol ta carte bleue et va faire l’acquisition de cet élégant dispositif qui sera sans nul doute d’ici une semaine ou deux dans toutes les rubriques must-have de la presse féminine : le lombricomposteur.

Tu pourras même donner un nom à tes petits protégés, ils joueront alors en plus le rôle d’animaux domestiques. Eh oui, on n’est jamais aussi seul qu’en compagnie de son Bluetooth.


Comment ça marche (vidéo) :
http://www.quotidiendurable.com/news/lombricompost-des-vers-pour-digerer-les-poubelles-compost

Achète ton lombricomposteur :
http://fr.jardins-animes.com/ecologie-environnement/compostage-recyclage/le-lombricomposteur-avec-500g-de-vers-p-374.html

Sois un citoyen exemplaire et fabrique ton lombricomposteur :
http://www.econo-ecolo.org/spip.php?article987
http://users.swing.be/compost/Main_Lombric.htm

mercredi 26 novembre 2008

Quadrumanie

J'ai toujours rêvé d'avoir des pouces opposables aux pieds, pour attraper des choses. Peut-être qu'à l'époque où c'était le cas, les femelles de nos ancêtres simiesques avaient quatre mamelles. Ceci expliquerait alors cela.

mardi 25 novembre 2008

Business wisdom

When you pay peanuts, you get monkeys.

lundi 24 novembre 2008

Facilité ou enrichissement ?

Je poursuis sur le billet du 13 novembre. Je viens de finir Les piliers de la Terre de Ken Follett et je suis perplexe : j’ai pris grand plaisir à lire ce gros livre mais je reste finalement sur une impression mitigée.

La narration est tout à fait prenante, c’est plein de rebondissements et de suspense mais les personnages ne sont pas très complexes : il y a les gentils et les méchants. La seule surprise est peut-être celle des deux personnages qui changent de camp à la fin. Quant à la langue, on pourrait la qualifier d’efficace.

Je sors donc du livre comme on sort d’un film à grand spectacle : un peu secoué par les péripéties, avec aussi l’impression d’avoir appris des choses sur la manière dont on vivait en Angleterre au XIe siècle (si l’auteur est aussi bien documenté qu’on le dit), mais pas véritablement enrichi par ailleurs.

Le retour du dilemme fatal

Alors se repose la question : faut-il opposer les livres faciles et les livres enrichissants ? Dans les livres faciles, je range Harry Potter, les policiers, Le seigneur des anneaux, Les piliers de la Terre, Asimov, Dumas. Dans les livres difficiles, je range Hemingway, Céline, Gary, Giono, Henry Miller, Sur la route de Kerouac, Proust, Balzac, la poésie.

Qu’est-ce que les livres faciles ont en commun ? Ils sont captivants. Ils vous tiennent en haleine, sont pleins de rebondissements et de tension. Ils sont inégaux par ailleurs : le style, la profondeur des personnages ne sont pas toujours au rendez-vous.

L’ambiance du livre et la psychologie des personnages jouent aussi un rôle dans le caractère captivant d’un livre.

Inversement, les livres difficiles ont un rythme plus lent ou menu. On n’y embarque pas comme en TGV. Cela dit, la qualité littéraire et humaine n’est pas toujours au rendez-vous, là non plus.

S’enrichir ou ne pas s’enrichir, telle est la question.

Qu’est-ce qui caractérise les livres enrichissants ? Leurs qualités esthétiques (la beauté de la langue), leur épaisseur d’humanité, la richesse de l’univers imaginatif. Je n’aime pas Proust mais je suis bien obligé d’admettre que c’est enrichissant, grâce au style et à la distillation des rapports humains. Paradoxalement, je range aussi dans cette catégorie Le seigneur des anneaux : la richesse de l’univers créé, la poésie de certains passages, le souffle de l’épopée viennent nourrir l’univers intérieur du lecteur.

Là aussi, l’ambiance du livre et la psychologie des personnages ajoutent à la qualité du livre.

A contrario, les livres peu enrichissants manquent de goût.

La polarisation des styles est-elle une fatalité ?

Que peut-on en conclure ? Ce qui rend un livre facile à lire, c’est la qualité de la narration, le motif. Ce qui le rend enrichissant, c’est sa matière. On peut faire une comparaison avec la musique, où la mélodie retient l’attention, tandis que l’harmonie donne la richesse.

L’ambiance et la psychologie des personnages viennent se superposer à tout ça.

