mercredi 8 décembre 2010

Ballade du désespoir déçu

On traîne comme des limaces.
Les jours gris et sales repassent,
Noyés d’un égoïsme en passe
De nous barboter dans sa nasse.
L’hiver-plomb n’a pas son pareil
Pour nous faire boire la tasse
Mais on trouve quelques merveilles :
Ma fille rit dans son sommeil.

L’Afrique, derrière sa glace
Sans tain, meurt, un ange ne passe
Pas. Les pays riches entassent
Des gadgets nouveaux à la place
Des précédents acquis la veille,
Qu’on colle aussi sec à la casse.
Exit le climat, les abeilles.
Ma fille rit dans son sommeil.

La Chine construit ses palaces
Sur des vies rompues, des carcasses.
Finance et argent dégueulasse
Volent autour du monde en masse.
Ce cirque n’a pas son pareil
Mais cause toujours, on s’en lasse :
Tout est vain s’il faut qu’on y passe.
Ma fille rit dans son sommeil.

Ma petite, on naît dans la crasse
Mais il nous reste les groseilles,
Le plaisir pur sous le soleil,
Ma fille, ris dans mon sommeil.

vendredi 26 novembre 2010

Dançe

Les corps se déchirent
Souls reaching their shore
Les dermes transpirent
Water out of pore

Des soleils se hissent
Emerald snakes hiss
Des mabouls dévissent
Blood spurting like piss

Les êtres se trouvent
Hands and eyes so crave
Les tripes s’éprouvent
Fierce and hot and brave

Les moulinets volent
Love has reached its full
La tension s’affole
Elbows push and pull

Une explosion sèche
Atoms have just split
Les aimants se quittent
Flesh fleeing from flesh

mercredi 8 septembre 2010

L’oreille chiffonnée par le miel

Polnareff
Barde baroque
Ange
De la provoc
Mélanges
Guimauve
Et choques

Contestataire
Entier
Railles la fourmilière
En chantant l’air
Déboîtié

Caches sous le sirop
La claque du rhum
- Je suis un homme -
Lame de fond
Bariolée,
Ti punch à boire par l’oreille

vendredi 16 juillet 2010

Haïku

taches de soleil
feuilles tremblantes dans l’air
le zzim d’une abeille

mardi 13 juillet 2010

Sur les haïkus

Je voudrais écrire quelques mots sur les haïkus. Je me suis penché assez récemment sur les contraintes qui régissent le genre : concision, expression diffuse, perception de l’essence du moment.

La concision est bien connue et on s’arrête souvent à ça. Cependant, les autres dimensions sont essentielles aussi.

La retenue dans l’expression, la légèreté des mots, c’est pour faire en sorte qu’on regarde la lune et pas le doigt qui la montre.

En effet, l’essentiel est dans le contenu. Pas de scoop jusqu’ici mais quand on se penche un peu sur le genre, on se rend compte qu’il s’agit de rendre l’essence et l’évanescence du moment. Soit dit en passant, cette contradiction, essence/évanescence, n’est qu’apparente : par définition, l’essence du moment est d’être évanescent.

Touche-t-on le fond ?

Qu’est-ce que ça donne concrètement, de rendre l’essence et l’évanescence du moment ? Dans mon expérience personnelle, ça implique un mouvement de concentration très intense, de fixation sur une impression, ou plutôt un ressenti, pour le percevoir totalement. Soit dit en passant, ce ressenti peut être lié à une situation réelle ou fictive. De ce fait, je pense que l’objet du haïku n’est pas le moment lui-même mais un ressenti à un moment donné. Le haïku n’est pas un coup de microscope sur une situation mais sur une perception, voire un état psychique.

Autrement dit, le haïku ne porte pas sur un objet extérieur à celui qui écrit mais consiste avant tout à exprimer un état intérieur. De ce point de vue, l’apparente neutralité du haïku est un peu trompeuse. Cependant, c’est un point de vue personnel ; je pense qu’on peut aussi vivre l’expérience du haïku comme un contact avec quelque chose de transcendant, donc d’extérieur à celui qui écrit.

Mais si le haïku (réussi) n’est pas une expérience d’accès au transcendant, d’où vient cette impression de réalisation totale ? Du fait d’être parvenu à exprimer complètement, pour une fois, ce qu’on a dans le ventre ? D’un sentiment intense d’harmonie intérieure ? D’un état de conscience modifié ? Probablement. En tout cas, c’est troublant quand on essaie de garder les pieds sur terre.

