samedi 20 décembre 2008

La nature est-elle sacrée ?

Régulièrement, les progrès scientifiques et technologiques repoussent les frontières de ce que l’homme peut faire. Pendant un temps, on pensait qu’on mourait si on se déplaçait au-delà de quelques dizaines de kilomètres/heure. Plus récemment, on a pensé que le LHC pourrait créer des trous noirs.

En filigrane se pose la question du caractère sacré de la nature et de l’homme. Je ne veux pas réfléchir ici sur le caractère sacré de l’homme. En revanche, le caractère sacré de la nature paraît plus accessible.

Il est naturel de modifier la nature.

Pour reprendre un raisonnement fait dans un précédent billet, l’intelligence de l’homme est naturelle, dans la mesure où elle est le fruit d’un processus évolutif fondamentalement semblable à celui qui donne telles ou telles caractéristiques à d’autres espèces. L’usage de l’intelligence est également naturel : l’homme laboure des champs, le chimpanzé attrape des fourmis avec des outils qu’il fabrique et range pour la fois suivante. Plus fort, le geai qui vole les glands cachés par ses congénères change les caches des siens : il est capable de concevoir qu’on peut lui faire subir les avanies qu’il inflige aux autres.

Par conséquent, il semble que les modifications que l’homme fait subir à la nature soient fondamentalement « naturelles ». On heurte alors de plein fouet la notion d’artifice : ce que l’homme fait subir au cours naturel des choses, c’est la définition de l’artifice.

C’est parce que l’opposition nature/artifice repose sur une opposition entre homme et nature. Or, comme indiqué dans des billets précédents, il ne me semble pas que l’homme soit fondamentalement différent des (autres) animaux. Dès lors, l’opposition homme/nature est caduque. Il convient plutôt de raisonner en termes d’interactions. Bref, ma raison me dit que la nature n’est pas sacrée, parce que nous en faisons partie et que, comme toutes les autres espèces, nous modelons notre environnement à notre profit, dans la mesure de nos capacités.

Le cousin est mon cousin.

Autre chose me dit au contraire qu’il y a des limites à ce qu’on peut faire subir à la nature. Il s’agit d’une certaine sympathie, voire empathie, vis-à-vis d’autres êtres vivants. Qui n’est pas touché par la souffrance d’un singe soumis à des expériences scientifiques ? Ça vaut aussi pour un lapin ou un chien. Et si ça valait aussi pour un lézard, un insecte, une bactérie ? un pied de menthe ? Les limites de l’empathie en termes d’espèces sont floues et variables d’un individu à l’autre.

Quoi qu’il en soit, selon cette dernière logique, les limites de ce qu’on peut faire subir à la nature sont celles de l’empathie : au-delà d’un certain degré de dissemblance, l’empathie s’évanouit et la manipulation n’est plus entravée.

Ces deux approches portent à conclure qu’il est normal de modifier la nature mais que notre empathie pour d’autres espèces constitue un frein d’ordre émotionnel. La seule vraie limite serait alors celle de notre survie, comme le met en lumière le changement climatique.



Os

Mais alors avons-nous le droit de modifier totalement la nature, tant que cela n’est pas dangereux pour nous ?

Si on est rationaliste, on répond oui, puisque toutes les espèces le font aussi. Si on est sentimental, on répond non, puisque l’humain en vient souvent à dégrader son environnement. Si on est un humain standard, on ne sait pas trop quoi répondre.

On peut sans doute se risquer à dire qu’on a le droit de modifier notre environnement uniquement dans la mesure où ça nous permet de vivre correctement et où aucune modification n’est irréversible.

C'est là qu'est l'os : que signifie « correctement » ? Une espérance de vie à 45 ans sous un tipi ou une espérance de vie à 80 ans avec un portable ? Par ailleurs, comment savoir que tel ou tel changement est irréversible ? Une intervention humaine peut avoir des effets inattendus ou cachés.

