mardi 9 décembre 2008

Croûte ou carotte ? (2)

Soyons poétiques

Revenons à la métaphore du piano : dans un piano, quand on joue une note, il n’y a pas qu’une seule corde qui vibre. D’autres cordes vibrent aussi, parce qu’elles sont liées à la première par des phénomènes acoustiques.

Parallèlement, en nous, certaines cordes dormantes s’éveillent petit à petit, par résonance, quand on touche les cordes qui leur sont liées. On finit ainsi par apprécier pleinement certaines choses auxquelles on était initialement totalement réfractaire.

Soyons prosaïques

L'évolution du facile vers l’enrichissant est une forme d’apprentissage : un objet bien connu devient lassant, on se porte alors vers un autre. La nouveauté, qu’elle soit ou non mâtinée de difficulté, provoque le renouveau du plaisir. C’est le syndrome de Don Juan, étendu à tous les sujets (si j’ose dire). A noter que, dans sa recherche de nouveauté, Don Juan fait preuve d’un goût prononcé pour la difficulté, ce qui n’est pas le cas de tout le monde.

A noter également que le travail du cerveau évolue parallèlement à l’apprentissage : les zones cérébrales mises en jeu dans une activité nouvelle (cortex frontal) ne sont pas les mêmes quand cette activité est maîtrisée.



Alors, croûte ou carotte ?

Le plaisir est-il lié à l’immédiateté (la croûte) ou à la profondeur (la carotte) ? Les deux, il s’agit simplement de stades différents dans l’apprentissage d’un domaine. Après, on peut porter des jugements sur la valeur du plaisir lié à chaque étape d’un apprentissage. Je m’en garde : la subtilité n’a pas plus de valeur en soi que la simplicité. En revanche, on est forcément moins enrichi par des choses connues que par des choses inconnues.

Plus égoïste : si je peux me montrer condescendant face à qui se régale d’un roman à l’eau de rose, je peux commettre le même péché en m’extasiant devant une décoration lourdingue. Chacun est le plouc d'un autre.

Voilà donc une conclusion bien politiquement correcte. Mais de fait, on ne peut pas être partout, à cause du « coût d’opportunité », comme disent les financiers : le temps est une ressource limitée, si je le consacre à ce livre épineux de James Joyce, je ne pourrai pas l’utiliser pour aller voir telle expo ou simplement cuisiner le dîner.

Autre dimension du problème : l’âge joue aussi un rôle dans l’évolution des goûts. Bien entendu, l’accumulation d’expérience s’inscrit dans le temps. On constate cependant certains changements qui s’accommodent mal d’une explication aussi linéaire. Par exemple, les enfants en général n’aiment pas les aliments amers. Cela change à l’âge adulte : le goût pour le café, le vin rouge, les endives vient tard et, surtout, vient d’une manière assez subite. On dit aussi que les gens âgés aiment le sucre. On peut donc soupçonner que des changements physiologiques engendrent des tendances lourdes, auxquelles se superpose l’expérience de chacun.

On retombe ici sur une vieille dichotomie : l’inné et l’acquis. Mais c’est un très vaste débat, qui justifiera sans aucun doute moults billets et billevesées.

Ainsi, comme on m’a appris à l’école, je finis mon devoir sur une ouverture.



Sur l’apprentissage (avec un point intéressant sur l’oubli nécessaire) :
http://www.lexpress.fr/informations/les-mysteres-de-l-apprentissage_635776.html

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