jeudi 30 avril 2009

Ace of spades

John-John Petty-Tom
S’avance en crabe sur Main Street,
Cherche un petit homme
Dans la foule poudreuse, hésite.

Le cow-boy solaire,
Dont l’amour a été tranché,
Veut pour son salaire
Le sang frais du tueur écorché.

Avec son air gauche
Et son cuir qui moule ses cuisses,
Il sent la débauche,
Le sommeil poivrot dans la pisse.

Il est à l’affût
Depuis des mois dans un saloon
Miteux et confus,
Il cherche un Malais, un Pachtoune.

Au coin de la banque
Ses yeux s’enfoncent dans son crâne :
Il a vu son branque
Trônant fièrement sur un âne.

Le temps d’un éclair,
John-John revoit son épousée,
Une pelle, à terre,
Plane vers un crâne exposé.




Balises : cow-boy, trancher, gauche, moule (des explications ici)

mercredi 29 avril 2009

Envie

Au bord de la mer,
Une moule amère
Répand ses complaintes
Sous une aube peinte :
« Vie de fonctionnaire,
Je suis ligotée au rocher,
Pas moyen de s’en arracher,
Je veux prendre l’air. »

Quelques rocs plus haut,
Le crave récrimine aussi :
« Je ne pars jamais d’ici.
Le même tableau
Défile toujours sous mes ailes :
A gauche les meules sont blondes,
A droite la mer furibonde
Se déchire, hors d’elle. »
Il envie le fou
Trempant ses plumes dans l’eau noire,
Et qui plane quand vient le soir
Sur le large flou.

Le fou se consterne :
« Toujours dans les mêmes parages,
Pas de véritable voyage ! »
Il envie la sterne.

La sterne est stressée.
Elle revient de l’Antarctique
Et se précipite et fornique
Sur l’herbe dressée :
Ses petits doivent s’élancer
Dans deux mois pour retraverser
Du Nord jusqu’au Sud la planète.
Toujours dans la tête
Le regret de ne s’enlacer
Longuement sur le gazon doux.
Non, les yeux sur le ressac mou,
Les plumes lissées,
Elle voit son itinéraire
Dans les vents contraires
Et repart la tête baissée.



Balises : gauche, moule, meule, crave (des explications ici)

mardi 28 avril 2009

Vol

Par-dessus les vagues des meules,
On aperçoit les moutons du large.
Les arbres sifflotent à la brise,
Les pinsons font bruire leur dégringolade.

Quelques pas et on est au domaine
Du crave jonglant avec les courants d’airs,
Voltant, glissant, longeant la muraille comme un spectre heureux
Et se jouant des vortex.
En bas s’écrase la houle lourde.

Quelques battements d’ailes et c’est la mer,
Royaume des goélands
Allongés sur l’air comme les calmes nuages au loin,
Princiers dans les rages du vent.

Au ras de l’eau,
Les océanites filent entre les neiges éphémères
Des crêtes aqueuses.

Fulmar boréal, cormoran huppé,
Sterne arctique, fou de Bassan, puffin des Anglais,
Tuerons-nous donc tous ces génies des vagues et du vent ?



Balises : meule, crave, arbre, puffin (des explications ici)

samedi 25 avril 2009

Faux choix

Quand on aspire à un souffle
Chargé d’aventures,
Peut-on quitter ses pantoufles
Et ses confitures ?

Ma vie ici me convient,
Je m’y développe
Mais les jours s’enfuient au loin
Ainsi qu’antilopes.

Ecureuil sur ses noisettes
En son arbre assis,
Ingénieux, remplit l’assiette
De tous ses petits.

Ai-je envie d’ôter la charge
Qui pèse à mon cou ?
D’être écureuil dans mon trou
Ou puffin au large ?



Balises : arbre, puffin, écureuil, ingénieux (des explications ici)

vendredi 24 avril 2009

Le léopard et l'écureuil

Alors qu’Aliénor attirait
De tous le regard,
Mon désir son long nez tendait
Comme un léopard.