On a donc une réponse relativement satisfaisante sur le plan intellectuel mais diablement difficile à mettre en œuvre. Pas très étonnant, vu ce qu’elle reprend du principe de précaution et du développement durable.

A noter toutefois que cette réponse ajoute deux aspects :
- « vivre correctement » suppose de se fixer des limites plus sévères que celles que la biosphère nous impose pour notre survie ; cela suppose de faire preuve d’une certaine mesure ;
- « modification irréversible » ne fait pas écho seulement à un éventuel besoin qu’on aurait de telle ou telle espèce dans l’avenir mais aussi à un respect fondamental de toute forme de vie.



Poire pour la soif

Que dire alors de ceux qui considèrent la nature comme sacrée dans toutes ses composantes ? On pense à des écologistes extrémistes mais aussi à la plupart des peuples premiers. Ils modifient peu leur environnement et, souvent, cultivent des croyances qui sacralisent la nature.

Se pose alors la question suivante : peut-on être « évolué » sans perturber gravement l’environnement ?

lundi 15 décembre 2008

Aujourd'hui est un grand jour

Le calendrier chrétien a été supplanté par un calendrier païen, dans lequel chaque jour est consacré à une grande cause ou un grand événement. Ce dernier système me semble préférable mais il faut bien reconnaître que les grandes idées ont tendance à s’étouffer les unes les autres (journée de l’Europe le lendemain de l’armistice etc.).

Pour vous aider à déterminer ce qui est vraiment important dans tout ça, j’attire aujourd'hui votre attention sur la journée de l’esperanto. Eh oui, c’est aujourd'hui, le 15 décembre. Il y a trois points à mettre en avant sur ce sujet.

Lerni Esperanton estas tre facila.

Bien connu mais essentiel : l’apprentissage de l’esperanto est d’une facilité désarmante. Un seul exemple : un verbe ne peut avoir que douze terminaisons différentes, pour toutes les personnes, tous les temps et tous les modes (et seulement six si on exclut le participe). Ça se comprend en vingt secondes, ça se retient en dix minutes. A titre de comparaison, en français, les terminaisons pour un verbe se chiffrent à plusieurs dizaines.

Après un petit cycle de cours sur Internet d’une dizaine de leçons, on se trouve capable de lire des sites en esperanto.

Esperanto devus estigxi la lingvo de la Euxropa Unio.

L’Union européenne se débat dans des difficultés linguistiques épineuses, avec l’installation presque achevée de l’anglais comme langue-pont. Pour résumer des arguments développés notamment par Krokodilo sur le blog "Coulisses de Bruxelles" de Jean Quatremer (le lien est dans la colonne de droite), l’anglais est beaucoup plus difficile que ce qu’on dit, notamment sur le plan phonétique.

En outre, son adoption généralisée constitue une grande injustice, défavorisant les pauvres (les cours et les séjours sont chers) et favorisant les anglophones.

Au contraire, l’esperanto a par définition vocation à servir de seconde langue. Sa facilité d’apprentissage le met à la portée de tous et son caractère "déraciné" écarte le risque qu’il prenne la place des langues maternelles.

Scrivu Esperantan poezion.

Enfin, l’esperanto a, entre autres, des caractéristiques de langue agglutinante (comme le turc ou le japonais). Conséquence inattendue : on peut fabriquer des termes nouveaux avec toutes les nuances souhaitées.

Un exemple :
Kuiri : cuire
Mal- : préfixe indiquant l’absence
-> malkuira : cru
Sovagxa : sauvage
-> malkuirsovagxo : un « sauvage cru »

Le potentiel poétique est proprement renversant.


Note : la lettre X est une convention d’écriture, qui remplace des signes se trouvant sur certaines consonnes et le U.




Réponses aux critiques habituelles à l’esperanto, par un linguiste patenté :
http://claudepiron.free.fr/index.htm

Des cours d’esperanto sur Internet :
http://fr.lernu.net

Un équivalent en esperanto du Courrier international (rédigé en France)
http://eventeo.net

Bavarder en esperanto et prendre des cours sur Second Life :
Cherchez « Esperanto Lando »




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Hodiaux estas granda tago.