Rien ne porte à penser a priori que ces dimensions sont interdépendantes. On peut donc théoriquement imaginer un livre qui réunirait toutes les qualités. On peut penser aux romans de Dumas, de Garcia Marquez ou Le seigneur des anneaux réunissent des qualités narratives, imaginatives et esthétiques. Cependant, aucun exemple de livre à la fois prenant, imaginatif, humain, esthétique ne me vient à l'esprit. Si vous en connaissez un, je suis intéressé.

Cependant, dans la plupart des cas, on remarque que, souvent, un livre donné met l’accent soit sur la qualité de la narration, soit le style et l’humanité. A croire que la recherche humaine et esthétique et l’efficacité du récit sont incompatibles.

Une explication pourrait être que cette répartition colle aux styles en vigueur dans la littérature récente : un auteur s’inscrit dans la veine policière-aventureuse ou bien dans une veine plus intellectuelle ou esthétisante.

Par conséquent, il est tentant de conclure que, oui, on peut dans une certaine mesure opposer les livres faciles et les livres enrichissants. Cependant, on trouve des exemples de livres qui s'affranchissent de ces catégories, mais ils constituent plus l'exception que la règle.

Alors, quel auteur écrira un livre captivant dans une langue magnifique ?

Et le plaisir dans tout ça ?

jeudi 20 novembre 2008

Le développement durable est anti-naturel.

Tout le monde le sait, nous sommes dans une ère où l’humain ne peut plus se développer sans réfléchir, comme il l’a fait pendant des siècles.

Mais n’est-ce pas ce que font toutes les espèces ? Toute espèce cherche en effet à se développer tous azimuts et en vient à proliférer quand les circonstances sont favorables.

Ce qui rend le cas de l’humain particulier, c’est l’intelligence. Pourtant, l’intelligence ne fait pas de l’humain un être fondamentalement différent des animaux. En effet, certains animaux sont intelligents, quoique apparemment à un moindre degré que l’humain. Par conséquent, l’intelligence n’est pas exclusivement humaine. En cela elle n’est pas différente des caractéristiques des autres animaux, comme la capacité à courir vite ou voir loin.

Là où l’intelligence est particulière, c’est qu’elle est surpuissante : elle a permis à l’humain de se répandre sur la planète de manière surprenante au vu de ses capacités physiques.

Donc le développement de l’espèce humaine s’appuie sur une caractéristique de l’espèce, qui est l’intelligence, tout comme celui des souris s’appuie sur leur capacité à procréer en grande quantité.

On peut alors considérer que le développement humain actuel est « naturel », dans le sens où c’est le développement d’une espèce qui utilise ses atouts.

Le monde est comme un mobile

En fait, contrairement à ce que j’écrivais au début, il est inexact de dire que l’humain s’est jusqu’ici développé sans réfléchir. Au contraire, il a beaucoup réfléchi pour résoudre les problèmes entravant son développement.

Aujourd’hui, il doit continuer à réfléchir, mais ce sont les problèmes qui ont changé de nature : d’un monde où il fallait se défendre, puis tirer le maximum de son environnement, on passe à un monde où il faut apprendre à gérer ses relations avec son environnement en bon père de famille. Ce qui est nouveau, ce n’est pas d’utiliser l’intelligence pour le développement mais la manière d’utiliser cette intelligence.

Ainsi, l’humain doit maintenant se développer en réfléchissant aux conséquences de ses actes. Il ne s’agit pas seulement des conséquences directes mais aussi des conséquences indirectes : il faut maintenant avoir une vision systémique du monde. C’est une révolution copernicienne. On passe d’une causalité simple (A modifie B) à une causalité complexe : A modifie B, C, D et E, qui en retour modifient A et se modifient les uns les autres, jusqu’à atteindre un équilibre, éventuellement en passant par un point de rupture.

Il s’agit d’un zoom arrière. Ce faisant, on passe d’une vision d’un monde inerte (on modifie la situation, puis elle reste en l’état) à celle où le monde est un équilibre dynamique. La complexité des problèmes prend alors une nouvelle dimension.

Cesser un développement naturel

Que peut-on en déduire ? Le monde ne disparaîtra pas du fait de nos avanies, en revanche l’équilibre actuel, qui nous a vu naître et nous épanouir, pourrait être férocement modifié, jusqu’à nous devenir franchement inhospitalier.

Cette nouvelle donne nous interdit désormais de nous développer aveuglément. En cela, le développement durable (ou décroissance ou un autre terme, le tout est que ça soit soutenable) n’est pas naturel : les autres espèces (qui constituent la « nature ») se développent aveuglément, tandis que l’humain doit s’arracher à ce type de développement, pour s’attacher à un mode de développement soutenable.