Leçons

Quoi qu’il en soit, j’en tire quelques remarques : d’abord, pour tenter d’exprimer complètement quelque chose, mieux vaut s’attaquer à une toute petite chose, pas un kaléidoscope de sentiments et de situations. D’une certaine manière, ça impose d’arrêter le temps, ce qui est sans doute à l’origine de l’impression un peu irréelle qu’on peut ressentir devant un haïku. Cependant, il faut quand même rendre la vie de ce dont on parle. Ça serait alors comme une bonne photo : le support matériel est fixe mais il y a quelque chose qui rayonne.

En effet, il ne s’agit pas de capturer le ressenti, il s’agit de le rendre. Ce mot « rendre » (certains disent aussi « pointer vers ») est le plus adapté parce qu’il porte l’idée d’une appréhension suivie d’un don, d’un mouvement vers quelqu’un d’autre. Or il s’agit bien de ça : accéder à quelque chose en soi et en tirer une gemme qu’on rapporte à la lumière, pour les yeux de tous.

De ce point de vue, le haïku évoque une capsule : très ramassé, avec uniquement l’essentiel, mais aussi avec un réel rayonnement. De fait, il me semble que le haïku ne doit pas dire les choses mais qu’il doit se faire le messager de quelque chose qui irradie de lui-même. Quant à dire ce qu’est ce quelque chose, je n’en suis pas encore là…

Enfin, sur un plan beaucoup plus pratique, le haïku est la preuve qu’on ne peut pas séparer le fond de la forme mais aussi que la forme peut donner lieu à de l’expression nouvelle. De ce point de vue, le haïku donne raison à l’Ouvroir de littérature potentielle, qui postule que la contrainte fait prendre chair à de la littérature qui, sans cette contrainte, ne serait pas sortie et serait restée à l’état potentiel. (cf. lien dans la colonne de droite sur l’Oulipo).




Bon ok, c’était un billet un peu prise de tête mais ce sont des choses difficiles à exprimer.

Donc pour finir sur quelque chose de plus digeste, voici un haïku classique :


Sur la cloche du temple
S'est posé un papillon
Qui dort tranquille.


Et plus rigolo :


L’arracheur de navets
montre le chemin
avec un navet



Un dernier mot pour la route : l’approche du haïku que j'évoque ici est celle de Roger Munier, auteur d’une anthologie de haïkus aux Editions Points. D’autres ont une approche beaucoup plus légère de la chose, approche qui est aussi séduisante.

Il y a également l’inévitable Wikipedia et quelques haïkus classiques.

samedi 3 juillet 2010

Haïku

la fenêtre ouverte
les sifflets des martinets
entrent dans la pièce

lundi 21 juin 2010

Tu perds ton temps

... avec ce petit jeu vachement original et un peu bizarre.

samedi 19 juin 2010

Bique

Ses mains de ptérodactyle,
Son lorgnon obscur,
Son haleine sure
Et sa démarche fragile

Faisaient de notre maîtresse,
Une vieille fille
Confisquant les billes,
Comme un spectre du Loch Ness.

Elle portait deux glaciers
En guise de verres
Sur son pif de fer,
Où luisaient des yeux d’acier.

Elle était le fruit amer
D’une amour piquante :
Femelle urticante
De murex aux tons brun-vert

Sous un insecte hérissé,
Mâle sans colère
Caché sous la terre,
Taupe-grillon ramassé.

Pourtant cette créature
Au sexe incertain
Et sans fond de teint
Se consumait de luxure

Et se pétrissait les seins
Le soir dans sa piaule
Rêvant de la gaule
Du professeur de dessin.

Du moins c’est ce que disait
Le noir gribouillage
Que dans mon jeune âge
Aux urinoirs j’avais fait.



Balises : ptérodactyle, glacier, murex, taupe-grillon (des explications ici)

mardi 15 juin 2010

Le snobisme

Allez voir aujourd'hui le blog de Boulet (cliquer sur le 15 juin dans le petit calendrier sur la gauche), le billet est vraiment excellent : super drôle et très juste.

lundi 14 juin 2010

Locataire

Là derrière mes lunettes
J’habite en une cabine
Bien triste combine
Mes carreaux ne sont pas nets

Je mange des crucifères
Vertus diététiques,
Minéraux, fibres coliques
Mais à cuire c’est l’enfer :

Nuage de pestilence,
On m’a coupé l’eau
Le chiottard est en morte-eau
Et ça pue intense

Pourquoi donc rester ici
Steak aux asticots ?
Fini mon fricot
Paf je file c’est ainsi.