Pagana kalendaro anstatauxis la kristiankalendaron. En cxi-tiu pagankalendaro, cxiu tago rilatigxas kun granda ideo aux granda evento. Cxi-tiu sistemo sxajnas preferebla al mi sed mi dovas konfesi, ke cxi-tiuj grandideoj povas reciproke sufoki sin (la tago de la Euxropo estas la posta tago de la armistico ktp).

Pro helpi vin en la decidigo de kio estas vere grava en la pagankalendo, mi emfazas al vi, ke hodiaux estas la tago de Esperanto. Jen, estas hodiaux, la 15-an de decembro. Estas tri rimarkindaj punktoj pri tio.

Lerni Esperanton estas tre facila.

Tre sciata sed esenca : la lerno de Esperanto estas surprize facila. Sole unu ekzemplon : verboj nur havas dekdu diversajn finajxojn, pri cxiuj personoj, tempoj kaj modoj (kaj sole ses se oni lasas la participon). Dudek sekondoj suficas por kompreni, dek minutoj por memorigi. Por kompari, francaj verboj havas plurajn dekarojn de finajxoj.

Post dekkursa interretcikleto, oni povigxas liri esperantpagxarojn.

Esperanto devus estigxi la lingvo de la Euxropa Unio.

La Euxropa Unio penas pro lingvaj malfaciloj, dum Anglo preskaux estigxas la pontlingvo. Laux argumentoj de Krokodilo (kaj alioj) en la pagxaro de Jean Quatremer "Bruselpostsceno" (la ligajxo estas en la dekstra kolono), Anglo estas tre pli malfacila ol oni pensas, speciale prononco. Transe, sia preskaux totala adopto konstituas grandan malgxuston, ke malfavorigas malricxojn (kursoj kaj restadoj estas karaj) kaj favorigas angloparolantojn.

Kontrauxe, Esperanto konstruigxis por esti dua lingvo. Gxia lernfacilo farigas cxiun facile lerni gxin kaj gxia "malradikigito" riskpreventas, ke gxi mallogxas patrinajn lingvojn.

Skribu esperantan poezion.

Fine, Esperanto havas, inter aliaj, karakterojn de algluaj lingvoj (ekzemple Turko aux Japano). Malatenda sekvaro : oni povas fabriki novajn terminojn kun cxiujn dezireblajn nuancojn.

Ekzemplo :

Kuiri : aliigi uzante kontrolatan varmon
Mal- : prefikso kio signifa mankon
-> malkuira : ke ne estas kuirita
Sovagxa : malcivilizigxita
-> malkuirsovagxo : tre bruta kaj malcivilizigxita persono

La poezia eblo estas pure renversanta.




Respondoj al la plejoftaj kritikoj pri Esperanto, de certigita lingvisto :
http://claudepiron.free.fr/index.htm

Esperantkursoj en la interreto :
http://fr.lernu.net

Esperantekvivalento de la « Courrier international » (skribata en Francio)
http://eventeo.net

Por esperante paroleti kaj kurscxeesti en Dua Vivo :
Sercxu « Esperanto Lando »

jeudi 11 décembre 2008

Curiosités

Antarctique 1 – Galapagos 0

On a découvert que certaines îles dans l’Antarctique abritent plus de biodiversité que les Galapagos.

C’est surprenant à deux titres :

- on considère généralement que les zones les plus riches en biodiversité sont tropicales (forêts ou barrières de corail) ;
- les Galapagos sont particulièrement associées à l’idée de biodiversité, puisque c’est là-bas que Darwin a fait des observations décisives pour sa théorie sur la sélection naturelle.

De fait, ce sont surtout les eaux qui entourent les îles antarctiques en question qui sont riches en biodiversité.

