samedi 12 décembre 2009

Fisherman's Friend

Tombé sur une petite pépite aujourd'hui : "Blood & Alphabet Soup" de Marcy Playground. Pas de texte au-delà du titre mais ça dégage les bronches et rappelle le bon son de Nirvana.

Dispo sur Deezer.

vendredi 11 décembre 2009

Soif

Je veux être un fleuve africain
Au cours gigantesque et torride,
Langui comme une plaine humide
Sous la main d’un soleil d’étain.

A l’angle où mon delta se forme
Je me divise en mille fils,
Dans mille virages m’enfile,
Liant des entrelacs énormes.

Non, je ne connais pas le choix :
Quand des creux m’appellent, je glisse
Vers eux tous ensemble et l’eau lisse
Se fend, mille bras, mille doigts.

Je vis mille vies étalées
Sous le soleil qui fait la moue,
Et je suis tous mes rêves flous,
Puis me mêle à l’amer salé.

jeudi 12 novembre 2009

Regrets éternels

A la surface de l’étang,
Remontent quelquefois crever
Pâles bulles du fond des temps
A leurs profondeurs enlevées.

Des rêves atrophiés reviennent
Sentant fort la fleur d’oranger,
Ils me font rire et me font peine
Car je ne peux plus me changer.

Je voulais être chorégraphe
Mais voilà, la page est tournée,
Chef d’orchestre, auteur polygraphe,
Las, on se perd aussitôt né.

mercredi 4 novembre 2009

Les Bienveillantes

NB : ce billet donne des informations sur le contenu du livre.

J’ai fini récemment « Les Bienveillantes ».

J’ai longtemps hésité, craignant d’y trouver des horreurs mais on m’a dit qu’il y avait plein de choses historiques à apprendre et ça m’a décidé. Finalement, je n’ai pas été déçu : certaines scènes sont presque insoutenables et il faut s’y préparer. Cependant, elles ne sont pas nombreuses.

Globalement, qu’est-ce que j’en retiens ? C’est un livre exceptionnel.

Sur le plan de la langue, c’est simple et sobre dans l’ensemble. Pas très marquant de ce point de vue mais ça colle bien au personnage du narrateur.

Sur le plan historique, c’est très instructif : sur le déroulement de la guerre à l’Est, sur le fonctionnement de la SS et de l’Allemagne nazie, notamment l’importance des convictions personnelles, les jeux de pouvoir entre hauts responsables et entre organisations, ainsi que l’évolution dans le temps des doctrines et des pratiques.

C’est sur le plan psychologique et humain que le livre pèse très lourd. Se mettre dans la peau d’un bourreau qui n’est pas « antisémite émotionnel », comme il le dit, c’est troublant. Et ce qui est fascinant, c’est de comprendre le fonctionnement interne du narrateur, SS et être humain.

Le livre donne très fortement l’impression que le « problème juif » est effectivement un simple problème et « la solution finale » une simple solution. Le génocide n’est alors plus qu’une solution pragmatique, brutale mais devenue nécessaire vu l’évolution des choses, à un problème jugé grave.

Bon, on est bien d’accord, c’est un roman, il y a eu autant de cas que de personnes etc. mais une fois ces doutes pris en compte, ce portrait d’un type ni primitif ni haineux mais qui joue quand même un rôle actif dans le génocide industriel du siècle est assez crédible.

Virage

En écrivant ce billet, je change d’avis. J’allais dire que c’est un type comme un autre, entraîné dans l’immondice comme chacun aurait pu l’être, mais je me ravise : les passages sur sa vie personnelle, que j’ai trouvés plutôt ennuyeux et assez écœurants, donnent à penser que ce type est fou. Dans les autres passages du texte, son sens du devoir à lame diamantée pointe dans la même direction, de même que son ambition personnelle écrasant sa compassion.

C’est peut-être sur ce point que sa folie éclate et pourtant, dans son métier de militaire, le narrateur est très rationnel. Toutefois, il assiste et participe à des massacres innommables mais il prend sur lui : la folie émerge au moment où, au lieu d’écouter sa pitié, il se détourne pour cesser de l’éprouver, comme pour un mauvais moment à surmonter.

A ce titre, la tirade de sa sœur (pages 1247-48 de l’édition Folio) est déroutante et lumineuse : elle dit que les Allemands ont voulu tuer le Juif en eux, pour accéder à une forme de pureté. Ça me mène à proposer cette définition du nazisme :
- un objectif dément : un idéal de pureté, qui trouve toujours au sein du groupe un sous-groupe souillé qu’il faut éliminer. D’abord les Juifs, les Tsiganes, les homosexuels, les malades mentaux. Puis les Polonais, puis qui après ?
- un moyen rationnel : la violence industrialisée. C’est la raison au service de la folie.

Donc on trouve des signes de folie assez criants chez le narrateur.

Et pourtant je suis d’accord quand il écrit que bien peu seraient entrés en résistance dans le contexte de l’époque en Allemagne. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé en France. Mais entre prendre le maquis, cacher des Juifs, rester passif, soutenir le régime, collaborer et devenir officier SS, on a toute une palette de réactions possibles. Et là, on peut constater que bien peu sont effectivement devenus officiers SS.

Trouble

Pour finir, je veux mentionner l’ouverture du livre, que je trouve véritablement impressionnante. Le narrateur y explique qu’en temps de guerre, tout homme perd le droit de vivre mais aussi celui de ne pas tuer. On peut objecter qu’il est différent de tuer un militaire au combat et un civil désarmé mais cette nuance ne tient pas dans un contexte de guerre ; elle ne sert qu’à justifier la morale des vainqueurs.

C’est un exemple des quelques passages exceptionnels qui parsèment le livre et qui sèment le doute. Finalement, le tour de force de l'auteur, c'est de faire tenir par un fou un discours rationnel presque convaincant.

mardi 27 octobre 2009

TV

Depuis qu’on a ouvert
La boîte de Pandore,
On ne met plus le nez dehors
Et on ne met plus le couvert.

Le carré lumineux
Nous visse au canapé.
Ce crâne n’est plus occupé,
On y stocke un rata neuneu.

Le gavage est poussé,
Le cerveau est obèse,
Gonflé de sodas, de foutaises,
Paralytique et varicé.