C’est sa conscience des perturbations qu’il crée sur la planète et sa conscience du temps qui lui imposent cela. L’intelligence a encore frappé…

mercredi 19 novembre 2008

Du concret

Les suites de Bach sont la seule preuve tangible de l'existence de Dieu.

jeudi 13 novembre 2008

Déblatérature

Plates excuses

Me revoilà, foule hurlante de mes lecteurs. Oui, je t’ai longtemps abandonnée à ton triste sort mais j’ai des excuses : je suis parti en vacances, puis j’ai tellement bu pour fêter la victoire d’Obama que je sors de ma gueule de bois seulement ce matin.

Pour me rabibocher avec toi, foule, je te propose un billet sur la littérature. D’aucuns s’écrient « encore ! » en levant au ciel des yeux exaspérés et chargés de lourdes valises de clichés. Ce à quoi je rétorque insolemment que c’est le premier billet que je fais sur le sujet, sauf à considérer que la BD est une forme de littérature, thèse à laquelle je souscris d’ailleurs. Bien.

Prologue


Un jour que je faisais part de mon goût pour Isaac Asimov, on m’a lancé sans pitié que c’était de la sous-littérature. C’était il y a 8 ans et je ne m’en suis toujours pas remis. D’une, le charmant personnage qui m’a infligé cette condamnation sans appel était très fan de Victor Hugo. Or je déteste Hugo (sans avoir tout lu, hein, je ne suis pas agrégé) : quand j’ouvre un de ses livres, j’ai l’impression de l’avoir perché sur l’épaule, m’arrachant sans cesse mon approbation par l’oreille. J’aime qu’un auteur s’efface derrière son récit.

De deux, énorme débat qui me dépasse largement : si on parle de sous-littérature, cela présume qu’on sache ce qu’est la littérature. Et là, tintin les amis pour avoir une définition succincte et incontestable. Alors, bien que mille autres avant moi se soient essayés à cette tâche dantesque, je vais m’y coller aussi avec mes petites papattes.

Au turbin

Quels sont les ingrédients de la littérature ? la langue (ou le style). C’est peut-être sa composante la plus noble, si ce genre de jugement a un sens. Je n’aime ni Hugo ni Proust, mais je dois bien admettre que leur langue est une merveille de ciselage. C’est comme les tabernacles baroques, je n’en raffole pas mais honnêtement c’est du magnifique travail d’artisan. Un grand maître sur ce plan : Céline.

Ensuite, il y a l’histoire. Ce mot, « l’histoire », ça fait un peu débat de classe de quatrième mais à mon sens, c’est quand même ça qui compte au fond dans le roman. Là je tombe sur un os, qui pourrait bien être la colonne vertébrale de la question : que met-on dans la littérature ? le roman, le théâtre, la poésie, le conte, la mythologie, la saga, le récit oral traditionnel, la chanson populaire… ? j’ai envie de dire : tout.

Etymologiquement, la littérature a pour racine la lettre. De là à dire qu’est littérature tout ce qui est écrit, il y a un pas de géant vert que je ne ferai pas. Cela dit, ça plaide en faveur d’une acception large du terme. On aurait alors quelque chose comme : tout ensemble de mots ayant pour but de raconter des événements et/ou de susciter une émotion, dans une optique esthétique.

« Raconter des événements », c’est le roman, le conte, la mythologie etc.
« Susciter des émotions », c’est la poésie, le théâtre… mais aussi le roman et les autres formes, bien sûr.
« L’optique esthétique », c’est parce que la littérature volontairement moche, ça n’est pas de la littérature à mon avis. Je sais, on entre alors dans l’encore plus vaste débat du beau et d’un de ses avatars suspects : l’art contemporain. Là honnêtement, je n’en parle pas aujourd’hui et je n’en parlerai pas plus tard, ça me gonfle.

Bon, donc, la liste des formes (j’en ai certainement oublié des centaines) est une approche de la définition.

Retour aux ingrédients

Reprenons l’approche des ingrédients. On a vu la langue, détaillons l’histoire. On constate que cet ingrédient n’est pas indispensable à l’adjudication de la bénédiction littéraire : les haikku constituent incontestablement un genre littéraire sans raconter grand-chose. Il s’agit plutôt d’un extrait sec d’ambiance poétisée. Et paf.

Cela dit, l’histoire est un ingrédient riche : on peut vivre sans manger de viande, mais la cuisine avec de la viande est incontestablement une vraie cuisine. Pareil pour la littérature à histoire.

