vendredi 21 août 2009

La libellule est vorace

Dans une vie antérieure,
Le long de l’Euphrate,
Chassant l’odonate,
Je faisais l’explorateur.

Les bleus rameaux voltigeurs
Toujours me narguaient,
Parisien pas gai
Perdu dans les ergs songeurs.

La morne plaine assyrienne
Ne me valait rien,
Me brisait les reins,
Je traînais mon âme en peine.

Mais un soir à Babylone,
Comme je m’offrais
Un coup d’arak frais
Pour oublier ma maldonne,

Je tombai du petit pouf
Qui me soutenait,
Ravi comme un niais
Par une splendide pouffe.

Ce fut comme un avatar
D’un amour passé,
Le cœur transpercé,
Je m’allumai comme un phare.

Mariam avait un minois
Au teint olivâtre,
Chauffait comme un âtre
Une vieille plaie en moi.

Comme la première fois
Elle m’enjôla,
A moi se colla,
Cirrhose au cœur et au foie.



Balises : minois, voltigeur, avatar, assyrien (des explications ici)

dimanche 9 août 2009

Fatigue

Tombé comme une comète
D’un ciel mutique,
Vishnu se gratte la tête
C’est comme un tic.

Cent avatars, c’est bien trop
Il en a marre,
Il veut se coucher, au trot,
Se sent flemmard.

Mais son immortalité
Ne lâche pas,
Dieu vaste hiver comme été,
Pas de trépas.

Dans un tombeau assyrien
Il veut pourrir.
Un dieu aspirant au rien,
Ça prête à rire.

Vishnu est volontariste,
Il s’étend là,
Mais une puce hindouiste
Le mord au bras.



Balises : avatar, assyrien, comète, puce (des explications ici)

dimanche 2 août 2009

Poésie 3

Les deux billets précédents et celui-ci constituent une parenthèse dans le jeu des quatre balises. Je les ai écrits sur suggestion de mon frère. J’essayais de lui expliquer comment j’écris, il m’a dit d’en faire un poème sur le blog. C’est chose faite. Il y en a finalement deux : le premier m’est venu en vers libres, plus faciles pour exprimer quelque chose de subtil, puis je l’ai mis en vers rimés, pour essayer de faire quelque chose de plus beau.

Je tire de ça un scoop pas très surprenant : exprimer des choses est un don au lecteur. On est à la fois la mine et l’artisan qui travaille le minerai mais la matière première comme le travail viennent de soi et vont naturellement au lecteur. A noter aussi que la mine est vivante et que plus on la sollicite, plus elle donne. En parallèle, elle évolue et reflète notamment des choses qu’on croise par ailleurs dans la vie.

Autre considération : le déroulement en deux étapes (naissance d’une idée puis expression de l'idée) s’apparente un peu au mythe de la caverne de Platon, qui oppose l’Idée et son ombre déformée. C’est cependant un peu différent car, dans mon cas, la vision est incertaine et les mots contribuent à la dessiner. Cette définition intervient au cours de l’écriture même du poème, puisque certains mots ou certaines tournures font évoluer l’idée de départ, voire la transforment complètement. Le choix des mots tue par ailleurs toutes les autres vies potentielles de l’idée mais ça c’est un grand classique.