Balises : crucifère, morte-eau, cabine, paf (des explications ici)

vendredi 11 juin 2010

Animation

Je suis tombé par hasard sur ce court métrage d'animation sur Arte, qui donne à réfléchir en ces temps de crise économique.

vendredi 28 mai 2010

Jus

Al-qahwa
Bile de la terre
Râpes ma langue
Me plantes un frisson
Je fonds dans ta robe si pure
Ton djinn danse dans mon crâne
Caffè ! Caffè ! Reviens !!
Je ne peux pas vivre sans toi !

jeudi 6 mai 2010

Qui frapper ?

Qu’as-tu fait de ma grand-mère,
Si foldingue, si marrante,
Impulsive et ravageante ?
Tu l’as jetée à la mer.

Qu’as-tu donc fait de ma tante,
Qui aimait tant les enfants,
Forte comme un éléphant ?
Elle ronfle sous la menthe.

Et ma grand-tante Simone,
Qui posait sur nous ses yeux -
Fontaine d’affection bleue ?
Tu l’as flapie un automne.

Et ceux qui ne sont pas morts
Mais qui grésillent encore
Dans ta poêle empoisonnée,
De leur filet prisonniers,
Où veux-tu les emmener ?


Je ne sais plus qui maudire,
Le whisky ou bien le temps
Ou alors c’est triste à dire,
La tristesse de mon sang.

dimanche 2 mai 2010

Si ceci est un homme

Je viens de lire « Si c’est un homme » de Primo Levi. Je l’ai ouvert dans le but de toucher du doigt l’humanité, ce que c’est, comment ça bouge. J’ai été servi au-delà de mes espérances et ce livre a pris place immédiatement dans mon panthéon. D’ailleurs il me semble que tout être humain devrait le lire.

Ça parle d’une situation, celle des Juifs dans un camp de concentration nazi, où l’humanité des individus n’est pas une évidence. C’est pourquoi il me semble que le titre italien serait mieux traduit par : « Si ceci est un homme ».

NB : la suite de ce billet donne des informations sur le contenu du livre.

L’humanité étouffée

On fait une plongée dans l’horreur des camps de concentration. J’ai ainsi appris un certain nombre de points factuels, qui m’ont permis de me faire une idée plus précise de ces événements.

Au-delà de ces faits épars, le trait majeur des camps est l’organisation de la souffrance constante et de la mort. A cet égard, l’apport énorme du livre est, à mes yeux, de souligner à quel point la souffrance constante déshumanise : chez chacun, le besoin de soulager la douleur prend le pas sur la vie émotionnelle et même sur la conscience. Aujourd'hui, on parlerait de zombification.

En d’autres termes, le traitement inhumain éteint l’humanité des détenus, au point qu’ils voient la mort venir sans émotion. Seule compte la possibilité, ici et maintenant, de diminuer la souffrance, en profitant d’un trajet sans fardeau pour se reposer ou en trouvant une miette de pain supplémentaire. Le temps disparaît, en particulier le futur. Primo Levi écrit notamment que, dans l’argot du camp, « jamais » se dit « demain matin ».

L’étouffement de la conscience et des émotions procède directement de la souffrance, parce que celle-ci prend toute la place, mais l’étouffement constitue aussi une défense contre la souffrance : dans un univers où chacun est en mode « survie », la conscience de ce qu’on vit, qui repose sur la comparaison avec un ailleurs, est un ennemi car elle mine encore plus l’individu.

Le traitement inhumain éteint donc l’humanité des juifs, et le nazisme, observant ces hommes qu’il a déshumanisés, peut conclure en sophiste que les juifs sont des sous-hommes.

La vie lutte

L’étouffement n’est cependant pas total, comme le montre l’exemple même de Primo Levi, qui garde un regard suffisamment clair sur ce qu’il vit pour être capable de témoigner ensuite. L’étouffement des émotions n’est pas non plus total, comme le montrent certains moments de compassion.