La métaphore est crue
Mais l’humain est réduit
A l’état de triste conduit :
Ordure à l'entrée et au cul.

jeudi 1 octobre 2009

Pollock avait raison.

Je reviens aujourd’hui sur un billet écrit il y a presque un an, où je me demandais si l’espèce humaine existe.

Faisons le grand écart pour examiner l’ascidie. Qu’es-aco ? Internet nous éclaire de la lumière crue du savoir scientifique en nous indiquant qu’il s’agit d’un tunicier fixé. En termes plus intelligibles, il s’agit d’un petit invertébré aquatique en forme d’outre, qui vit fixé sur les rochers.

Cette bestiole discrète présente deux particularités fascinantes. Tout d’abord, elle est partiellement constituée de cellulose. C’est fort parce que cette molécule se rencontre d’habitude chez les plantes.

Plus fort encore, le génome de l’ascidie est marqué par le croisement de deux lignées, celles des chordés, dont font partie les vertébrés, et celles des oursins.

Quel lièvre cela lève-t-il ? Ça renforce le caractère flou des limites entre espèces. L’article du New Scientist explique que le milieu aquatique se prête à ce genre de cocktail, puisque les œufs et le sperme de toutes sortes d’espèces s'y mélangent gaiement. Ce qui est frappant, c’est que des chimères de lignées très différentes puissent être des succès. Par définition, deux espèces différentes ne sont pas interfertiles, a fortiori deux espèces de lignées différentes. Quand il y a interfertilité, comme chez le cheval et l’âne, le rejeton est stérile. Le New Scientist fait cependant l’analogie avec les mutations, qui sont généralement des échecs mais peuvent donner lieu à de francs succès.

Pour conclure, mon billet précédent sur les limites d'une espèce évoquait l’interdépendance de l’humain et de son microbiote, ainsi que le fait que nous soyons finalement un amas de cellules autrefois autonomes et aujourd'hui spécialisées et interdépendantes. Voilà que notre vision des espèces se trouble encore, puisque l’article du New Scientist conclut que l’histoire des espèces ressemblerait moins à un arbre qu’à un fouillis de fils entrecroisés.

Cela peut faire penser aux oeuvres de Pollock, qui disait : « je suis la nature ».



Lien vers l’article du New Scientist

Lien vers l’article de Wikipedia sur les ascidies

Anatomie d’une ascidie sur Encarta (interdit aux moins de 12 ans)

L’article de Wikipedia sur Pollock et le délicieux concept d’« autosimilarité statistique »

vendredi 21 août 2009

La libellule est vorace

Dans une vie antérieure,
Le long de l’Euphrate,
Chassant l’odonate,
Je faisais l’explorateur.

Les bleus rameaux voltigeurs
Toujours me narguaient,
Parisien pas gai
Perdu dans les ergs songeurs.

La morne plaine assyrienne
Ne me valait rien,
Me brisait les reins,
Je traînais mon âme en peine.

Mais un soir à Babylone,
Comme je m’offrais
Un coup d’arak frais
Pour oublier ma maldonne,

Je tombai du petit pouf
Qui me soutenait,
Ravi comme un niais
Par une splendide pouffe.

Ce fut comme un avatar
D’un amour passé,
Le cœur transpercé,
Je m’allumai comme un phare.

Mariam avait un minois
Au teint olivâtre,
Chauffait comme un âtre
Une vieille plaie en moi.

Comme la première fois
Elle m’enjôla,
A moi se colla,
Cirrhose au cœur et au foie.



Balises : minois, voltigeur, avatar, assyrien (des explications ici)

dimanche 9 août 2009

Fatigue

Tombé comme une comète
D’un ciel mutique,
Vishnu se gratte la tête
C’est comme un tic.

Cent avatars, c’est bien trop
Il en a marre,
Il veut se coucher, au trot,
Se sent flemmard.

Mais son immortalité
Ne lâche pas,
Dieu vaste hiver comme été,
Pas de trépas.

Dans un tombeau assyrien
Il veut pourrir.
Un dieu aspirant au rien,
Ça prête à rire.

Vishnu est volontariste,
Il s’étend là,
Mais une puce hindouiste
Le mord au bras.



Balises : avatar, assyrien, comète, puce (des explications ici)

dimanche 2 août 2009

Poésie 3

Les deux billets précédents et celui-ci constituent une parenthèse dans le jeu des quatre balises. Je les ai écrits sur suggestion de mon frère. J’essayais de lui expliquer comment j’écris, il m’a dit d’en faire un poème sur le blog. C’est chose faite. Il y en a finalement deux : le premier m’est venu en vers libres, plus faciles pour exprimer quelque chose de subtil, puis je l’ai mis en vers rimés, pour essayer de faire quelque chose de plus beau.

Je tire de ça un scoop pas très surprenant : exprimer des choses est un don au lecteur. On est à la fois la mine et l’artisan qui travaille le minerai mais la matière première comme le travail viennent de soi et vont naturellement au lecteur. A noter aussi que la mine est vivante et que plus on la sollicite, plus elle donne. En parallèle, elle évolue et reflète notamment des choses qu’on croise par ailleurs dans la vie.

Autre considération : le déroulement en deux étapes (naissance d’une idée puis expression de l'idée) s’apparente un peu au mythe de la caverne de Platon, qui oppose l’Idée et son ombre déformée. C’est cependant un peu différent car, dans mon cas, la vision est incertaine et les mots contribuent à la dessiner. Cette définition intervient au cours de l’écriture même du poème, puisque certains mots ou certaines tournures font évoluer l’idée de départ, voire la transforment complètement. Le choix des mots tue par ailleurs toutes les autres vies potentielles de l’idée mais ça c’est un grand classique.

vendredi 31 juillet 2009

Poésie 2

Se concentrer,
S’immerger comme on plonge
Endormi dans un songe.
Une graine se crée,
S’y insérer.
La sentir se gonfler,
Croître et s’étendre,
L’embrasser, s’en éprendre,
Lui offrir le bon mot,
Juste joyau
Qui la dira le mieux,
La donnera aux yeux
Sans la violer,
Tout en laissant sa part
Au rêve roi,
Qu’elle suive sa voie,
Et miroite au hasard,
Tisser pour toi
Une orchidée de soie.

mercredi 29 juillet 2009

Poésie 1

Se concentrer
Partir en plongée dans un songe
Une graine de scène prend forme,
S’y loger pour qu’elle se développe,
La laisser s’expandre et croître,
La ressentir, s’en emplir,
Lui donner les meilleurs mots pour la dire,
Ceux qui la transmettent sans la trahir,
L’exprimer complètement
En laissant sa part au rêve,
La laisser vivre et miroiter comme bon lui semble
Pour offrir une orchidée.

vendredi 24 juillet 2009

Femme-contrée

Je voudrais être une puce
Cheminant longuement sur la vaste esplanade
De ton ventre onduleux, évitant la noyade
Dans ton nombril, large hiatus.