Les scientifiques ont lancé un état des lieux car ces îles sont un excellent observatoire des effets du changement climatique sur la biodiversité : les espèces qui aiment le froid vont partir vers le sud, remplacées par d’autres espèces venues du nord.

L’article du New Scientist du 3 décembre (en anglais) :
http://www.newscientist.com/article/dn16130-antarctic-islands-surpass-galapagos-for-biodiversity.html



L’avènement de l’Homme

Ça n’est plus tout frais mais ça reste surprenant : la Société géologique de Londres, sévère institution qui établit les normes en matière de stratigraphie (étude des strates géologiques), a décidé en février dernier que la Terre est sortie de l’Holocène et qu’elle est entrée dans l’Anthropocène. A noter que la date précise de ce changement est sujette à discussion mais elle est forcément récente à l’échelle du temps géologique.

Le néologisme "Anthropocène", créé par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen, rend compte du fait que l’humanité est désormais considérée comme une force capable d’avoir des effets au niveau géologique et, bien entendu, sur le reste de la planète.

Certains vont même plus loin et parlent déjà de Post-Anthropocène :
http://philoscience.over-blog.com/article-7370294.html



L’avènement de l’Homme (2)

Les chiffres concernant le Large Hadron Collider, plus connu sous le nom de LHC, confirment le point précédent : l’humain est aujourd’hui capable de créer des conditions qui n’existent pratiquement pas à l’état naturel.

Fait remarquable : cette machine est un monstre technologique et sa construction n’a été possible que parce qu’elle associée des dizaines de pays du monde entier, ainsi que la majeure partie de la communauté des physiciens spécialisés dans ce domaine. A l’époque du retour des guerres ethniques, ça mérite d’être noté.

Pourquoi un monstre technologique ? A titre d’exemple, les températures dans le LHC descendent jusqu’à -271°C, soit plus froid que dans l’espace. Elles montent jusqu’à 100.000 fois la température qu’on trouve au cœur du soleil. Le vide y est plus vide que celui qu’on trouve entre les planètes du système solaire.

Une limite cependant n’est pas dépassée : les « trains » de protons qui sont envoyés dans le circuit font 11.000 fois par seconde le tour de la boucle de 27 kilomètres. C’est juste en deçà de la vitesse de la lumière.

Encore une fois, maintenant que nous avons ce pouvoir, allons-nous l’utiliser intelligemment ?

Chiffres sur le LHC :
http://public.web.cern.ch/Public/fr/LHC/Facts-fr.html



L’avènement de l’Homme-Cochon

Les xénogreffes (greffes de tissus ou organes animaux chez des humains) refont parler d’elles à l’occasion d’une réunion de chercheurs et de régulateurs, qui a eu lieu en Chine mi-novembre. Il s’agissait d’établir des principes généraux régissant les débuts de la pratique de la xénogreffe.

Les premières xénogreffes pourraient consister à implanter des cellules de porc dans le foie de personnes diabétiques, pour les aider à produire de l’insuline. Si cela se fait et se généralise, la question de la définition de l’humain abordée ici se posera avec encore plus d’acuité.

En passant, on ne peut pas s’empêcher de relever que la réunion s’est tenue en Chine. Les Chinois sont en effet parmi les meilleurs mondiaux en matière de greffe. Or il est de notoriété publique que les condamnés à mort chinois sont malgré eux à l’origine d’un trafic d’organes assez actif. C'est à croire que la demande est telle que le régime n’est pas encore assez répressif et qu’il va être obligé de trouver des cochons dissidents ou corrompus. La loi de l’offre et de la demande aurait donc bien eu la peau du communisme.