Ainsi, un autre enseignement majeur du livre concerne la force de la vie : même si la majorité s’éteint comme prévu par le système, certains arrivent à saisir les opportunités pour améliorer leur sort. Il se constitue ainsi une classe "supérieure", avec une espérance de vie bien plus longue.

Les individus de cette classe supérieure présentent des traits individuels spécifiques, en termes d’adaptabilité, de volonté, de rapports humains, de vigueur physique etc. A noter un cas particulier, celui de certains juifs grecs, qui s’appuient sur une très forte solidarité. Il s’agit alors d’une capacité collective.

Par ailleurs, le livre décrit le fonctionnement d’une Bourse au sein du camp, où s’échange le fruit des vols. Les détenus tirent ainsi parti des besoins des personnes travaillant à l’usine hors du camp et des besoins des personnes du camp, volant d’un côté pour revendre de l’autre, souvent après transformation, tout ceci dans le but de réduire leurs souffrances. Ces opérations portent un nom, « kombinacje ».

On constate donc que, même dans les pires conditions imaginables, certains trouvent les ressources pour survivre et que ça passe notamment par les échanges.

Le style

Enfin, je voudrais dire deux mots sur l’aspect littéraire du livre. Si le livre est aussi émouvant, ça tient à ce qu’il raconte, à la posture de témoin prise par l’auteur mais aussi au style. Le style est dépouillé et simple ; il sert parfaitement le propos. Il semble rapporter la réalité sans mélange mais offre aussi un certain nombre de formules très concises et saisissantes.

Je prends pour exemple la première que j’ai rencontrée dans le livre. Dans le convoi qui mène au camp, le narrateur voyage près d’une femme qu’il connaît depuis longtemps mais pas très bien : « Nous nous saluâmes, et ce fut bref ; chacun salua la vie en l’autre. »

Question

Je finis sur une hypothèse peut-être hardie, qui s’éloigne du sujet principal de ce billet : la dureté de la vie dans les camps de concentration semble réduire les détenus à des comportements presque animaux : on pourrait y tuer sans émotion, pour survivre. Je fais l’analogie avec la vie des animaux sauvages.

Sur cette base, je me demande si on peut dire que le confort apporté à l’homme par son intelligence a libéré une marge de manœuvre permettant des comportements « inutiles » pour l’individu, tels que la conscience et la compassion. Et tous les animaux, s’ils étaient intelligents, ne seraient-ils pas capables de développer ces comportements ? Autrement dit, l’intelligence pourrait-elle être la condition nécessaire et suffisante pour que les animaux deviennent aussi humains que l’homme ?

J’aurais tendance à le croire car je vois beaucoup de continuité dans l’évolution des espèces.

vendredi 23 avril 2010

Papillon d'éther

L’alcool ouvre une lucarne
Qui repart avec l’ivresse.
Qu’on paresse sur ses fesses,
Qu’au fond de la mine on marne,

On n’est jamais qu’un tas de viande
Comme allumé de l’intérieur,
Par un feu des enfers vengeur
Qu’on demande et qu’on redemande.

La lucarne est inaccessible
Et chaque fois perchée plus haut,
On s’aperçoit bien assez tôt,
Dans un fracas d’âme impossible,

Qu’on n’y mettra jamais la tête
Que la lucarne est illusion,
Papillon d’éther, piège à con,
Qu’on s’est mis, sur un air de fête,
La grenade dans le calfouette.

lundi 19 avril 2010

Mort à crédit

J’ai cherché un moment un autre titre pour ce billet mais celui de Céline est trop jouissif. J’ai fini récemment ce gros bouquin, après une première tentative avortée il y a quelques mois. Je ne veux pas me lancer dans une critique en règle, étant trop certain de dire des banalités. En revanche, j’ai quelques remarques ponctuelles qui me titillent.

Je trouve certains passages un peu ennuyeux : par moment j’ai l’impression que Céline est une cuve sous pression et qu’il suffit d’ouvrir le robinet pour avoir un jet continu de déblatération. La fin du livre sur les aventures avec le patron du journal d’inventions est une descente aux enfers tragi-comique mais il ne s’y passe finalement pas grand-chose, ce qui fait que sur la longueur, j’étais un peu à la peine.