Je ferais cap vers les monts
De tes seins assoupis en tranquilles collines,
Piquant vers la vallée de ta gorge d’ondine,
Puis gravissant ton menton.

Je m’attarderais au coin
De tes lèvres brillantes, crevasse entrouverte
Bordée de glace bleutée au soleil offerte,
Pourtant je n’y boirais point.

Le long de ta joue de soie,
Je glisserais sans bruit comme un skieur du soir,
Caressant sans le dire le secret espoir
D’être vite à l’orée du bois ;

Puis, pénétrant la comète
De ton intense chevelure en fil de vent,
Te déclarerais mienne, poitrail en avant,
Maître de cette planète.

Mais d’une main assassine,
Tu te délivrerais d’une démangeaison
Persistante, irritante, et fouillant ta toison,
Tu balaierais la vermine.



Balises : comète, puce, assassin, esplanade (des explications ici)

jeudi 9 juillet 2009

Marche au cratère

Sur une esplanade rugueuse,
Tapis de lames et d’éclats,
Je pose des pas un peu las
A la fin d’une marche heureuse.

La pyramide tellurique
Me toise comme une fourmi
Trottant sur un chemin promis
Au néant, sous son œil unique.

Je foule des magmas durcis
Comme cadavres d’Alexandres,
Conquérants qu’on voyait descendre
Les flancs du colosse obscurci.

Désormais fleuves assassins,
Langues de feu de Lucifer,
Vous n’inflammez plus les enfers,
Seulement mes orteils malsains.



Balises : assassin, esplanade, inflammer, magma (des explications ici)

lundi 6 juillet 2009

Plomb

Tireur au zénith
Planque derrière les nuages.
Chacun traîne deux fois son âge
Dans la chaleur frite.

Un pas dans la rue
Et la phagocytose est faite,
Immergés des pieds à la tête,
La touffeur nous tue.

Août est un magma
Inflammable dans les poumons,
Je halète comme un saumon
Pris, dans le coma.

Mais quand vient le soir,
Un ouragan providentiel
Nous renverse du haut du ciel
Un océan noir.

Le sort est rompu,
Nos membres enfin se délient ;
Vivons vite avant l’hallali
De l’aube venue.



Balises : inflammer, magma, rompu, août (des explications ici)

samedi 30 mai 2009

Fugace

En vacances, au mois d’août,
J’aime rouler à vélo
Tranquillement sur les routes
Tapissées d’herbe en halo.

Rompu enfin on arrive,
On se pose pesamment
Sur un vieux transat charmant,
Le corps lâche, à la dérive.

Les martinets dans le ciel
Font des rayures fugaces
Sans que jamais je me lasse
De leurs cercles perpétuels.

Le miroir du ciel reflète
La mer au-dessus des têtes,
Les bals d’insectes commencent,
Passant comme une roussette
L’angoisse pince mon cœur, discrète ;
C’est un souvenir d’enfance.



Balises : rompu, août, miroir, vélo (des explications ici)

jeudi 28 mai 2009

Narcisse au matin

En allant chercher le lait
Un matin sur mon vélo,
Je m’arrêtai sur le pont
Je jetai un œil fripon,
Cherchant au miroir de l’eau
A revoir mes yeux si beaux
Mais je ne vis qu’un mulet.




Balises : miroir, vélo, lait, pont (des explications ici)

lundi 25 mai 2009

Courage et dévouement

Romulus et Remus
N’étaient pas encore hommes.
Au lieu de fonder Rome
Et se battre, ne fût-ce
Que pour quelques instants,
Ils décidèrent très
Brusquement, à la russe,
De partir pour longtemps,
Perçant l’orient d’un trait
Pour découvrir l’Indus.

Arrivés aux contrées
Où les étoffes font
Des murmures profonds
Et des couleurs outrées,
Ils furent bouche bée
De la beauté des femmes,
Mouvantes oriflammes,
Caressant leurs bébés
Dans des flaques infâmes.

Elles donnaient leur lait
Sous les ponts, majestueuses
En fées de pourpre et d’or,
D’orange, en un décor
Formé d’ombres boueuses
Et de décombres laids.

Les deux loups audacieux
Voulaient marquer l’Histoire
D’un fer rouge à leur gloire
Mais baissèrent les yeux
Devant la dignité
Des mères – épatés.

Un peu bizarrement,
Il ne nous reste rien
De ce voyage aryen
Des jeunes conquérants :
Nul mythe ne l’affiche,
Nulle saga en vers,
Ni piastre à son avers,
Ni bronze d’un fétiche.



Balises : lait, pont, piastre, fétiche (des explications ici)

mercredi 20 mai 2009

Réserve

Vélocipède oxydé,
Balais de paille démanché,
Outres vides en peau de chèvre,
Flûte marquée de rouge à lèvres,
Sac postal d’écrits posthumes,
Sur cintre bleu, un costume
Etriqué d’arrière-grand-père,
Sabre de Khmer,
Dague de Mhong,
Un châssis, un gong,
Un dromadaire blatéré
Au regard désespéré,
Quelques piastres du vieux Caire
Venues par la voie des airs,
Un cerf-volant à antennes
Qu’on lance dans les ciels de traîne,
Des chaussures cirées d’enfant
Au cuir craqué encor blanc,
Un vieux Germinal rongé
Par un mulot dérangé,
Le grand mât d’un porte-manteau,
Un pot d’un temple shintô,
Une ribambelle de fétiches
Camouflés dans des potiches…

En ouvrant la porte
De ce bric-à-brac,
On prend dessus tout à trac
Des corps d’armée de cloportes,
Et c’est sur ce sédiment
Que poussent les histoires soyeuses
Et les sagas merveilleuses
Qu’on croyait au firmament !