L’article du New Scientist (en anglais) :
http://www.newscientist.com/article/mg20026844.500-pig-organs-ready-for-humans-at-last.html?full=true#bx268445B1

Un article d’Amnesty International Belgique sur les exécutions en Chine et le trafic d’organes :
http://www.amnesty.be/doc/article490.html



Jus de chaussette

A l’heure où certains lisent des fadaises sur Internet, des savants se torturent les méninges pour résoudre de graves problèmes : comment traiter les ordures dans l’espace ? Des malins ont imaginé de récupérer l’eau des ordures avant de les abandonner au vide cosmique. Voilà du recyclage. On ne sait pas si c’est très efficace sur le plan énergétique (combien de kWh utilisés pour récupérer cette eau ?) mais ça pourrait s’avérer utile pour les astronautes. C’est qu’il faut bien se doucher pour se débarrasser de la poussière lunaire.

On pourrait creuser cette piste pour récupérer de l’eau à partir des ordures sur Terre également. On pourrait probablement tirer quelques litres de certains dirigeants chinois, ce qui permettrait de compenser partiellement la sévère dégradation des ressources en eau dans le pays. Dans l’idéal, ça serait bien aussi de les abandonner ensuite au vide cosmique si on peut.

http://www.sciencedaily.com/releases/2008/11/081118121948.htm

mardi 9 décembre 2008

Croûte ou carotte ? (2)

Soyons poétiques

Revenons à la métaphore du piano : dans un piano, quand on joue une note, il n’y a pas qu’une seule corde qui vibre. D’autres cordes vibrent aussi, parce qu’elles sont liées à la première par des phénomènes acoustiques.

Parallèlement, en nous, certaines cordes dormantes s’éveillent petit à petit, par résonance, quand on touche les cordes qui leur sont liées. On finit ainsi par apprécier pleinement certaines choses auxquelles on était initialement totalement réfractaire.

Soyons prosaïques

L'évolution du facile vers l’enrichissant est une forme d’apprentissage : un objet bien connu devient lassant, on se porte alors vers un autre. La nouveauté, qu’elle soit ou non mâtinée de difficulté, provoque le renouveau du plaisir. C’est le syndrome de Don Juan, étendu à tous les sujets (si j’ose dire). A noter que, dans sa recherche de nouveauté, Don Juan fait preuve d’un goût prononcé pour la difficulté, ce qui n’est pas le cas de tout le monde.

A noter également que le travail du cerveau évolue parallèlement à l’apprentissage : les zones cérébrales mises en jeu dans une activité nouvelle (cortex frontal) ne sont pas les mêmes quand cette activité est maîtrisée.



Alors, croûte ou carotte ?

Le plaisir est-il lié à l’immédiateté (la croûte) ou à la profondeur (la carotte) ? Les deux, il s’agit simplement de stades différents dans l’apprentissage d’un domaine. Après, on peut porter des jugements sur la valeur du plaisir lié à chaque étape d’un apprentissage. Je m’en garde : la subtilité n’a pas plus de valeur en soi que la simplicité. En revanche, on est forcément moins enrichi par des choses connues que par des choses inconnues.

Plus égoïste : si je peux me montrer condescendant face à qui se régale d’un roman à l’eau de rose, je peux commettre le même péché en m’extasiant devant une décoration lourdingue. Chacun est le plouc d'un autre.

Voilà donc une conclusion bien politiquement correcte. Mais de fait, on ne peut pas être partout, à cause du « coût d’opportunité », comme disent les financiers : le temps est une ressource limitée, si je le consacre à ce livre épineux de James Joyce, je ne pourrai pas l’utiliser pour aller voir telle expo ou simplement cuisiner le dîner.

Autre dimension du problème : l’âge joue aussi un rôle dans l’évolution des goûts. Bien entendu, l’accumulation d’expérience s’inscrit dans le temps. On constate cependant certains changements qui s’accommodent mal d’une explication aussi linéaire. Par exemple, les enfants en général n’aiment pas les aliments amers. Cela change à l’âge adulte : le goût pour le café, le vin rouge, les endives vient tard et, surtout, vient d’une manière assez subite. On dit aussi que les gens âgés aiment le sucre. On peut donc soupçonner que des changements physiologiques engendrent des tendances lourdes, auxquelles se superpose l’expérience de chacun.