Peut-on pour autant aller jusqu’à dire que Céline s’écoute parler ? Non, j’ai trop l’impression que le texte a sa propre vie, qu’il lui sort par les trous de nez malgré lui, même si c’est, paraît-il, très travaillé. En tout cas, le texte illustre encore une fois l’alternative qui me préoccupait ici : livre facile à lire ou livre enrichissant ?

Ceci étant dit, les passages où il se passe quelque chose, notamment durant son séjour en Angleterre, sont proprement incroyables. Le style est étourdissant, au sens fort du terme. La scène finale avec la patronne de la pension est dantesque :

« J’entends un petit pas léger… un glissement… c’est elle ! un souffle ! Je suis fait Bonnard !... je pouvais plus calter !... Elle attend pas ! Elle me paume en trombe, d’un seul élan sur le page ! C’est bien ça !... Je prends tout le choc dans la membrure !... Je me trouve étreint dans l’élan !... congestionné, raplati sous les caresses… Je suis trituré, je n’existe plus !... C’est elle, toute la masse qui me fond sur la pêche… ça glue… J’ai la bouille coincée, j’étrangle… Je proteste… j’implore… J’ai peur de gueuler trop fort… Le vieux peut entendre !... Je me révulse !... Je veux me dégager par-dessous !... Je me recroqueville… j’arc-boute ! Je rampe sous mes propres débris… Je suis repris, étendu, sonné à nouveau… C’est une avalanche de tendresses… Je m’écroule sous les baisers fous, les liches, les saccades… J’ai la figure en compote… Je trouve plus mes trous pour respirer… »

Un autre point : ce bouquin est un recueil d’insultes. En fervent disciple du capitaine Haddock, je prends un grand plaisir à copier ici ce court passage, où une madame assaisonne son mari qui perd tout l’argent du ménage en jouant aux courses :

« Pornographe ! Fausse membrane ! Pétroleux ! Lavette ! Egout ! »

Tout est dit.

samedi 3 avril 2010

Mine-hérisson

Après tant d’années bégayées
Et tant d’illusions balayées,
On dirait que la digue craque.
Attention comptes impayés !
Profondes rancœurs étayées !
Le caissier a un air patraque,
Une mine un peu triste et braque,
La grenade est dégoupillée.

Il faut pas venir monnayer
Une indulgence ou bien nier
Qu’on lui a joué des tours foutraques,
Qu’on a craché sur les souliers
Du binocleux petit caissier :
Maintenant qu’il prend sa matraque,
L’œil en code et les tifs en vrac,
La grenade est dégoupillée.

Mouton à l’échine ployée,
Bousculé par les béliers
Or gare ! Le caissier qu’on braque
A fait le tour de son casier,
S’avance et sans sourciller
Balance les pains tout à trac,
Fait tout voler en bric-à-brac,
La grenade est dégoupillée.

Passant, confie donc à tes pieds
Ton salut, file vite ou crac !
Le caissier te plie, patatrac !
La grenade est dégoupillée.

mardi 30 mars 2010

Après le sport

dernier vent d’hiver
le matériel est humide
le goût de la bière

vendredi 26 mars 2010

Ça fait du bien

Je vous recommande la lecture du dernier billet de Maître Eolas, dont les facultés de démêlage de problèmes compliqués font mon admiration. Ça parle des petits délinquants et de leur type physique. Ça pourrait bien être la réponse définitive au discours du FN.

Il y a un lien permanent vers le blog de Maître Eolas dans la colonne de droite. C'est toujours extrêmement intelligent, quoique souvent sur des sujets plus spécifiquement juridiques.

mercredi 17 mars 2010

Shrapnels

L’un a un éclat au cortex,
L’autre au thorax,
Tel boite, un coin sous la rotule,
Tel chauffe un clou sous son aisselle,
Telle est criblée comme un déserteur au peloton,
Lui traîne une poutrelle traversant son tronc,
Elle saigne au sein.

Le soleil sourd court vers la nuit
Voyez au crépuscule, chacun est éclopé
Chérissant ses shrapnels avec les larmes aux yeux.

mercredi 10 mars 2010

BAOUM

Faut que ça grince
Faut que ça pète
Je ne veux pas raconter fleurette
Ou flapir dans des amourettes,
La poésie n’est pas un pipi tiède,
Faut que ça secoue
Faut que ça remue
Le tripaillon dans la carcasse,
Faut que ça botte le cul
Qu’on en tombe de sa paillasse,
Faut que ça crache jusqu’à Andromède !
Les vierges effarouchées
Et les chaisières,
Prière
De s’aller coucher !
Monde parallèle
Où tout s’expurge
Où les nains ont des ailes,
Et les moutons de Panurge
Grésillent en méchouis pimentés,
Cauchemar d’une nuit d’été,
Portail ouvert à la décadence
Poitrail offert aux cris d’hallali
Magnifique violence,
Etanche ma soif de folie !

samedi 6 mars 2010

Bonne idée !