Balises : piastre, fétiche, sédiment, germinal (des explications ici)

mardi 19 mai 2009

Au-delà

J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
Sur des îlots sans âge et sans destination,
Qui flottaient sur les vagues comme floraison
Disséminée au large d’un Vésuve antique.

Je vivais là semblable à d’autres djinns mineurs,
Dans l’insouciance à l’aube nous chantions dans l’eau,
Nous mangions des fruits mûrs, parlions dans le halo
Du feu le soir tombant, parmi les oiseaux-fleurs.

Nous trouvions sur les plages des piastres flétries
Effigies de monarques lointains et imberbes
Que nous lancions au ciel et qui roulaient dans l’herbe,
Bruns fétiches ineptes de pays meurtris.


Les sédiments de ma mémoire
Se recouchent, je me rapproche
Hébété de ma chambre moche,
Repris par mon Germinal noir.



Balises : piastre, fétiche, sédiment, germinal (des explications ici)

lundi 18 mai 2009

L’amour est revenu

Au son des timbales,
Bombes d’airain du tonnerre,
Grommelle et s’ébroue la terre.

Voilà Germinal,
Les poils tout fins du printemps
Nappent leur duvet tentant,

En draps de soie pâle,
Au flanc des collines douces,
Se serrent les jeunes pousses.

Dans le pli du val,
Sur un lit de sédiments,
Tortille comme un sarment

Un ruisseau d’opale,
Chuintant dessous les rochers
A la torpeur arrachés.

Une brume en voile
Flotte sur un fjord en paix,
Comme dans un vieux couplet,

Un rayon d’étoile
Caresse les cheveux frais
De mes enfants, dont les traits

Emeuvent ma moelle :
Ils ressemblent à leur mère.
Je suis comme un arbre en terre
Couvert de pétales.



Balises : sédiment, germinal, kendo, timbale (des explications ici)

mercredi 13 mai 2009

Pas de spray pour les skins

Vendeur de spray sur le trottoir,
Sébastopol quand vient le soir
Me devient tout un coup hostile,
J’emballe ma came et je file.

C’est l’heure risquée des apaches,
Leurs crânes rasés bleus, les vaches
Chassent le singe, disent-ils,
Pour délasser leurs nerfs au fil
Du rasoir le long de nos cous,
Ils déboulent, gang de chiens fous.

A l’arrière du Morning Star,
J’entends deux des maudits bâtards,
Jamais un seul, voilà ma règle.
Je suis à la fois singe et aigle.

Tenant fermement dans ma pogne
Mon mètre de tuyau, je cogne
Sur un occiput dénudé
Que je sens aussitôt céder.

L’autre dégénéré s’excite,
Il sort une lame et l’agite,
Mon tuyau est un hélico
Au-dessus de sa peur d’ado.

L’aéronef se pose enfin
Sur l’arête de son nez fin,
J’arme pour achever la fiotte,
Alors un parpaing me tapote
La tempe d’un bonjour ami
Et me fend la courge à demi.

Les brancardiers sont à la peine,
L’ambulance a mis la sirène.




Balises : sirène, règle, spray, star (des explications ici)

mardi 12 mai 2009

Etoile filante

Juste au seuil de la nuit, au cœur de Bab el-Oued,
S’agglutine un attroupement.
Il semble que décidément
Les bédouins du secteur goûtent les intermèdes.

C’est la célèbre idole du Sahara blanc,
Yasmina la Splendeur, dont les chameliers rêvent
Sous la tente en laine la nuit ;
Elle cambre son bassin lent
Dans les yeux sous les chèches quand le jour se lève,
Chacun en est encore empli.

Curieux, je me rapproche afin d’apercevoir
Cette étoile tombée, cette célébrité
Dont les courbes onctueuses font faner l’été
Incendiaire et renvoient les dunes dans le noir.

Elle danse un roulis chavirant et lascif
Ses hanches larges tanguent au rythme des cœurs
Et on lit sur la face des hommes songeurs
Un élan comprimé, un frisson convulsif.

Je recherche ses yeux camouflés par un voile,
Il me semble y trouver quelque trait familier
Sans pouvoir cependant cette impression délier
Mais une résonance a frémi dans ma moelle.

Et soudain sous la voûte rasée de mon crâne
Le souvenir revient éclatant en bouquet,
Feu d’artifice ancien, remugle de muguet
De ces mois pathétiques où je fus un âne :

C’est Lucette la Drue ! qui charriait son néant,
Ses passes à cinq sacs sur les avenues longues
Des contours de Paris, ses mamelles oblongues
Ses yeux bruns en amande et son vaste séant !

C’était alors la star des nuits des Maréchaux
Du spray sur sa crinière, du strass sur son derrière,
Un spécimen hâbleur, les deux jambons à l’air,
Qui quand il faisait froid avait toujours trop chaud.

D’abord je fus client, puis je devins ami
Puis je fus transpercé d’un seul coup – patatrac !
D’amour ! et du surin du mac.
Pour un peu j’y laissais la vie.
Cela me fit passer l’envie
De l’arracher de son tarmac.




Balises : spray, star, oued, spécimen (des explications ici)

dimanche 10 mai 2009

Lapis-lazuli

Anatole, anatomiste,
Parcourait sans relâcher
Les dunes entachées de vieux qsars ébréchés
Et sans ciller jamais avançait, méhariste.

Il cherchait le long d’un oued
De son regard acéré
Des spécimens vivants d’insectes éthérés,
Libellules traçant, dans l’air vibrant, des Z.

Des citernes entières de plomb liquéfié
Coulaient du ciel intenable.
Dans la chaleur lamentable,
Dansaient les millivolts sur l’azur pétrifié.

Anatole à l’affût, accrocha son regard
A un éclair bleu précieux :
Un odonate audacieux !
Il s’approche en félin, et dans son dos prépare
Son filet de soie blanche avec des reflets d’or
Pour capturer son trésor…
Ça y est ! Le voilà hors
De lui, c’est le succès !! Sans crier gare alors
Pour fêter cet exploit exceptionnel, il sort
D'un havresac jaune un sandwich au roquefort.




Balises : oued, spécimen, millivolt, roquefort (des explications ici)

samedi 9 mai 2009

Boxe

Comme Eduardo faufilait
Une main irrésolue,
Chaque phalange velue,
Sur son sein couleur de lait,
Simona sans sourciller
Dégaina un uppercut
Rencontrant - nom d'une pute ! -
Son menton sans dérailler.

