dimanche 22 février 2009

Xénogreffe

Je ne suis vraiment pas connaisseur en matière de cinéma mais je trouve que François Ozon porte bien son nom. Ricky est un film atypique. Ça ressemble à un film social, très râpeux, âpre, où le personnage principal est solitaire et un peu parano. Et dans ce décor plus que morose, réaliste et lézardé, Ozon plante un événement absolument invraisemblable.

Attention, le paragraphe suivant décrit l’événement en question. Peut-être voudrez-vous arrêter de lire ici.

Le procédé s’apparente à une xénogreffe, puisque Ozon plante des ailes de poulet dans le dos d’un bébé et que, ce faisant, il mélange des genres habituellement bien étanches : la chronique sociale et le fantastique.

Le quotidien triste devient alors une fable camouflée sur la maternité, la perte d’un enfant et la famille, avec ce que ça comporte d’emmerdements. Dans un autre genre, ça fait penser au procédé de Jeunet dans Amélie Poulain : une fable sous les apparences du réalisme (c’est d’ailleurs la même productrice).

Donc, sans avoir été transporté, j’ai été pris et décalé, j’en suis sorti plus riche qu’avant. J’aime bien ces films qui ne sont pas livrés sous blister avec notice. Et puis c’est l’occasion de voir Alexandra Lamy dans un rôle très sec, où elle irradie assez fort. Sergi Lopez est toujours un peu fascinant avec son air de taire le plus important. Et j’ai spécialement aimé la petite Mélusine Mayance, en grande sœur à qui on demande un peu trop.



Une interview intéressante de François Ozon sur Evene.

mardi 17 février 2009

Retour sur deux brèves

De l'importance des bonnes manières

On a des nouvelles des relations orageuses entre la consommation de viande et le climat. Une étude néerlandaise conclut qu’on pourrait économiser 20 000 milliards de dollars (eh oui) sur les coûts de la lutte contre le changement climatique en diminuant de manière radicale notre consommation de viande. Les animaux dans le collimateur cette fois sont les bœufs et les porcs.

Donc, mangeons de la salade, ou alors du kangourou.

Plus de détails sur le site du New Scientist (en anglais).



Mystère givré

Il y a quelque temps, je m’interrogeais ici sur le lien entre le froid et le rhume. Voici un début d’explication.

Des chercheurs américains ont trouvé une corrélation entre l’humidité et les épidémies de grippe. La nouveauté réside dans le fait qu’ils se sont intéressés à l’humidité absolue et non l’humidité relative (l’humidité réelle par rapport à l’humidité maximale possible pour une température donnée).

Le plus surprenant dans tout ça, c'est que ça soit un scoop de découvrir qu'il y a un lien entre l'humidité et la grippe.

Plus de détails sur le site de Science (en anglais).

jeudi 12 février 2009

Comment forcer les entreprises à préserver l’environnement

Libération, relayé par Marianne, se fait l’écho d’une histoire intéressante sur le plan des relations entre consumérisme et environnement. Nestlé, grande entreprise écologique bien connue, a réussi à mener à bien une entreprise de préservation très ambitieuse. En tant que propriétaire de Vittel, Nestlé s’est inquiétée de la dégradation de l’eau produite par sa source. Les teneurs en nitrates augmentaient dangereusement, se rapprochant des niveaux limites fixés par la réglementation.

La difficulté pour corriger la qualité de l’eau d’une source tient au fait qu’elle dépend de l’ensemble de son bassin versant, soit toute la région qui, arrosée par la pluie, alimente la source.

Nestlé, malgré ses moyens gigantesques, n’a pas pu acquérir toutes les terres concernées. A la place, elle a entrepris de convaincre les exploitants agricoles de se mettre à l’agriculture bio. En les aidant financièrement, elle a réussi à parvenir à ses fins. Elle a même réussi à convaincre les mairies de changer aussi leurs pratiques en matière d’entretien des espaces verts. Résultat : la dégradation des eaux s’est arrêtée et la qualité s’est même sensiblement améliorée.

Quel intérêt, me direz-vous ? Eh bien, c’est qu’on constate que, quand une grande entreprise le veut, elle est capable d’inverser la dégradation des milieux. Et qu’est-ce qui a convaincu Nestlé de mettre en œuvre tous ces efforts ? La perspective de voir ses produits impropres à la vente, puisque les contraintes juridiques lui imposent des concentrations limites en nitrates. Nestlé risquait dont de perdre beaucoup d’argent.

Les consommateurs ont le pouvoir.

Là où c’est intéressant, c’est qu’on peut imaginer le même scénario à partir de causes différentes : si les consommateurs décidaient de ne plus acheter tel ou tel produit parce que son cycle de vie est trop polluant (production, utilisation, fin de vie), les entreprises mettraient leur puissance au service de l’environnement.

Cette histoire illustre donc la capacité de la réglementation à arrêter une dégradation apparemment inéluctable de l’environnement mais on peut aussi imaginer que le comportement des consommateurs ait le même effet. Le tout est de peser suffisamment pour faire craindre aux entreprises une diminution substantielle de leurs profits.