Un mot pour signaler une heureuse initiative : des auteurs de BD dessinant sur Internet se rassemblent pour raconter une même histoire, un auteur prenant son tour chaque jour. Il y a notamment Boulet et Marion Montaigne. C'est gratuit quelques semaines, puis sur abonnement.

Ça s'appelle "Les autres gens". Je mets le lien dans la colonne de droite.

vendredi 26 février 2010

jeudi 18 février 2010

Ballade du clochard rieur

Alors même qu'on n'y croyait plus
Un sourire fleurit sur sa face
Déformant ses bajoues poilues,
En cas d'urgence, brisez la glace :
Il a souri ! C'est dégueulasse,
On lui voit des chicots jaunasses,
N'empêche qu'on est quand même ému
De voir un vieux clodo tout jouasse.

Avec sa vieille trogne de merlu,
Ses yeux imbibés de vinasse,
On sent bien qu'il creuse tant et plus
Tout au fond de l'échelle des classes,
C'est plus une épave, c'est un cul
De basse fosse où l'ordure s'entasse,
Ça fait comme un soleil qui pue
De voir un vieux clodo tout jouasse.

Mais qu'est-ce qu'il a pris dans la vue
Pour dégringoler dans la rue ?
Est-ce qu'il s'est toqué d'une radasse
Qui l'a séché comme une sangsue ?
Sa boîte a licencié en masse
Pour s'implanter au Bahamas ?
Ça fout des questions tant et plus
De voir un vieux clodo tout jouasse.

Mon Prince, lâche-lui donc un écu,
Il vaut combien ton pardessus ?
Ça met de la joie dans la mélasse
De voir un vieux clodo tout jouasse.

samedi 13 février 2010

Plastoc en stock

Saint-Valentin, fête en plastique
Qu’on nous ressert, qu’on nous enfonce
Dans la calebasse, à coups de trique.
« Si tu l’aimes, tu raques », on t’annonce.
Je suis allergique aux coups de semonce :
« Si t’es rat, t’es largué, t’abdiques
Ta vie sexuelle ». Moi, no panic,
A la Saint-Valentin, je pionce.

Y a des cœurs dans toutes les boutiques,
Y a des paillettes, du strass, des pics
De foule, les mecs se défoncent
Pour trouver le truc trop mythique
Qui fera fondre leur pouffe magnifique.
Si jamais la chérie, elle fronce
Un sourcil, ça y est c’est critique.
A la Saint-Valentin, je pionce.

Heureusement pour moi, ma tactique
Convient à ma femme : on applique
Les mêmes principes et on se dit qu’on se
Fait pas de cadeaux, qu’on claque pas de fric
Sur commande, en automatique.
D’ailleurs dans mes poches, y a des ronces,
Je peux pas fouiller dedans, ça pique.
A la Saint-Valentin, je pionce.

Darling, cet amour qu’on pratique
Se nourrit d’attentions absconses,
Pas de cadeaux psychédéliques.
A la Saint-Valentin, je pionce.

mardi 9 février 2010

Repos du guerrier

A la lueur d’un brasier fondant,
Les ombres s’affaissent,
Dans le noir délaissent
Leurs outils sauvages, contondants.

La nuit est venue,
La fatigue fatale est tombée,
Ce groupe d’ours dort comme un bébé,
Livrant des fronts nus.

Le sommeil écrase
La troupe de furieux étripeurs,
Plongés dans la soyeuse torpeur,
Les crimes s’envasent
Ils s’enfoncent sous le poids des corps,
Emportent les morts et les remords,
La nuit tout arase.

dimanche 7 février 2010

Vénus tétrapyre 2

Je continue à réfléchir à ce jeu de Bayonetta. Une chose assez originale là-dedans est le rôle des cheveux : Bayonetta porte une combinaison de cuir qui – astuce ! – est en fait constituée de sa chevelure, dont elle fait ce qu’elle veut.