Eduardo chut comme un sac
Tous ses esprits évanouis,
Dans une posture inouïe,
Membres étalés en vrac.

Encor quelques millivolts
Tout fous sur sa joue couraient,
Quand sa vieille mère Audrey
Trouva son corps désinvolte.
Se penchant avec effort,
Elle appliqua de son doigt
Sur son menton un empois,
Pâle emplâtre au roquefort.




Balises : millivolt, roquefort, joue, emplâtre (des explications ici)

vendredi 8 mai 2009

Sauvé par l’amour

Comme le jour baisse,
Ma chair ne se laisse
Plus compter fleurette
Par son amourette.

Ma joue est tannée,
Mon cœur est vanné,
Des jours la kyrielle
Se dissout au ciel.

Je me rabougris,
L’horizon est gris,
Toi seule, près l’âtre,
Me secoues : « Emplâtre ! ».



Balises : kyrielle, tanner, joue, emplâtre (des explications ici)

vendredi 1 mai 2009

Tranche de Haddock

Tout au cours de ma vie, j’ai eu souvent la joie
De croiser de sacrés salauds,
Des emplâtres, des mégalos,
Des jean-foutre arrogants, un poil dans chaque doigt

Mais aussi des pétasses sacrément barrées,
Des connasses très délétères
Frémissant quand elles enterrent
Leurs semblables au trou d’un chiotte pas curé.

Le travail est un nid de frelons inutiles,
Qui comblent leur inexistence
Par de grands efforts de nuisance,
En juste proportion de leur orgueil futile,

Des cow-boys de couloir à guibolles guimauve,
Des amazones pathétiques,
Des justicières névrotiques
Et des super zéros cravatés de soie mauve.

Je vais donc aujourd’hui leur déclarer ma flamme
En respectant bien sûr l’égalité des chances
– Cache-sexe obligé au pays des outrances –
Sans distinction de genre, aux hommes et aux femmes :

Manchot empereur !
Jument carnivore !
Timonier revenu des morts !
Tête de morue sauce beurre !

Baudruche en vol libre !
Ventilateur vain !
Superstar du musée Grévin !
Boss creux à portable qui vibre !

Joue de porc saindoux !
Eh poupée gonflée !
Moule pas fraîche au bulbe enflé !
Sergent Garcia dans son vin doux !




Balises : joue, emplâtre, cow-boy, tranche (des explications ici)

jeudi 30 avril 2009

Ace of spades

John-John Petty-Tom
S’avance en crabe sur Main Street,
Cherche un petit homme
Dans la foule poudreuse, hésite.

Le cow-boy solaire,
Dont l’amour a été tranché,
Veut pour son salaire
Le sang frais du tueur écorché.

Avec son air gauche
Et son cuir qui moule ses cuisses,
Il sent la débauche,
Le sommeil poivrot dans la pisse.

Il est à l’affût
Depuis des mois dans un saloon
Miteux et confus,
Il cherche un Malais, un Pachtoune.

Au coin de la banque
Ses yeux s’enfoncent dans son crâne :
Il a vu son branque
Trônant fièrement sur un âne.

Le temps d’un éclair,
John-John revoit son épousée,
Une pelle, à terre,
Plane vers un crâne exposé.




Balises : cow-boy, trancher, gauche, moule (des explications ici)

mercredi 29 avril 2009

Envie

Au bord de la mer,
Une moule amère
Répand ses complaintes
Sous une aube peinte :
« Vie de fonctionnaire,
Je suis ligotée au rocher,
Pas moyen de s’en arracher,
Je veux prendre l’air. »

Quelques rocs plus haut,
Le crave récrimine aussi :
« Je ne pars jamais d’ici.
Le même tableau
Défile toujours sous mes ailes :
A gauche les meules sont blondes,
A droite la mer furibonde
Se déchire, hors d’elle. »
Il envie le fou
Trempant ses plumes dans l’eau noire,
Et qui plane quand vient le soir
Sur le large flou.

Le fou se consterne :
« Toujours dans les mêmes parages,
Pas de véritable voyage ! »
Il envie la sterne.

La sterne est stressée.
Elle revient de l’Antarctique
Et se précipite et fornique
Sur l’herbe dressée :
Ses petits doivent s’élancer
Dans deux mois pour retraverser
Du Nord jusqu’au Sud la planète.
Toujours dans la tête
Le regret de ne s’enlacer
Longuement sur le gazon doux.
Non, les yeux sur le ressac mou,
Les plumes lissées,
Elle voit son itinéraire
Dans les vents contraires
Et repart la tête baissée.



Balises : gauche, moule, meule, crave (des explications ici)

mardi 28 avril 2009

Vol

Par-dessus les vagues des meules,
On aperçoit les moutons du large.
Les arbres sifflotent à la brise,
Les pinsons font bruire leur dégringolade.

Quelques pas et on est au domaine
Du crave jonglant avec les courants d’airs,
Voltant, glissant, longeant la muraille comme un spectre heureux
Et se jouant des vortex.
En bas s’écrase la houle lourde.

Quelques battements d’ailes et c’est la mer,
Royaume des goélands
Allongés sur l’air comme les calmes nuages au loin,
Princiers dans les rages du vent.

Au ras de l’eau,
Les océanites filent entre les neiges éphémères
Des crêtes aqueuses.

Fulmar boréal, cormoran huppé,
Sterne arctique, fou de Bassan, puffin des Anglais,
Tuerons-nous donc tous ces génies des vagues et du vent ?



Balises : meule, crave, arbre, puffin (des explications ici)

samedi 25 avril 2009

Faux choix

Quand on aspire à un souffle
Chargé d’aventures,
Peut-on quitter ses pantoufles
Et ses confitures ?

Ma vie ici me convient,
Je m’y développe
Mais les jours s’enfuient au loin
Ainsi qu’antilopes.

Ecureuil sur ses noisettes
En son arbre assis,
Ingénieux, remplit l’assiette
De tous ses petits.

Ai-je envie d’ôter la charge
Qui pèse à mon cou ?
D’être écureuil dans mon trou
Ou puffin au large ?



