vendredi 26 février 2010

jeudi 18 février 2010

Ballade du clochard rieur

Alors même qu'on n'y croyait plus
Un sourire fleurit sur sa face
Déformant ses bajoues poilues,
En cas d'urgence, brisez la glace :
Il a souri ! C'est dégueulasse,
On lui voit des chicots jaunasses,
N'empêche qu'on est quand même ému
De voir un vieux clodo tout jouasse.

Avec sa vieille trogne de merlu,
Ses yeux imbibés de vinasse,
On sent bien qu'il creuse tant et plus
Tout au fond de l'échelle des classes,
C'est plus une épave, c'est un cul
De basse fosse où l'ordure s'entasse,
Ça fait comme un soleil qui pue
De voir un vieux clodo tout jouasse.

Mais qu'est-ce qu'il a pris dans la vue
Pour dégringoler dans la rue ?
Est-ce qu'il s'est toqué d'une radasse
Qui l'a séché comme une sangsue ?
Sa boîte a licencié en masse
Pour s'implanter au Bahamas ?
Ça fout des questions tant et plus
De voir un vieux clodo tout jouasse.

Mon Prince, lâche-lui donc un écu,
Il vaut combien ton pardessus ?
Ça met de la joie dans la mélasse
De voir un vieux clodo tout jouasse.

samedi 13 février 2010

Plastoc en stock

Saint-Valentin, fête en plastique
Qu’on nous ressert, qu’on nous enfonce
Dans la calebasse, à coups de trique.
« Si tu l’aimes, tu raques », on t’annonce.
Je suis allergique aux coups de semonce :
« Si t’es rat, t’es largué, t’abdiques
Ta vie sexuelle ». Moi, no panic,
A la Saint-Valentin, je pionce.

Y a des cœurs dans toutes les boutiques,
Y a des paillettes, du strass, des pics
De foule, les mecs se défoncent
Pour trouver le truc trop mythique
Qui fera fondre leur pouffe magnifique.
Si jamais la chérie, elle fronce
Un sourcil, ça y est c’est critique.
A la Saint-Valentin, je pionce.

Heureusement pour moi, ma tactique
Convient à ma femme : on applique
Les mêmes principes et on se dit qu’on se
Fait pas de cadeaux, qu’on claque pas de fric
Sur commande, en automatique.
D’ailleurs dans mes poches, y a des ronces,
Je peux pas fouiller dedans, ça pique.
A la Saint-Valentin, je pionce.

Darling, cet amour qu’on pratique
Se nourrit d’attentions absconses,
Pas de cadeaux psychédéliques.
A la Saint-Valentin, je pionce.

mardi 9 février 2010

Repos du guerrier

A la lueur d’un brasier fondant,
Les ombres s’affaissent,
Dans le noir délaissent
Leurs outils sauvages, contondants.

La nuit est venue,
La fatigue fatale est tombée,
Ce groupe d’ours dort comme un bébé,
Livrant des fronts nus.

Le sommeil écrase
La troupe de furieux étripeurs,
Plongés dans la soyeuse torpeur,
Les crimes s’envasent
Ils s’enfoncent sous le poids des corps,
Emportent les morts et les remords,
La nuit tout arase.

dimanche 7 février 2010

Vénus tétrapyre 2

Je continue à réfléchir à ce jeu de Bayonetta. Une chose assez originale là-dedans est le rôle des cheveux : Bayonetta porte une combinaison de cuir qui – astuce ! – est en fait constituée de sa chevelure, dont elle fait ce qu’elle veut.

De fait, elle s’en sert surtout pour effectuer des coups spéciaux : elle la modelant en poing et en pied géants ou en monstres divers afin de laminer l’adversaire. Bien entendu, ça donne lieu à toutes sortes de déshabillés, puisque ses cheveux ne peuvent pas à la fois la vêtir et concasser des titans. Au risque de faire de la psychologie de comptoir, il est intéressant de constater qu’une des armes les plus puissantes de Bayonnetta, c’est sa chevelure. Or il s’agit d’un moyen de séduction bien connu, avec un caractère d’animalité marqué. Concomitamment, on peut dire que c’est quand elle est nue qu’elle est la plus efficace.

Le parallèle entre séduction et tuerie est donc permanent ; en miroir, du côté des victimes, de caractère plutôt masculin, on trouve le parallèle entre beauté et danger. Faut-il le comprendre comme une revanche de la femme ou comme un propos sexiste ? De manière prosaïque, il me semble qu’il s’agit pour l’entreprise qui produit le jeu d’accrocher le joueur (toujours un homme pour ces jeux-là) de deux façons : en lui présentant une femme irrésistible et outrageusement séductrice, qui lui fournit par ailleurs une puissance de destruction spectaculaire.

Maintenant, pourquoi un homme se plaît-il à jouer un personnage ultra-féminin ? S’agit-il de réaliser un fantasme inconscient en se glissant dans la peau d’une femme idéale ou s’agit-il du plaisir de la commander, de faire d’une telle femme sa créature ? En effet, le joueur maîtrise presque tous les mouvements du personnage, c’est l’objet même de ce type de jeu. Ou s’agit-il simplement de se rincer l’œil tout en laissant libre cours à des envies de destruction ? Un peu des trois, je dirais, à différents niveaux de conscience.