M’étant déguisé en ami
Enfin je touchai
Le bord de sa robe ennemie
Qui me la cachait.

Quand je lui eus dit mon envie,
Elle me fixa.
Percé d’émeraude et sans vie,
On me ramassa.

Par un ingénieux stratagème,
A son cœur je vins,
Sur lequel je lui souffle : « j’aime
Ton écureuil brun ».



Balises : écureuil, ingénieux, nez, déguiser (des explications ici)

mardi 21 avril 2009

Larcin froid

Le soir, au creux de la forêt
Gratte un écureuil.
Par-dessous les feuilles,
Seule sa queue-plume apparaît.

Il a enterré dans le sol
Tiède encor d’automne,
Tous ses louis, ses sols
Et de leur absence s’étonne.

Il s’était trouvé ingénieux
De prévoir des noix
A déguiser en festin des dieux
Pendant ces longs mois.

Un geai dévisage narquois
Le pauvre rongeur
Et le beau voleur
Lui rit au nez en criant : « Crois ! »


Balises : écureuil, ingénieux, nez, déguiser (des explications ici)

vendredi 10 avril 2009

Carnaval d’Arlequin

Sur un chemin de traverse,
Entre deux palais grisés,
Arlecchino se renverse
Plissant son œil déguisé.

Il cherche en vain Colombine,
La friponne l’a roulé.
Le mascarpone est moulé,
C’est l’aube et l’amant fulmine.

Mais il aiguise son nez,
Qu’il a couvert de fard blanc,
Reste zen et fait semblant
De rire à s’époumoner.

Le Carnaval se déchaîne,
La folie dévale en vagues,
Arlequin trouve sa reine
D’opérette qui divague.

Ivre morte, il la remonte
Dans son obscure mansarde,
Epuisé par sa soiffarde
Transformée en mastodonte.

Il la couche et il la borde,
Il la touche et il l’aborde
Tendrement, la main tremblante,
Elle vomit rugissante.



Balises : nez, déguiser, chemin, zen (des explications ici)

jeudi 9 avril 2009

Donnant

Derrière la dune
L’horizon déroule
De partout sa houle
Au clair de la lune.

Le chemin se perd
Comme un moine zen
Méditant sans haine
Dessous la bruyère.

Dans les crucifères,
Un crave s’avance
Piquant sa pitance,
Puis s’élance en l’air.

Le jour viendra tôt
Pour ceux qui savourent
Le calme alentour,
Marée de morte-eau.




Balises : chemin, zen, crucifère, morte-eau (des explications ici)

mercredi 8 avril 2009

Recette

D’abord faire cuire à la chaux
Deux ou trois jeunes artichauts
(Ou chou, ou autre crucifère).
Sauter au feu de Lucifer.
Dans un fond de sauce, en morte-eau,
Cuire la saucisse Morteau.
Un solide rôti de zèbre
Convient aussi – mettre des herbes.
Déglacer au vinaigre chaud,
Apporter à table l’affaire,
Et déguster aussitôt,
Avec un bel œuf à cheval.



Balises : chaux, zèbre, crucifère, morte-eau (des explications ici)
Contrainte supplémentaire : rimer sur les balises

mardi 7 avril 2009

Descente

Il monte dans la cabine doucement, cale ses skis dans un coin et regarde les gens qui l’entourent. Il repère son cabillaud, puis repose son regard sur les champs de neige au dehors. La cible est un beau salaud, maquereau des Balkans, trafiquant les femmes, les armes de poing, de pied et les couronnes mortuaires. Il est avec deux types massifs.

Marcel sent sur ses épaules le poids d’une Justice indûment chassée de la surface du globe. Puisque les choses ne vont pas comme elles devraient, certains ont pris sur eux de devenir le bras armé de cette Justice brimée. Marcel fait partie de ces écuyers héroïques.