De fait, elle s’en sert surtout pour effectuer des coups spéciaux : elle la modelant en poing et en pied géants ou en monstres divers afin de laminer l’adversaire. Bien entendu, ça donne lieu à toutes sortes de déshabillés, puisque ses cheveux ne peuvent pas à la fois la vêtir et concasser des titans. Au risque de faire de la psychologie de comptoir, il est intéressant de constater qu’une des armes les plus puissantes de Bayonnetta, c’est sa chevelure. Or il s’agit d’un moyen de séduction bien connu, avec un caractère d’animalité marqué. Concomitamment, on peut dire que c’est quand elle est nue qu’elle est la plus efficace.

Le parallèle entre séduction et tuerie est donc permanent ; en miroir, du côté des victimes, de caractère plutôt masculin, on trouve le parallèle entre beauté et danger. Faut-il le comprendre comme une revanche de la femme ou comme un propos sexiste ? De manière prosaïque, il me semble qu’il s’agit pour l’entreprise qui produit le jeu d’accrocher le joueur (toujours un homme pour ces jeux-là) de deux façons : en lui présentant une femme irrésistible et outrageusement séductrice, qui lui fournit par ailleurs une puissance de destruction spectaculaire.

Maintenant, pourquoi un homme se plaît-il à jouer un personnage ultra-féminin ? S’agit-il de réaliser un fantasme inconscient en se glissant dans la peau d’une femme idéale ou s’agit-il du plaisir de la commander, de faire d’une telle femme sa créature ? En effet, le joueur maîtrise presque tous les mouvements du personnage, c’est l’objet même de ce type de jeu. Ou s’agit-il simplement de se rincer l’œil tout en laissant libre cours à des envies de destruction ? Un peu des trois, je dirais, à différents niveaux de conscience.

Dernière remarque : le jeu reprend une inversion désormais classique dans les jeux vidéo où on incarne un « méchant » (une sorcière) qui doit exterminer des « gentils » (les anges). Cependant, c’est fait de telle sorte qu’on a beaucoup plus envie d’être du côté de la méchante que de celui des gentils : elle est séduisante et ils sont monstrueux.

mercredi 3 février 2010

Vénus tétrapyre

Pour faire suite au poème sur Bayonetta, je veux souligner ici quelques aspects du jeu qui m’ont fait réfléchir. Tout d’abord, présentation en deux mots : Bayonetta est une sorcière, héroïne d’un jeu de baston sur Playstation 3 et XBox 360, de conception japonaise. Tout en finesse, il s’agit de dégommer des ennemis en grand nombre, grâce à des techniques d’arts martiaux et des armes diverses.

Pourquoi en parler ici ? C’est qu’il s’agit d’un objet somme toute intrigant, dont plusieurs détails m’ont frappé.

Tout d’abord le caractère excessivement sexuel du personnage, qui saute aux yeux : Bayonetta est une bombe. Les concepteurs du jeu ont joué cette carte, là encore, tout en finesse, puisque la demoiselle se déhanche à se coller des hernies et passe son temps une sucette à la bouche. Bon, jusque là, rien de bien nouveau, Lara Croft était déjà sur cette veine il y a dix ans.

C’est aussi le cas concernant les proportions de Bayonnetta. On connaissait les proportions impossibles de Barbie, on est là dans le même ordre d’idées. Les jambes notamment du personnage sont démesurées. Ce qui est drôle, c’est qu’elle a une très petite tête. N’en tirons pas de conclusions hâtives sur les goûts des joueurs auxquels le produit s’adresse… En tout cas, ça contribue à lui donner un air étrange, presque monstrueux.

Cela dit, les joueurs ne sont pas complètement dupes du versant sexuel : sur les forums, ils soulignent ce point mais passent très vite à des considérations techniques sur la jouabilité etc.

Plus spécial, l’esthétique. Je trouve très réussi ce genre néo-gothique féérique très exubérant : les décors comme le personnage de Bayonetta parlent vraiment à l’imagination. Elle a une coiffure un peu bizarre, qui fait penser aux Espagnoles du siècle dernier. Et surtout, elle a des lunettes. Alors ça, ça m’a scié. Une égérie sexuelle, clairement un fantasme digital, avec des lunettes !