La richesse de l’univers imaginaire est importante aussi. Parmi les ultras du genre, on a Garcia Marquez, Asimov, justement, Jules Verne, Tolkien et mille autres, ainsi que tous les contes et mythologies.

J’attache par ailleurs la plus extrême importance à la manière de raconter, les coups de théâtre, les trahisons, les rebondissements, le mystère, en bref la narration. C’est ça qui fait le caractère captivant d’un livre et qui est la source du premier plaisir de la lecture : l’évasion. Là, il y a beaucoup de grands jedis : encore Tolkien, Rowling, Dumas, Larsson (Millenium). Etonnamment, ces auteurs sont souvent méprisés car vus comme faciles. Mais depuis quand la facilité est-elle méprisable ? et depuis quand empêche-t-elle d’apprécier des choses plus difficiles ? J’aime le gâteau au chocolat, j’aime aussi l’andouille de Guéméné. J’aime Harry Potter et aussi Céline. D’ailleurs Harry Potter est connu pour donner le goût de la lecture aux réfractaires.

Finalement, l’ingrédient peut-être le plus important : l’humanité. Les livres les plus enrichissants sont les plus imprégnés d’humanité : Hemingway, Gary, Giono, Céline. Ce sont aussi parmi les plus difficiles. C’est la première source d’enrichissement par la lecture.

Via l’humanité, on atteint l’ambiance de l’œuvre, là aussi un ingrédient essentiel. Le mystère et la tension de Larsson, l’hypocrisie de Proust, le faux calme d’Hemingway, sont essentiels pour les caractériser.

On touche là un autre aspect : en matière de lecture, le plaisir et l’enrichissement s’excluent-ils mutuellement ? ça fera l’objet d’un billet ultérieur.

Epilogue

Tout ça pour dire qu'Asimov a l'imagination, la qualité de narration, l'ambiance. Il n'a pas un grand style, c'est vrai mais le style n'est de loin pas le seul critère pour qu'une œuvre soit considérée comme de la littérature.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui, c’est déjà bien assez long. C’est superficiel, de bric et de broc mais ça s’appelle « déblatérature » donc vous étiez prévenus.


Un dernier mot pour alimenter le long débat qui sans aucun doute suivra ce billet : les cinq meilleurs livres de ma vie :

- Cent ans de solitude, Garcia Marquez
- De l’amour et autres démons, Garcia Marquez
- Les racines du ciel, Gary
- Regain, Giono
- Pour qui sonne le glas, Hemingway
- Voyage au bout de la nuit, Céline

Je sais, il y en a six, c’est la faute au Colombien.






Sur l’art contemporain :
Hors série « Sciences humaines » juin-juillet-août 2002

Puisqu’on parle littérature, je vous soumets ceci :
http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre10689.html

samedi 25 octobre 2008

La beauté des paysages (2) ou émergence de la physiobapsie

Je reprends un bout de réflexion là où je l’avais laissé dans mon premier billet le 3 octobre. Je parlais de « la sensation de se fondre dans le paysage, ou, soyons fous, le physiotope (un « lieu de nature »). Cette sensation est importante pour le randonneur mais est-elle indispensable pour trouver qu’un paysage est beau ? non car la plupart des panoramas sont admirés à partir de belvédères. »

On m’a fait remarquer de manière tout à fait justifiée que la notion de paysage sous-entend une attitude un peu passive de la part du spectateur. Le terme de spectateur est d’ailleurs révélateur d’une telle attitude. On m’a également fait remarquer que la notion de paysage est un peu vieillotte, un peu XIXe siècle. On imagine des dames très convenables, en dentelles devant une balustrade en fer forgé.

Je suis d’accord que la notion de paysage vu d’un belvédère tend à vieillir un peu et je fais deux remarques à ce sujet :
- c’est quand même encore une notion et une pratique majoritaire, il suffit de voir les cars de touristes qui sillonnent tous les sites de France,
- l’évolution de la relation au paysage tient sans doute au fait qu'on est de plus en plus sensible à la nature comme une entité dotée de sa propre existence et non un réservoir de matières premières pour l’humain.

J’embraye sur cette dernière idée pour attester que le meilleur moyen de profiter d’un paysage, c’est d’y randonner. Et là, manifestement, on sort de la stricte admiration visuelle pour mettre en jeu les autres sens : l’ouïe pour les oiseaux, l’odorat pour l’herbe, le toucher pour le vent, le goût pour les mûres ! et la perception par les mouvements, la kinesthésie.