Balises : arbre, puffin, écureuil, ingénieux (des explications ici)

vendredi 24 avril 2009

Le léopard et l'écureuil

Alors qu’Aliénor attirait
De tous le regard,
Mon désir son long nez tendait
Comme un léopard.

M’étant déguisé en ami
Enfin je touchai
Le bord de sa robe ennemie
Qui me la cachait.

Quand je lui eus dit mon envie,
Elle me fixa.
Percé d’émeraude et sans vie,
On me ramassa.

Par un ingénieux stratagème,
A son cœur je vins,
Sur lequel je lui souffle : « j’aime
Ton écureuil brun ».



Balises : écureuil, ingénieux, nez, déguiser (des explications ici)

mardi 21 avril 2009

Larcin froid

Le soir, au creux de la forêt
Gratte un écureuil.
Par-dessous les feuilles,
Seule sa queue-plume apparaît.

Il a enterré dans le sol
Tiède encor d’automne,
Tous ses louis, ses sols
Et de leur absence s’étonne.

Il s’était trouvé ingénieux
De prévoir des noix
A déguiser en festin des dieux
Pendant ces longs mois.

Un geai dévisage narquois
Le pauvre rongeur
Et le beau voleur
Lui rit au nez en criant : « Crois ! »


Balises : écureuil, ingénieux, nez, déguiser (des explications ici)

vendredi 10 avril 2009

Carnaval d’Arlequin

Sur un chemin de traverse,
Entre deux palais grisés,
Arlecchino se renverse
Plissant son œil déguisé.

Il cherche en vain Colombine,
La friponne l’a roulé.
Le mascarpone est moulé,
C’est l’aube et l’amant fulmine.

Mais il aiguise son nez,
Qu’il a couvert de fard blanc,
Reste zen et fait semblant
De rire à s’époumoner.

Le Carnaval se déchaîne,
La folie dévale en vagues,
Arlequin trouve sa reine
D’opérette qui divague.

Ivre morte, il la remonte
Dans son obscure mansarde,
Epuisé par sa soiffarde
Transformée en mastodonte.

Il la couche et il la borde,
Il la touche et il l’aborde
Tendrement, la main tremblante,
Elle vomit rugissante.



Balises : nez, déguiser, chemin, zen (des explications ici)

jeudi 9 avril 2009

Donnant

Derrière la dune
L’horizon déroule
De partout sa houle
Au clair de la lune.

Le chemin se perd
Comme un moine zen
Méditant sans haine
Dessous la bruyère.

Dans les crucifères,
Un crave s’avance
Piquant sa pitance,
Puis s’élance en l’air.

Le jour viendra tôt
Pour ceux qui savourent
Le calme alentour,
Marée de morte-eau.




Balises : chemin, zen, crucifère, morte-eau (des explications ici)

mercredi 8 avril 2009

Recette

D’abord faire cuire à la chaux
Deux ou trois jeunes artichauts
(Ou chou, ou autre crucifère).
Sauter au feu de Lucifer.
Dans un fond de sauce, en morte-eau,
Cuire la saucisse Morteau.
Un solide rôti de zèbre
Convient aussi – mettre des herbes.
Déglacer au vinaigre chaud,
Apporter à table l’affaire,
Et déguster aussitôt,
Avec un bel œuf à cheval.



Balises : chaux, zèbre, crucifère, morte-eau (des explications ici)
Contrainte supplémentaire : rimer sur les balises

mardi 7 avril 2009

Descente

Il monte dans la cabine doucement, cale ses skis dans un coin et regarde les gens qui l’entourent. Il repère son cabillaud, puis repose son regard sur les champs de neige au dehors. La cible est un beau salaud, maquereau des Balkans, trafiquant les femmes, les armes de poing, de pied et les couronnes mortuaires. Il est avec deux types massifs.

Marcel sent sur ses épaules le poids d’une Justice indûment chassée de la surface du globe. Puisque les choses ne vont pas comme elles devraient, certains ont pris sur eux de devenir le bras armé de cette Justice brimée. Marcel fait partie de ces écuyers héroïques.

Il y a aussi dans la cabine un groupe d’Anglais joviaux, deux-trois Italiens taiseux et c’est un peu inhabituel. L’ascension commence, le téléphérique prend de la vitesse et s’élève. Au passage du premier pylône, tout le monde a le cœur au bord des lèvres ; Marcel pense qu’au moins il n’est plus le seul et que voilà un début de Justice.

Le second pylône est planté sur une barre rocheuse, au-delà de laquelle bée un grand creux. Au contact du mât de la cabine sur les roues, le tangage n’est plus si fort et Marcel se sent un peu en morte-eau. C’est au plus bas du câble, au-dessus du gouffre, qu’il faut déclencher.

Cent mètres, cinquante, trente, vingt. Un Italien met une main dans son blouson et se retourne vers Marcel. Il se précipite et, pendant que l’Italien maussade sort son plan des pistes, Marcel, paf, déclenche sa ceinture de plastic crucifère.



Balises : crucifère, morte-eau, cabine, paf
(des explications ici)

dimanche 5 avril 2009

Assis

Sur une plage en Normandie,
Sortant d’une cabine en planches,
Paraît une fille blondie
Reposant ses mains sur ses hanches.

Des aortes adolescentes
Battent plus fort à son passage,
Elle aime ces envies naissantes,
Qui éclosent dans son sillage.

Je me souviens de ce temps,
Les yeux paf de désir frustré,
Noyé d’hormones rebattant
En mon bassin leur marée.

Mais voilà : le film a sauté
Et la pellicule est rompue,
L’horloge a compté les étés,
Et mes yeux je n’écoute plus.



Balises : cabine, paf, horloge, aorte
(des explications
ici)

samedi 4 avril 2009

Spectramour

Dans mes jeunes années
Je fus pris à l’aorte
Par un amour pied-bot
Dont je souffris très bien.

Comme un kayak fantôme
Il ressurgit parfois,
Il cherche à marcotter,
Mais l’horloge est crantée.



Balises : horloge, aorte, kayak, marcotte
(des explications ici)

vendredi 3 avril 2009

Débâcle

Un Inuit vague
Entre des glaçons désolés,
Un ours blanc nage
Vers un phoque à désosser.
Où est la banquise
Qui nourrissait chacun ?
Où vont nos kayaks
Désormais sécher ?
Un hareng saute de l’eau
Comme marcotte de fraisier,
Un genêt est éclos
Arbuste étranger.
Les radeaux blancs
Constellent la mer
Là où avant
S’allongeait un désert
Vivant.