Il y a aussi dans la cabine un groupe d’Anglais joviaux, deux-trois Italiens taiseux et c’est un peu inhabituel. L’ascension commence, le téléphérique prend de la vitesse et s’élève. Au passage du premier pylône, tout le monde a le cœur au bord des lèvres ; Marcel pense qu’au moins il n’est plus le seul et que voilà un début de Justice.

Le second pylône est planté sur une barre rocheuse, au-delà de laquelle bée un grand creux. Au contact du mât de la cabine sur les roues, le tangage n’est plus si fort et Marcel se sent un peu en morte-eau. C’est au plus bas du câble, au-dessus du gouffre, qu’il faut déclencher.

Cent mètres, cinquante, trente, vingt. Un Italien met une main dans son blouson et se retourne vers Marcel. Il se précipite et, pendant que l’Italien maussade sort son plan des pistes, Marcel, paf, déclenche sa ceinture de plastic crucifère.



Balises : crucifère, morte-eau, cabine, paf
(des explications ici)

dimanche 5 avril 2009

Assis

Sur une plage en Normandie,
Sortant d’une cabine en planches,
Paraît une fille blondie
Reposant ses mains sur ses hanches.

Des aortes adolescentes
Battent plus fort à son passage,
Elle aime ces envies naissantes,
Qui éclosent dans son sillage.

Je me souviens de ce temps,
Les yeux paf de désir frustré,
Noyé d’hormones rebattant
En mon bassin leur marée.

Mais voilà : le film a sauté
Et la pellicule est rompue,
L’horloge a compté les étés,
Et mes yeux je n’écoute plus.



Balises : cabine, paf, horloge, aorte
(des explications
ici)

samedi 4 avril 2009

Spectramour

Dans mes jeunes années
Je fus pris à l’aorte
Par un amour pied-bot
Dont je souffris très bien.

Comme un kayak fantôme
Il ressurgit parfois,
Il cherche à marcotter,
Mais l’horloge est crantée.



Balises : horloge, aorte, kayak, marcotte
(des explications ici)

vendredi 3 avril 2009

Débâcle

Un Inuit vague
Entre des glaçons désolés,
Un ours blanc nage
Vers un phoque à désosser.
Où est la banquise
Qui nourrissait chacun ?
Où vont nos kayaks
Désormais sécher ?
Un hareng saute de l’eau
Comme marcotte de fraisier,
Un genêt est éclos
Arbuste étranger.
Les radeaux blancs
Constellent la mer
Là où avant
S’allongeait un désert
Vivant.



Balises : kayak, marcotte, genêt, consteller
(des explications ici)

jeudi 2 avril 2009

Drapé nocturne

En un rêve éveillé,
J’ai vu se déployer
Une brigade glissante,
Sur les reliefs, bondissante,
Des torches constellaient la nuit,
Etoiles de genêt fleuri.
La soldatesque se déroulait
Formant un cramoisi drapelet,
Dansant ensemble faena secrète
Contre une autre foule encor plus discrète.



Balises : genêt, consteller, faena, soldatesque
Contrainte supplémentaire : ajout d'un pied tous les deux vers
(des explications ici)

mercredi 1 avril 2009

Chasse

Un vison se coule
Soldatesque faena,
Rétine horrifiée.




Balises : faena, soldatesque, vison, rétine (des explications ici)
Contrainte supplémentaire : haïku

Faena macabre

La vie nous saisit par la main
Sans qu’on ait forcément envie
De la suivre sur son chemin
Semé de tessons et d’ennui.

En faena elle nous volte,
Se dérobant comme un vison
Et quand nos reins se révoltent
Elle nous y plante un tison.

Enfin elle marque notre heure,
Son regard nous troue la rétine
Et en soldatesque piqueur,
Elle fait notre mort taurine.



Balises : faena, soldatesque, vison, rétine
(des explications ici)