Dernière remarque : le jeu reprend une inversion désormais classique dans les jeux vidéo où on incarne un « méchant » (une sorcière) qui doit exterminer des « gentils » (les anges). Cependant, c’est fait de telle sorte qu’on a beaucoup plus envie d’être du côté de la méchante que de celui des gentils : elle est séduisante et ils sont monstrueux.

mercredi 3 février 2010

Vénus tétrapyre

Pour faire suite au poème sur Bayonetta, je veux souligner ici quelques aspects du jeu qui m’ont fait réfléchir. Tout d’abord, présentation en deux mots : Bayonetta est une sorcière, héroïne d’un jeu de baston sur Playstation 3 et XBox 360, de conception japonaise. Tout en finesse, il s’agit de dégommer des ennemis en grand nombre, grâce à des techniques d’arts martiaux et des armes diverses.

Pourquoi en parler ici ? C’est qu’il s’agit d’un objet somme toute intrigant, dont plusieurs détails m’ont frappé.

Tout d’abord le caractère excessivement sexuel du personnage, qui saute aux yeux : Bayonetta est une bombe. Les concepteurs du jeu ont joué cette carte, là encore, tout en finesse, puisque la demoiselle se déhanche à se coller des hernies et passe son temps une sucette à la bouche. Bon, jusque là, rien de bien nouveau, Lara Croft était déjà sur cette veine il y a dix ans.

C’est aussi le cas concernant les proportions de Bayonnetta. On connaissait les proportions impossibles de Barbie, on est là dans le même ordre d’idées. Les jambes notamment du personnage sont démesurées. Ce qui est drôle, c’est qu’elle a une très petite tête. N’en tirons pas de conclusions hâtives sur les goûts des joueurs auxquels le produit s’adresse… En tout cas, ça contribue à lui donner un air étrange, presque monstrueux.

Cela dit, les joueurs ne sont pas complètement dupes du versant sexuel : sur les forums, ils soulignent ce point mais passent très vite à des considérations techniques sur la jouabilité etc.

Plus spécial, l’esthétique. Je trouve très réussi ce genre néo-gothique féérique très exubérant : les décors comme le personnage de Bayonetta parlent vraiment à l’imagination. Elle a une coiffure un peu bizarre, qui fait penser aux Espagnoles du siècle dernier. Et surtout, elle a des lunettes. Alors ça, ça m’a scié. Une égérie sexuelle, clairement un fantasme digital, avec des lunettes !

Donc j’ai fait une recherche sur Internet pour voir un peu la réaction des gens. Les joueurs, manifestement, s’en foutent un peu. En revanche, j’ai vu sur certains blogs consacrés à la mode que Bayonetta avait parfaitement flairé la tendance et s’était équipée de l’accessoire indispensable de la saison. Me voilà donc renvoyé à ma ringarditude stylistique. Soit dit en passant, ses lunettes doivent être soudées à sa boîte crânienne, je ne vois pas sinon comment elle pourrait faire sa petite gymnastique sans les faire valser.

J’ai aussi été frappé (oui) par certains coups spéciaux et accessoires de Bayonnetta : les pistolets dans les talons, les invocations pharaoniques à base de cheveux démoniaques, tout ça contribue à mettre en forme un univers très attrayant pour l’œil, même s’il est visiblement un peu stérile à la longue. Mais, que diable, nous sommes dans un jeu vidéo tout de même.


Autre point frappant : le nom. « Bayonetta » évoque un mélange de violence sanglante, de baby-doll et, peut-être aussi, de France, ou d’histoire. Je ne me rends pas très bien compte de la connotation du mot en anglais. En tout cas, c’est magnifiquement trouvé et ça colle parfaitement au personnage. A propos de linguistique, dans les vidéos en anglais que j’ai vues, Bayonetta parle avec un accent… anglais. Non, ça n’est pas une évidence car les accents sont plutôt américains dans les jeux vidéo. Mais il semble que les concepteurs aient voulu donner une teinte un peu historique, voire antique, au personnage, sans doute pour renforcer son côté venu du fond des temps.

Enfin, dernier point, c’est cette vidéo. Il y a un type, peut-être au Japon vu son pseudo, qui a fait tout le jeu sans pratiquement prendre un seul coup. Je n’ose imaginer le temps qu’il y a passé. Voulant faire profiter l’humanité de ses exploits, il a tout filmé et tout mis sur Internet. Voilà un système qui m’échappe.

Pour conclure, cette découverte a été pour moi un carambolage avec un univers passablement étrange, que je décrirai comme cupide-kitsch-sexy-autiste, mais comportant des aspects fascinants. Le soin avec lequel le personnage est construit, dans un but de séduction aussi brutale que ses combats, est frappant. Derrière les apparences raffinées, on nage dans l’animalité brute. A tel point que ça m’a fait venir un poème.