Balises : kayak, marcotte, genêt, consteller
(des explications ici)

jeudi 2 avril 2009

Drapé nocturne

En un rêve éveillé,
J’ai vu se déployer
Une brigade glissante,
Sur les reliefs, bondissante,
Des torches constellaient la nuit,
Etoiles de genêt fleuri.
La soldatesque se déroulait
Formant un cramoisi drapelet,
Dansant ensemble faena secrète
Contre une autre foule encor plus discrète.



Balises : genêt, consteller, faena, soldatesque
Contrainte supplémentaire : ajout d'un pied tous les deux vers
(des explications ici)

mercredi 1 avril 2009

Chasse

Un vison se coule
Soldatesque faena,
Rétine horrifiée.




Balises : faena, soldatesque, vison, rétine (des explications ici)
Contrainte supplémentaire : haïku

Faena macabre

La vie nous saisit par la main
Sans qu’on ait forcément envie
De la suivre sur son chemin
Semé de tessons et d’ennui.

En faena elle nous volte,
Se dérobant comme un vison
Et quand nos reins se révoltent
Elle nous y plante un tison.

Enfin elle marque notre heure,
Son regard nous troue la rétine
Et en soldatesque piqueur,
Elle fait notre mort taurine.



Balises : faena, soldatesque, vison, rétine
(des explications ici)

mardi 31 mars 2009

Hiatus sexué

Quand Céline prend son face-à-main
Les mâles voudraient prendre sa fesse en main
Pour un usage ici indicible.
Mais elle songe à un adonis impossible
Qui l’ornerait de vison
De rivières de diamants, de toisons
D’or. Les hommes se sèchent la rétine,
Céline saisit son sèche-cheveux.

Voilà l’éternelle comptine
Des femmes et hommes malheureux.



Balises : vison, rétine, Adonis, sèche-cheveux
(des explications ici)

lundi 30 mars 2009

Capillotraction

Alors qu’Adonis,
Saucissonné dans son string fuchsia,
S’adonnait à son hobby matutinal,
Maniant sèche-cheveux comme guisarme épique,
Il perçut à son côté une ombre saugrenue
Qui passa comme une vision.
Un éclair, puis il fut saisi fermement
Par là où il avait péché,
Des serres d’un autre monde
Emmêlant brutement sa chevelure adornée.

S’élevant dans les limbes, il perdit
Miroir, peigne d’ivoire, sèche-cheveux noir,
Tous attributs de son éclat.
Après quelques moments de vol,
Il fut lâché dans un cercle de branchages,
Planté dans les moraines,
Le long d’un glacier bleu
Et des petits ptérodactyles lui mâchaient les orteils.




Balises : Adonis, sèche-cheveux, ptérodactyle, glacier
(des explications ici)

dimanche 29 mars 2009

Sois franc

- Mais pourquoi cet air de ptérodactyle ?

- Avec ou sans E ?

- Que viennent faire les œufs là-dedans ?

- Eh bien, s’il s’agit d’un air, pas d’E, s’il s’agit d’une aire, alors les œufs prennent toute leur place.

- Mon Dieu mais Monsieur, vous vous plaisez à m’embrouillez ! vous savez d’où je viens et que je ne suis point apte à démêler les virages de vos phrases savantes. Je vous en prie, laissez donc là vos propos noueux, je vous demandais seulement ce qui explique chez vous ce faciès de… de murex.

- Murex, murex ! mais vous voilà d’un coup bien cavalier, François ! pensez-vous que votre habit et vos souliers neufs vous autorisent à apostropher les gens ? Je rappelle à votre mémoire manifestement défaillante que c’est moi qui vous ai tiré du caniveau, où vous rouliez votre guimbarde en craquetant « glacier ! glacier ! ». Vous vous débattiez dans la fange et la médiocrité, vous grattiez comme une taupe-grillon dont un enfant écroule la galerie, vous usiez vos griffes insignifiantes sur les écus des grands. Moi seul ai su reconnaître en vous un être de quelque valeur, moi seul ai daigné vous orner de ma confiance et aujourd’hui je reçois votre arrogance en plein visage, comme une gifle d’une main souillée ? Je ne le souffrirai pas !

- Là, Monsieur, ne le prenez pas ainsi. Vous savez comme je vous aime et je sais ce que je vous dois. Des bas-fonds vous m’avez fait bouffon et je vous en ai une éternelle gratitude. Mais reconnaissez que la charge dont vous m’avez fait don m’astreint à vous dire en face vos défauts, vos erreurs et petitesses. C’est de ce noble devoir que je m’acquitte céans, en soulignant l’étrangeté de votre mise aujourd’hui.

- Çà, François, vous êtes un beau parleur, c’est même votre moindre défaut, et vous savez toujours vous tirez d’un mauvais pas. Soit, qu’a donc ma mise aujourd’hui pour vous inspirer des métaphores aussi caustiques ?

- Monsieur, pour être très franc et sauf votre respect, vous êtes fagoté comme un faisan lorgnant une ânesse. Votre lavallière baille sur un cou de coq galeux, votre habit pend comme un pourpoint de triton, vos chausses paraissent taillées dans le cuir de votre grand-tante et vos souliers feraient pleurer un galérien. Je crains que vos projets du jour, que je devine grandioses, ne pâtissent sévèrement de cet accoutrement famélique.

- François, vous êtes un beau parleur doublé d’un esprit fin. Mes projets sont en effet grandioses et ma mise s’y accorde parfaitement : je veux aujourd’hui séduire le vieil évêque Etienne.

- Ah çà, Monsieur, vous courez au pal ! cet évêque n’a d’évêque que la dernière syllabe !



Balises : ptérodactyle, glacier, murex, taupe-grillon
(des explications ici)

samedi 28 mars 2009

Excavation

Taupe-grillon sort
Son cartilage endurci
Murex souterrain



Balises : murex, taupe-grillon, cartilage, endurci
(des explications ici)

Amours champêtres

A l’huis d’un murex épineux
Se love un lombric vaniteux,
Espère dulcinée poisseuse
Belle limace verruqueuse.