On retombe ici sur une vieille dichotomie : l’inné et l’acquis. Mais c’est un très vaste débat, qui justifiera sans aucun doute moults billets et billevesées.

Ainsi, comme on m’a appris à l’école, je finis mon devoir sur une ouverture.



Sur l’apprentissage (avec un point intéressant sur l’oubli nécessaire) :
http://www.lexpress.fr/informations/les-mysteres-de-l-apprentissage_635776.html

samedi 6 décembre 2008

Croûte ou carotte ? (1)

Et le plaisir dans tout ça ?

Je reprends mon billet du 24 novembre sur la littérature. Je concluais en faisant le constat d’une certaine polarité opposant livres faciles et enrichissants mais que fait-on du plaisir dans tout ça ?

La réponse évidente est qu’on tire du plaisir des deux types de lectures. Par contre, ce qui est certain, c’est qu’il s’agit de plaisirs différents.

Dans le cas des livres faciles, c’est l’impression de vivre une aventure. Dans celui des livres enrichissants, c’est plus subtil. Il y a un plaisir esthétique, c’est-à-dire le plaisir de se frotter à quelque chose qu’on trouve beau, sur la forme ou sur le fond. Il y a aussi le plaisir de voir développé quelque chose qu’on sent sans pouvoir l’exprimer ou quelque chose qu’on peut partager profondément. La résonance est ainsi une composante essentielle du plaisir le plus enrichissant dans la lecture. D’ailleurs dans tous les arts, la grande merveille de l’auteur est de savoir faire vibrer en nous des cordes connues ou, mieux, inconnues.

J’en viens à mon propos : les plaisirs donnés par différents livres diffèrent. Généralement, ils s’inscrivent dans une progression. Beaucoup d’enfants et d’adolescents sans intérêt pour la lecture se passionnent pour Harry Potter. Par la suite, ils cherchent d’autres livres et, progressivement, prennent goût à la lecture elle-même. C’est alors que commence une alchimie intrigante.

D’Asimov à Zola

On dit qu’on cultive son goût. De fait, on passe d’un plaisir simple et immédiat à un plaisir plus complexe. Le plaisir a donc (au moins) deux dimensions : l’immédiateté et la profondeur. Quand on aime Harry Potter ou Asimov, on est tout de suite pris par l’univers imaginatif et les rebondissements. Mais qu’en reste-t-il ensuite ? Moins que chez Proust ou Céline.

Chez eux, c’est l’humain et l’esthétique qui priment. Ces éléments sont moins immédiats, mais ils durent plus longtemps. Ils ont aussi une autre forme d’intensité : alors que les livres d’action parlent clairement, les autres émettent un message plus subtil et diffus. Ils touchent aussi à des choses moins dicibles : la beauté et l’humain sont moins faciles à manier que la surprise et le suspense.

On peut concevoir que le passage d’un plaisir à l’autre soit progressif. Bien sûr, la polarisation des livres n’est pas absolue, loin de là, et il existe toute une gamme de livres jouant sur les deux tableaux. C’est en s’attaquant à des livres distillant des messages toujours plus subtils et profonds qu’on s’habitue à ce type de discours. Parallèlement, on s’habitue aux procédés fracassants des livres d’action, dont l’effet finit par s’émousser.

On peut faire le parallèle pour toutes sortes de domaines : il est assez évident en matière de cinéma. En musique classique, on peut commencer par le romantique pour aller vers le baroque et le contemporain. Le parallèle tient également en matière d’arts plastiques ; on commence par aimer la Joconde, puis (après une longue pratique) on finit par apprécier l’art contemporain. En BD, on commence avec Astérix et on finit avec de Crécy.


C’est donc tout simplement l’expérience qui nous guide. Par conséquent, l’évolution du goût n’est ni plus ni moins qu’un apprentissage vis-à-vis de nouveaux objets.