Plonger dans la nature

On est alors loin du rôle du spectateur émergeant confit de son bus, pour devenir un plongeur du paysage et en profiter sous toutes les coutures. Voilà une activité qui mérite un néologisme : « physiobapsie » (je l’admets, l’étymologie est un trouble manifestement névrotique). Je forge ce mot sur la racine grecque de la nature, « physis », et celle de l’immersion, « bapto ».

Il est d’ailleurs intéressant de constater que cette dernière racine a aussi donné « baptême », rite qui fait entrer l'impétrant dans la communauté des chrétiens, via l’immersion dans l’eau. Parallèlement, la physiobapsie fait entrer le randonneur (ou le flâneur pourvu qu'il soit assez réceptif) dans la sphère de la nature.

Au cours de la physiobapsie, les deux phénomènes majeurs sont l’abandon de l’hégémonie de la vue pour laisser les autres sens monter en puissance et, progressivement, la fusion dans la nature alentour. Comme quoi la vue est un sens générateur de recul, sans doute parce que, chez l’humain, elle permet de percevoir des phénomènes assez éloignés. Nos autres sens, moins performants, sont plus immédiats.

Incise : ces autres sens ne sont pas pour autant plus animaux : les rapaces ont une vue bien supérieure à la nôtre. Et les chiens, avec leur odorat très sensible, ont un « champ de vision olfactif » assez large. Fin de l'incise.


Vertus roboratives de la physiobapsie

J’aime particulièrement la physiobapsie et la recommande chaleureusement à tous, petits et grands, parce qu’elle est extrêmement relaxante, en particulier quand on la conjugue à la randonnée. Le rythme des pas et la vitesse lente sont eux aussi des facteurs de relaxation. Voilà pour le sensoriel. Pour l’intellectuel, la physiobapsie permet de s’imprégner de la nature qui nous entoure, au point d’avoir le sentiment d’en faire partie.

Ça paraît essentiel parce que nous vivons dans une illusion chrétienne et cartésienne qui oppose l’homme à la nature. Or nous sommes férocement animaux sur bien des points, notamment dans nos relations sociales, mais aussi sur le plan de la stricte analyse écologique : nous sommes partie intégrante du biotope qui nous entoure. Pour le constater, il suffit de voir à quel points les espèces qui ont misé sur les humains s’en sortent bien : chiens, goélands, pigeons, cloportes etc. Il suffit aussi de voir à quel point nous dégradons notre environnement, c’est bien un signe que nous y sommes reliés.

Bref, je n’ai qu’un message : physiobaptisez-vous abondamment, tous les jours au lever, on s’en portera tous mieux.



Sur la lenteur (en italien et anglais) :
http://www.cittaslow.net

Sur la randonnée :
"Eloge de la marche" de David Lebreton, Ed. Métaillé

dimanche 19 octobre 2008

Chasseur cueilleur

Je viens d’achever la lecture d’un album de Sfar, Chasseur cueilleur (Dargaud 2006), premier volet d’une série intitulée La Vallée des Merveilles.

On retombe tout de suite dans le dessin brouillon de Sfar, qu’on connaît dans Le petit monde du golem ou Paris-Londres. Un dessin qu’on peut voir comme pas sérieux, pas soigné, ou bien très libre et terriblement expressif. Pour ma part, je suis adepte de la seconde option.

C’est intéressant de voir que Sfar comme Trondheim considèrent qu’ils ne sont pas très bons dessinateurs. C’est sûr que ça n’est pas la ligne claire d’Hergé ou le dessin doué d’une vie propre de Nine mais il s’agit dans les deux cas de dessins qui atteignent pleinement leur objectif : exprimer l’histoire. C’est quand même l’essentiel.

C’est le cas aussi dans Chasseur cueilleur. L’impression qu’on en retire est celle d’une grande fraîcheur, d’une gaieté presque violente, d’une vigueur brute, voire enfantine. On dirait un conte pour adultes. Le ton s’éloigne de celui d’autres albums de Sfar, qui oscillent habituellement entre l’intellectuel et l’humour. Ici, l’intellectuel est toujours présent mais tapi derrière le tohu-bohu de l’histoire. Ça parle d’amitié, d’amour et des bonnes choses de la vie, c’en est presque philosophique. C’est un peu comme un vin un peu élaboré : une attaque franche et simple, puis une seconde vague plus subtile et plus veloutée.

Autre aspect marquant à mon goût : le cahier final. Je suis habituellement peu intéressé par la genèse d’un album mais là, le cahier prolonge le côté drôle en faisant dialoguer Pot de Miel et Grand Nez qui Déniche sur l’étui pénien idoine. Ensuite, il révèle un peu les raisons de l’album, notamment en lien avec les enfants de Sfar, ce qui est assez émouvant. Il explique ainsi que l’album a été conçu en partie pour garder une trace de l’époque où les enfants de Sfar sont petits. Là où c’est très réussi et que ça fait voyager, c’est que Sfar réussit à fourbir un univers commun aux enfants et aux adultes : l’album peut être raconté à des enfants mais aussi lu par un adulte seul.

