dimanche 8 février 2009

L’homme a créé Dieu et non le contraire.

Le New Scientist a publié un article fascinant sur les origines physiologiques de la croyance au surnaturel. J’essaie ici d’en résumer le raisonnement et insère quelques commentaires (en italique). Pour des détails sur l’auteur, les scientifiques concernés et leurs établissements, ainsi que sur les expériences menées, consulter l’article du New Scientist.

Animé/inanimé

Des scientifiques américains font le constat suivant : les enfants font très tôt la différence entre les objets, inanimés, et les êtres animés. Ces deux catégories sont traitées par deux zones différentes du cerveau, dont l’une traite le monde physique et l’autre l’esprit.

Voilà une donnée intéressante : la dualité corps/âme, sujet discuté depuis un certain nombre de siècles, aurait un support réel, non dans la réalité que nous interprétons avec cette grille mais dans le cerveau de l’observateur.

L’intérêt de l’existence de ces deux zones est de permettre l’abstraction : on peut penser à un être animé sans l’avoir sous les yeux. Cela présente des avantages considérables pour la survie : on peut anticiper les actions des prédateurs et des ennemis.

Cette capacité a pour corollaire qu’on peut imaginer que quelqu’un existe sans percevoir jamais son aspect physique. L’humain a donc les moyens d’imaginer des dieux.

L’auteur écrit à cet égard : “religion co-opts brain circuits that evolved for something else” (la religion s'approprie des circuits qui ont évolué dans un autre but). La formule est amusante parce qu’un peu provocante mais elle prend le problème à l’envers sur deux aspects :
  • la religion n’est pas préexistante au cerveau mais plutôt le cerveau a évolué, permettant de se représenter quelqu’un de manière abstraite, et cette capacité a aussi induit l’élaboration des religions ;
  • les circuits n’ont pas évolué dans un but ou un autre : ce sont les individus qui présentaient ces circuits qui ont proliféré, parce que ces circuits leur conféraient un avantage en termes de sélection naturelle.

Propension à l’explication

Par ailleurs, les scientifiques cités dans l'article considèrent que l’humain a une propension à rechercher des causes aux phénomènes qu’il observe. Cette propension, conjuguée à notre capacité à nous représenter quelqu’un de manière abstraite, nous pousse à donner une explication surnaturelle aux phénomènes observés.

Les scientifiques constatent ainsi dans leurs expériences la tendance des enfants à créer spontanément l’idée d’un dieu sans l’assistance d’adultes. Cette tendance est cependant aussi présente chez l’adulte, qui peut faire des phrases comme : « les arbres produisent de l’oxygène pour que les animaux puissent respirer ».

Alors qu'il paraît plus rationnel que les animaux aient évolué parce que les arbres produisent de l’oxygène. Il n’y a alors pas d’intention mais une relation de causalité.

Les scientifiques cités dans l’article concluent de tout ça que la croyance en Dieu et au surnaturel en général découle du fonctionnement de base de notre cerveau.

L’auteur de l’article a une belle formule à cet égard : « Religion arises as an artefact of the ability to build fictive worlds » (la religion survient comme un artefact de la capacité à construire des mondes fictifs).

Les difficultés accroissent la religiosité.

Cette propension à faire appel au surnaturel s’exprime particulièrement dans les moments difficiles. Des expériences semblent montrer que, quand les sujets ont l’impression de perdre le contrôle de la situation, ils tendent à se rabattre sur des explications faisant appel au surnaturel.

Cela s’applique notamment quand on pense à des événements tragiques, notamment sa propre mort.

Ce qui explique que toutes les religions traitent ce problème.

Conclusion

Les recherches évoquées dans l’article ne visent pas à répondre à la question de l’existence ou non d’êtres surnaturels mais semblent établir que la croyance en de tels êtres constitue la pente naturelle de l’humain. Ceci explique que la religion soit présente dans toutes les sociétés humaines et qu’on y revienne dans les moments difficiles. Inversement, l’athéisme et la rationalité ne sont pas spontanés.

D’autres scientifiques avancent une explication concurrente de l’émergence de la religion. Selon eux, elle serait due à la sélection naturelle : la religion avantagerait le groupe qui la cultive en lui apportant de la cohésion, ce qui susciterait des comportements coopératifs entre individus et augmenterait l'efficacité du groupe pris de manière globale.

D’autres encore considèrent que la croyance apparaît chez les enfants à cause de l’« endoctrinement » par les aînés.

Cela n’explique cependant pas l’apparition de la religion elle-même, seulement sa transmission.

L’article conclut en disant qu’on peut raisonnablement penser que la religion s’explique par la conjonction de ces différents phénomènes.

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