Donc j’ai fait une recherche sur Internet pour voir un peu la réaction des gens. Les joueurs, manifestement, s’en foutent un peu. En revanche, j’ai vu sur certains blogs consacrés à la mode que Bayonetta avait parfaitement flairé la tendance et s’était équipée de l’accessoire indispensable de la saison. Me voilà donc renvoyé à ma ringarditude stylistique. Soit dit en passant, ses lunettes doivent être soudées à sa boîte crânienne, je ne vois pas sinon comment elle pourrait faire sa petite gymnastique sans les faire valser.

J’ai aussi été frappé (oui) par certains coups spéciaux et accessoires de Bayonnetta : les pistolets dans les talons, les invocations pharaoniques à base de cheveux démoniaques, tout ça contribue à mettre en forme un univers très attrayant pour l’œil, même s’il est visiblement un peu stérile à la longue. Mais, que diable, nous sommes dans un jeu vidéo tout de même.


Autre point frappant : le nom. « Bayonetta » évoque un mélange de violence sanglante, de baby-doll et, peut-être aussi, de France, ou d’histoire. Je ne me rends pas très bien compte de la connotation du mot en anglais. En tout cas, c’est magnifiquement trouvé et ça colle parfaitement au personnage. A propos de linguistique, dans les vidéos en anglais que j’ai vues, Bayonetta parle avec un accent… anglais. Non, ça n’est pas une évidence car les accents sont plutôt américains dans les jeux vidéo. Mais il semble que les concepteurs aient voulu donner une teinte un peu historique, voire antique, au personnage, sans doute pour renforcer son côté venu du fond des temps.

Enfin, dernier point, c’est cette vidéo. Il y a un type, peut-être au Japon vu son pseudo, qui a fait tout le jeu sans pratiquement prendre un seul coup. Je n’ose imaginer le temps qu’il y a passé. Voulant faire profiter l’humanité de ses exploits, il a tout filmé et tout mis sur Internet. Voilà un système qui m’échappe.

Pour conclure, cette découverte a été pour moi un carambolage avec un univers passablement étrange, que je décrirai comme cupide-kitsch-sexy-autiste, mais comportant des aspects fascinants. Le soin avec lequel le personnage est construit, dans un but de séduction aussi brutale que ses combats, est frappant. Derrière les apparences raffinées, on nage dans l’animalité brute. A tel point que ça m’a fait venir un poème.

vendredi 29 janvier 2010

Bayonetta

Sveltesse, souplesse, finesse
Paire de fesses
La sorcière néo-gothique
Rapplique
Et applique
Ses recettes nouvelles
Aux anges à ailes
De papier crépon
Qu’elle taille en chiffons.

Derrière ses lunettes
De chef de service
Elle distribue les sévices
Comme sucettes
Et caresse les vices
De ses mignons,
Tout en faisant pleuvoir les gnons.

Exhibant ses sphères,
Déroulant sa tignasse,
Elle massacre hardiment,
C’est dégueulasse,
Les hordes des enfers
Célestes, nous enseignant comment
Evacuer, éparpiller, atomiser
La piétaille
En jetant son kiai
Vaillamment,
Tout en racolant.

mardi 26 janvier 2010

Chantier

Des amas boueux
Engins de métal vont, viennent
Bousiers monstrueux

samedi 23 janvier 2010

Carcajou

Tapi dans la pénombre,
Le fauve, nez à terre,
Flaire, interroge l’air,
Lève une oreille sombre.

La furie qui l'habite
A retrouvé sa proie
Et son calme s'accroît
Et sa viande s'agite.

Dessous la peau nerveuse
Un phénomène affreux
A lieu. Des tranchants bleus
Pointent. L’aube est radieuse.

Surbond de loup-garou,
Trois tantos, au sommet
D’une courbe jamais
Emue, cherchent un cou.

mardi 19 janvier 2010

Vibre

Des tréfonds, frisson
Prend l'échine en fief de fer
La fièvre-hérisson

samedi 9 janvier 2010

Chut

Brefs flocons timides
Flottent vagues, tardent, baisent
Une joue humide.

vendredi 8 janvier 2010

Aérotueur

Libellule
Aéronef des fées
Fauve sans frisson
Armé pour le carnage
Comme tes couleurs irisées
Me délicent sous le soleil !
Tu fonds le long d'une ligne,
Calligraphie de l'herbe,
Sur un point vivant,
Butin grippé dans tes pinces
Enlevé dans un filet d'air.