Ainsi, après avoir contribué de manière substantielle au courant autobiographique de la BD innovante, Sfar creuse la veine du conte en bandes dessinées. Chasseur cueilleur s’inscrit dans le sillage des Philémon (notamment du point de vue des couleurs et du dessin pas net) et rejoint des albums récents comme Trois ombres, de Cyril Pedrosa, Les cinq conteurs de Bagdad, de Frants Duchazeau et Fabien Vehlmann, et Là où vont nos pères, de Shaun Tan.

Voilà donc encore un bel album de Sfar, qui apporte sa pierre au versant rêveur de la BD actuelle. J’ai en effet l’impression que la BD, après avoir été humoristique, aventureuse, dure, malheureuse et autobiographique, revient maintenant sur une note plus rêveuse.

Un seul petit regret à signaler : Sfar indique dans le cahier final qu’il a donné des indications assez vagues à sa coloriste, citant Gauguin et Matisse. On voit que ses indications ont été parfaitement comprises : Brigitte Findakly fait un superbe travail, avec des à-plats de couleurs très fortes, entre crues et fauves, qui sont essentielles pour l’atmosphère de l’histoire. C’est dommage qu’elle soit citée seulement à l’intérieur de l’album et pas sur la couverture.

Tout ça pour dire que j’attends avec impatience le retour de Pot de Miel et toute sa bonne clique, prévue pour décembre.


Pour une critique plus fouillée de l’album de Sfar :
http://www.du9.org/article.php3?id_article=637

vendredi 17 octobre 2008

Le retour du rhume des foins de l'espace

On dit que le principal problème rencontré par les astronautes de la NASA sur la lune, c'était la poussière. Toutes sortes de phénomènes physiques aboutissent à créer une poussière très fine, que personne ne vient jamais enlever. C’est bien mal entretenu, cette affaire-là.

Prenons Andrew, sorti premier de Top Gun. Il est sélectionné pour partir sur la lune malgré un lourd handicap physique : rhume des foins pendant tout l'été, avec production de champignon atomique à chaque éternuement. Andrew, content, se dit : "By Jove, enfin 3 semaines où je ne serai pas emmerdé par les graminées". Eh bien, cher Andrew, vous êtes le maillon faible, rentrez chez vous.

En effet, Andrew, à peine arrivé sur l'astre d'argent, confectionne une série tonitruante d'éternuements. C'est le rhume des foins lunaire. Plus drôle encore, les particules de poussière sont chargées en électricité statique, donc plus Andrew essuie sa visière, plus ça ne part pas. Plus drôle encore, comme les particules sont abrasives, plus il essuie sa visière, plus elle est rayée. Andrew retourne au module lunaire avec une visière rayée dehors et constellée de postillons dedans, au point qu'il est persuadé d'avoir découvert une nouvelle Voie Lactée.

Pour finir, Andrew rentre sur Terre fatigué, avec plein de photos ridicules de lui "Andrew éternue sur l'échelle et rate un barreau", "Andrew rajoute des étoiles au drapeau américain", "Andrew imite l'allumage du réacteur 2". Il a en plus une grosse retenue sur son salaire parce qu'il a abîmé la visière du casque appartenant au President of the United States of America. La prochaine fois, Andrew partira en Antarctique où les seuls pollens qui existent sont à 3 km de profondeur.

dimanche 12 octobre 2008

Eclatante autarcie

On a découvert en Afrique du Sud, un micro-organisme qui se nourrit uniquement des minéraux qu’il trouve autour de lui. Pour être précis, il s’agit de la bactérie Desulforudis audaxviator, qui vit à 3 kilomètres sous terre dans une mine d’or, donc sans accès au soleil, sans oxygène, dans une eau vieille de millions d’années chauffée à 60 °C. Pour mémoire, une eau à cette température provoque des brûlures presque instantanées chez l’humain.

Cette bactérie est un ovni, dans la mesure où elle vit absolument seule. C’est donc le seul exemple connu d’un biotope comportant une seule espèce.

Là où c’est renversant, c’est qu’aujourd’hui, l’environnement est de plus en plus appréhendé comme un système, ce qui implique qu’on s’intéresse de plus en plus aux relations entre les espèces d’un biotope et avec leur environnement inanimé (substances chimiques alentour, climat…).