Le cœur du problème réside donc dans les valeurs des consommateurs. Si les consommateurs attachent de l’importance à l’impact environnemental de tel ou tel produit, les entreprises s’adapteront. Les actions de sensibilisation et d’information des consommateurs prennent alors tout leur sens.

dimanche 8 février 2009

L’homme a créé Dieu et non le contraire.

Le New Scientist a publié un article fascinant sur les origines physiologiques de la croyance au surnaturel. J’essaie ici d’en résumer le raisonnement et insère quelques commentaires (en italique). Pour des détails sur l’auteur, les scientifiques concernés et leurs établissements, ainsi que sur les expériences menées, consulter l’article du New Scientist.

Animé/inanimé

Des scientifiques américains font le constat suivant : les enfants font très tôt la différence entre les objets, inanimés, et les êtres animés. Ces deux catégories sont traitées par deux zones différentes du cerveau, dont l’une traite le monde physique et l’autre l’esprit.

Voilà une donnée intéressante : la dualité corps/âme, sujet discuté depuis un certain nombre de siècles, aurait un support réel, non dans la réalité que nous interprétons avec cette grille mais dans le cerveau de l’observateur.

L’intérêt de l’existence de ces deux zones est de permettre l’abstraction : on peut penser à un être animé sans l’avoir sous les yeux. Cela présente des avantages considérables pour la survie : on peut anticiper les actions des prédateurs et des ennemis.

Cette capacité a pour corollaire qu’on peut imaginer que quelqu’un existe sans percevoir jamais son aspect physique. L’humain a donc les moyens d’imaginer des dieux.

L’auteur écrit à cet égard : “religion co-opts brain circuits that evolved for something else” (la religion s'approprie des circuits qui ont évolué dans un autre but). La formule est amusante parce qu’un peu provocante mais elle prend le problème à l’envers sur deux aspects :
  • la religion n’est pas préexistante au cerveau mais plutôt le cerveau a évolué, permettant de se représenter quelqu’un de manière abstraite, et cette capacité a aussi induit l’élaboration des religions ;
  • les circuits n’ont pas évolué dans un but ou un autre : ce sont les individus qui présentaient ces circuits qui ont proliféré, parce que ces circuits leur conféraient un avantage en termes de sélection naturelle.

Propension à l’explication

Par ailleurs, les scientifiques cités dans l'article considèrent que l’humain a une propension à rechercher des causes aux phénomènes qu’il observe. Cette propension, conjuguée à notre capacité à nous représenter quelqu’un de manière abstraite, nous pousse à donner une explication surnaturelle aux phénomènes observés.

Les scientifiques constatent ainsi dans leurs expériences la tendance des enfants à créer spontanément l’idée d’un dieu sans l’assistance d’adultes. Cette tendance est cependant aussi présente chez l’adulte, qui peut faire des phrases comme : « les arbres produisent de l’oxygène pour que les animaux puissent respirer ».

Alors qu'il paraît plus rationnel que les animaux aient évolué parce que les arbres produisent de l’oxygène. Il n’y a alors pas d’intention mais une relation de causalité.

Les scientifiques cités dans l’article concluent de tout ça que la croyance en Dieu et au surnaturel en général découle du fonctionnement de base de notre cerveau.

L’auteur de l’article a une belle formule à cet égard : « Religion arises as an artefact of the ability to build fictive worlds » (la religion survient comme un artefact de la capacité à construire des mondes fictifs).

Les difficultés accroissent la religiosité.

Cette propension à faire appel au surnaturel s’exprime particulièrement dans les moments difficiles. Des expériences semblent montrer que, quand les sujets ont l’impression de perdre le contrôle de la situation, ils tendent à se rabattre sur des explications faisant appel au surnaturel.

Cela s’applique notamment quand on pense à des événements tragiques, notamment sa propre mort.

Ce qui explique que toutes les religions traitent ce problème.

Conclusion

Les recherches évoquées dans l’article ne visent pas à répondre à la question de l’existence ou non d’êtres surnaturels mais semblent établir que la croyance en de tels êtres constitue la pente naturelle de l’humain. Ceci explique que la religion soit présente dans toutes les sociétés humaines et qu’on y revienne dans les moments difficiles. Inversement, l’athéisme et la rationalité ne sont pas spontanés.

D’autres scientifiques avancent une explication concurrente de l’émergence de la religion. Selon eux, elle serait due à la sélection naturelle : la religion avantagerait le groupe qui la cultive en lui apportant de la cohésion, ce qui susciterait des comportements coopératifs entre individus et augmenterait l'efficacité du groupe pris de manière globale.

D’autres encore considèrent que la croyance apparaît chez les enfants à cause de l’« endoctrinement » par les aînés.

Cela n’explique cependant pas l’apparition de la religion elle-même, seulement sa transmission.

L’article conclut en disant qu’on peut raisonnablement penser que la religion s’explique par la conjonction de ces différents phénomènes.