Mais taupe-grillon se radine
Et lance une phrase assassine :
« J’ai bouffé le cœur de ton cœur,
Tout d’abord moelleux comme beurre
Puis croquant-ferme en cartilage :
Elle avait la fesse endurcie,
Mauvais pour le charivari.
Dans le fond sois reconnaissant,
Je t’épargne un triste séant. »

Le lombric s’étouffe de rage
Attrape une brindille et toc !
L’embroche d’un clair coup d’estoc
La perce, éviscère et ravage.
Taupe-grillon paie cher sa blague,
Crevée de jalousie, de dague.

Arrive alors la dulcinée
S’effraie du spectacle atterrant
Se pâme et s’écrie, soupirant.
Lombric soupèse l’hyménée,
Lui tâte un peu l’arrière-garde
Evalue ses atouts, regarde,
Puis va son chemin résigné.



Balises : murex, taupe-grillon, cartilage, endurci
(des explications ici)

vendredi 27 mars 2009

Ciel insensible

Un jour d’été,
J’ai eu, lors d’une sieste profonde et claire,
La vision d’un édifice
Perché aux nues,
Arcs-boutants sur des cumulus
Joints par des cartilages aux moellons,
A la gloire d’un Suprême
Enigmatique et gazeux,
Posant sur nous un regard détaché.
Nos malheurs endurcis ne résonnent pas sous les voûtes célestes.





Balises : cartilage, endurci, cumulus, arc-boutant
(des explications ici)

jeudi 26 mars 2009

Pluie d’assaut

Un lointain cumulus
Déroule ses gonfanons perle
Signale l’approche des troupes ducales,
Train de goélettes humides.
Comme il s’approche, on distingue
Tapis au pied des mâts drus
Des matelots ligneux.
La poussière du ciel
Modèle leurs formes,
Colosses bosseleux,
Pesants comme arcs-boutants,
Alertes comme joueurs de cricket.
On lit l’assaut dans leurs yeux.



Balises : cumulus, arc-boutant, cricket, modèle
(des explications ici)

mercredi 25 mars 2009

Ballade cricket

Debout sans modèle,
Pénible conquête,
Quand les dents claquettent,
Les genoux chancellent,
Piquet de cricket.

Rejet des chimères,
Chasseur de sornettes,
Dresse haut la tête,
Plante pieds en terre,
Piquet de cricket.

Balle de néant,
Comme une roquette,
Viendra faucher net
Pattes de géant,
Piquet de cricket ?



Balises : cricket, modèle, rejet, néant (des explications ici)
Contrainte supplémentaire : ballade (sans envoi)

mardi 24 mars 2009

Ellipse

Cassiopée morose
Triste satellite
Roc étriqué
Gravite autour de ta géante rose
Attraction intenable de sa masse sphéroïde
Rejet têtu de ta vitesse
Course éperdue au néant




Version haiku

Amour à la boule rose
Rejet de la vitesse
Course au néant



Balises : rejet, néant (ce texte étant le premier, il n’y a que deux balises)
(des explications ici)

Fleurs des champs opératoires

Une certaine lassitude m’a pris, après quelques mois passés à écrire sur l’environnement et les sciences et technologies. Je referme donc pour le moment ce premier volet, pour en ouvrir un second plus ludique et littéraire. En effet, un cas de force majeur a fait irruption dans mon quotidien et je me vois cloué chez moi pour un mois. En vue de faire le meilleur usage de cette assignation à résidence, j’entends me livrer à un petit jeu d’écriture.

Oulipo

Cet acronyme approximatif (1), recouvre l’Ouvroir de littérature potentielle. Il s’agit d’un mouvement littéraire de la fin du XXe siècle, dont l’objet est de donner naissance à des œuvres littéraires qui n’auraient pas existé sans l’existence de conditions spécifiques. Les conditions en question sont des contraintes d’écriture. L’idée est celle de la muse fouettée, qui comme dans les films X allemands, donne le meilleur d’elle-même quand elle est sous contrainte. Des détracteurs du mouvement pourrait le qualifier de maïeutique tératologique, ce qui peut être vrai dans certains cas.

Les représentants les plus connus de l’Oulipo sont Raymond Queneau (Exercices de style) et Georges Pérec (La disparition). C’est La disparition qui fournit l’exemple le plus simple et le plus spectaculaire d’application de l’oulipo : le livre est écrit sans utiliser la lettre E, qui est pourtant la plus fréquente en français. Cela transforme des vocables de second rang, voire franchement osbcurs, en mots usuels, donnant un style un peu grumeleux mais, à la longue, compréhensible et cohérent. Cerise sur le gâteau, le livre est une mise en abîme, puisqu’il traite lui-même de la disparition du E.

Tout ceci peut paraître bien tordu mais finalement pas plus que d’écrire des alexandrins, des pièces en trois actes ou des chansons avec refrain et couplets.

Application

La contrainte que je me fixe ici est assez simple. Elle se situe sur deux plans :
- fréquence : un texte par jour. L’idée est d’obtenir en fin de parcours un ensemble d’une trentaine de textes.
- contenu : il faut passer par quatre balises. Chaque jour deux mots sont désignés : je prends au hasard deux pages du dictionnaire et choisis sur chaque page le premier mot qui me chatouille la plume. Chaque texte inclut les deux balises du jour et reprend les deux balises du jour précédent.

En revanche, il n’y a pas de contrainte sur le style : le texte peut être poétique, imaginatif, satirique, c’est le stylo qui décidera chaque jour. Il n’y a pas non plus de contrainte sur la longueur du texte, ni sur la langue, ni sur la couleur des caractères, ni ni ni…

Je n’exclus pas de modifier ce cadre en cours de route s'il s'avère trop strict ou trop lâche. Eh oui, on n’est jamais à l’abri d’un coup de moins bien.

Ajout du 28 mars :
Il peut arriver qu'il y ait deux textes pour un même chariot de balises, comme c'est le cas le 28 mars. Parfois on est en veine.





Pour plus d'informations sur l'Oulipo :
- le site officiel de l'Oulipo
- l'article de Wikipedia





(1) J’en profite pour énoncer ici formellement le concept d’« acroximatif », mot-valise issu de la fusion d’« acronyme » et « approximatif ». Ce terme devrait être d’une rare utilité dans notre culture française post-moderne, qui recuit sa passion des acronymes à la sauce marketing, en vue d’obtenir des acronymes prononçables.