Or là, macache, Audaxviator est un autiste souterrain. Pas de copines bactéries à longs cils, pas de cellules mortes à mâchouiller, pas de micro-caca à recycler, pas de méchant acarien dentu pour le dévorer, que de l’inerte ! C’est déjà un scoop en soi.

Mais qu’est-ce que ça signifie d’autre ? Ça signifie concrètement que s’il lui prenait de partir dans l’espace, Audaxviator n’aurait pas besoin de dérober un minibus pressurisé à la NASA pour tous ses copains. Comme l’atteste l’expérience des Bidochon, quand on voyage tout seul c’est quand même plus souple.

Donc si Audaxviator était capable de voyager dans l’espace, il pourrait peut-être coloniser d’autres corps célestes. Or on sait justement que certaines bactéries voyagent dans l’espace. Et il se trouve qu’Audaxviator est capable, quand le temps se gâte, de protéger son ADN et son ARN dans des endospores, le Tupperware® des bactéries. Pour couronner le tout, l’ADN d’Audaxviator lui confère une grande capacité d’adaptation.

Bref, une fois qu’on sait que les découvreurs d’Audaxviator, sacrés farceurs ces biologistes, l’ont baptisée en référence à Jules Verne, qui apostrophe en latin un « audacieux voyageur », on n’a plus qu’à conclure que notre ami souterrain pourrait bien passer du fond de la mine aux étendues célestes. Germinal sur Saturne, ça déchire. Il suffirait d’une petite collision avec un astéroïde qui viendrait décrocher justement la mine où Audax a élu domicile. Ça n’est pas tout à fait exclu à l’échelle temporelle de l’évolution des espèces.




Plus d’infos, en anglais :
http://www.sciencedaily.com/releases/2008/10/081009143708.htm

Sur le tardigrade, la magnifique planche du 16 septembre de Marion Montaigne :
http://tumourrasmoinsbete.blogspot.com/2008/09/mardi-tardigradophilie.html

lundi 6 octobre 2008

Eloge de l’étymologie

Quand je dis que j'aime l’étymologie, je passe instantanément pour un boutonneux à lunettes ("guik" en langue post-moderne).

Mais a-t-on pensé à la poésie ? Justement, la « poésie ». Ça vient d’un verbe grec qui veut dire « fabriquer ». Alors la poésie, c’est la fabrication. Quand on se rend compte de ça, on a une autre vision de la poésie, on imagine plus un ferronnier arc-bouté avec sa grosse pince, en train de façonner un quatrain chauffé au rouge. C’est tout de suite plus viril que le sous-préfet allongé sur la mousse ou Châteaubriand mâchant ses larmes au bord d’un lac.

Autre exemple : « palindrome ». Il y a « -drome », comme dans « hippodrome », là où les chevaux courent. Eh oui, scoop : « palindrome », ça veut dire « quelque chose qui se court à l’envers », donc un mot qui se lit dans les deux sens.

Finalement, les mots les plus poétiques sont ceux qui associent deux racines. Ce sont en fait des mots composés qui ont perdu leur tiret. On dit « porte-manteau » mais aussi « Lucifer ». Au fond c’est la même chose, sauf que Lucifer porte la lumière (lux, lucis en latin ; fero, porter en latin aussi) et non un manteau. Au risque de choquer, on aurait pu aussi bien appeler le Christ comme ça, vu l’étymologie.

Ce phénomène des mots composés est très courant dans certaines langues : chinois, allemand (à ce qu'on m'a dit)... en chinois en particulier, "feu d'artifice" se dit "fleurs de feu", c'est pas joli ça ? et si on va par là, "artifice" signifie "fabriqué par l'art", l'art étant entendu dans son sens ancien, par opposition à la nature.

Alors, quels sont les enjeux de l’étymologie ?
1. On se fait plaisir avec des images et de la poésie.
2. On comprend mieux les mots qu’on utilise. Sachant que le langage est le support de la pensée, c’est quand même pas rien.
3. On parle chinois sans le savoir.

vendredi 3 octobre 2008

La beauté des paysages

Pour commencer ce blog, un sujet qui me travaille depuis longtemps : qu’est-ce qui fait qu’un paysage est beau ? Pourquoi des paysages aussi variés que l’Aubrac ou le cirque de Mafate à la Réunion donnent une impression de beau ?

Alors, le beau, c’est un vaste débat philosophique, dans lequel je n’entre pas, ça serait trop long. Le point essentiel à en retenir à mon avis (mais vos commentaires m’intéressent sur cette question), c’est que le beau est issu d’un jugement personnel. Autrement dit, la subjectivité y joue un rôle important.

Quels ingrédients pour un beau paysage ?

Concernant le paysage en particulier, un élément essentiel est l’espace, notamment le ciel. Par exemple la première beauté de la mer, c’est l’espace. Cela dit, l’espace tient plus à la notion de paysage qu’à celle de beauté. Un sous-bois peut-être magnifique mais il est difficile de qualifier de paysage un endroit où la vue ne porte pas à plus de 30 mètres.

Il y a d’autres éléments intéressants mais plus ambigus : le côté sauvage. C’est ambigu parce qu’aujourd’hui, il n’y a presque plus de paysages vraiment vierges, à part certains déserts, certaines forêts mais ce ne sont pas des paysages qu’on fréquente souvent. Et le cratère du Teide à Tenerife comme le bocage du Morvan sont beaux, alors que l’un est presque dénué de toute intervention humaine, tandis que l’autre a été très modelé par l’homme (je laisse de côté pour cette fois-ci la notion de paysage urbain). Cependant, on trouve généralement le Teide plus beau parce que plus « fort ».

Mais que recouvre cet adjectif imparfait ? une impression de grandeur qui nous ramène à une dimension modeste mais aussi l’âpreté du paysage, presque nu de toute végétation, et le relief accidenté.

Inversement, j’ai entendu une Normande dire qu’elle n’aimait pas les paysages de Normandie parce qu’ils sont « mous ». Sans partager ce jugement, je le comprends : les reliefs sont doux, l’espace est homogène.

Cette notion semble importante mais pas non plus discriminante. Sont beaux un paysage du marais de Brière, très homogène, tout comme les falaises de Belle-Ile-en-mer, qui composent un paysage plutôt haché. Il s’agit alors de beautés différentes, qui éveillent chez le spectateur des sentiments différents : calme un peu ascétique en Brière, grandeur violente à Belle-Ile-en-mer.

« Voir » ou « vivre » un paysage ?

Un autre point sur lequel il importe de s’arrêter : les sens. Un paysage ne se réduit pas à la vue. Sinon une photo panoramique donnerait la même impression. Un paysage se vit avec tous les sens. Il faut y être. A mon sens, il faut même y marcher plusieurs heures mais là c’est pleinement subjectif. Le vent notamment peut jouer un grand rôle. La pluie aussi à sa manière.
Donc le paysage ne touche pas que nos yeux mais aussi notre peau, via le vent et la température, notre nez, nos oreilles. Donc, plutôt que de dire « admirer un paysage », on devrait dire « vivre une scène de nature ». Ça sonne un peu bizarrement mais ça paraît plus proche de la réalité, même si on reste les fesses posées.

On touche là à un autre point important : la sensation de se fondre dans le paysage, ou, soyons fous, le physiotope (un « lieu de nature »). Cette sensation est importante pour le randonneur mais est-elle indispensable pour trouver qu’un paysage est beau ? non car la plupart des panoramas sont admirés à partir de belvédères. Je laisse donc cette idée de côté pour le moment.

Autres ingrédients

Les couleurs, la végétation sont aussi des facteurs importants mais pas discriminants : des paysages comportant toutes sortes de couleurs et de végétation peuvent être beaux.
Un facteur vraiment discriminant, en revanche, est celui de la lumière. Le même paysage peut paraître un peu plat, voire terne, sous une lumière blanche d’été et enchanteur sous une lumière rasante d’hiver ou du matin.

Et donc…

Que conclure de tout ça ? Les éléments suivants, qui caractérisent pourtant un paysage, ne semblent pas discriminants quant à sa beauté : couleurs, végétation, relief, homogénéité, caractère sauvage. Seule la lumière joue un rôle discriminant dans l’impression de beauté.
Un autre point discriminant est l’harmonie. Alors là on tombe sur un os : l’harmonie semble à première vue aussi difficile à définir que la beauté. L’harmonie peut être homogène ou hétérogène, calme ou violente. Mais au fond, l’harmonie semble être un équilibre entre les composantes du paysage. La montagne peut écraser visuellement la plage, si la mer l’équilibre. Or il y a mille équilibres possibles, comme on le voit dans la nature.

Donc voilà la conclusion temporaire que je tire : dans l’hypothèse que tout paysage est un grand espace, ce qui fait la beauté d’un paysage, c’est son équilibre et la lumière qui le baigne. La beauté d’un paysage est donc quelque chose de fugace car la lumière bouge sans cesse. Cette beauté relève donc du temps aussi bien que de l’espace.