C'est bizarre, une fois écrit ça paraît évident mais ça ne l'était pas avant. Peut-être parce que cet apprentissage revêt une forme un peu inhabituelle, se faisant de manière souterraine, non organisée et sur le moyen ou long terme.





Les BD de Nicolas de Crécy :
http://www.bedeo.fr/pseudonymes-bd/DE-CRECY.Nicolas

jeudi 4 décembre 2008

Fonétic

Prologue

Aujourd’hui, c’est expérimentation. On prend un sujet qui nous touche tous : l’orthographe.
Quelques conventions pour faciliter la lecture : les voyelles nasalisées (in, an, on) sont notées avec le signe ~. Le C se prononce toujours « k ». Le Ñ se prononce « gn ». Un conseil si vous ne comprenez pas : lisez à voix haute. C’est comme de l’italien, une fois qu’on a compris les règles de prononciation, ça vient tout seul.

En route

Ecrivõ ãn ortograf absolumã fonétic, a l’italièn. Premié problèm ci viĩt a l’èspri, la lizibilité. Sa n’a pa l’èr totalemã ĩsurmõtabl a premièr vu mè nouz ã sorõ plus sur se sujè a la fĩ de sèt èsè.

Pèrt d’ĩformasiõ

La critic la plu frécãt ci è fèt a un réform de l’ortograf è l’abãdõ de l’orijin dè mo é l’apovrismã de la lãg. Vouala comã õ se retrouv ãcor a parlé d’étimoloji isi !

Il è vrè ce le fransè, du fè de sõ acsãtuasiõ particulièr, a plus fè évolué lè mo ce d’otr lãg latin. L’èspañol é l’italiĩ par egzãpl sõ plu proch du latĩ, parse ce l’acsã tonic i è mouĩ ecscluzif c’ã frãsè : ã frãsè, la dèrñèr silab a disparu car l’acsã tonic, situé sur l’avã-dèrñèr silab com dã tout lè lãg latin, è tèlmã for c’il a fè disparètr la dèrñèr silab. Dez egzãpl : amare-aimer, filia-fille (le E è muè). Õ trouv ĩ fénomèn ĩ pe similèr ã portugè (du Portugal, pa du Brézil) : « Praça do comercio » se di « Pras d’c’mers ». Dè problèm d’ortograf se poz d’aier osi o Portugal.

Par cõsécã, un écritur totalemã fonétic ãjãdrerè un pèrt d’ĩformasiõ étimolojic. Mè è-s vrèmã ĩportã ? Ci se sousi d’étimoloji ? É ne pet-õ pa retrouvé l’étimoloji dè mo, mèm avec un ortograf totalemã fonétic ? Sela demãderè un analiz plu pousé.

Cãt a l’apovrismã de la lãg, je ne pãs pa ce la critic soua solid : ãcor un foua, l’èspañol e l’italiĩ ne sõ pa dè lãg povr or il s'écriv de mañèr totalmã fonétic.

La pert d’ĩformasiõ sur la fõcsiõ gramatical n’è pa forsémã ĩportãt nõ plu : cõbiĩ de lang fõcsion trè biĩ sã fõcsiõ gramatical préciz ? Un sel egzãpl : ãn ãnglè, « same » pet ètre ĩn adjectif ou ĩn nõ sã ce sa poz ĩ problèm.

Acsã loco

Cèlce cèstiõ pev se pozé consernã la priz ã cõt dèz acsã réjiono. Ãn èfè, dã le nor de la Frãs, õ distĩg « é » de « è », alor ce « un » e « in » se pronõs parei. Dã le sud, s’è le cõtrèr. Sur se tip de pouĩ, il fodra fèr dè choua. De la découl ĩ cõsta ĩportã : l’ortograf ne poura pa ètr totalmã fonétic : c’õ soua dã le nor ou dã le sud, il fodra se cresé la tèt pour écrir sertĩ mo. Sela di, sa parè minim par rapor oz avãtaj sur tou lez otre mo.

Finisõz-ã

Troua pouĩ pour finir :
- je pãsè ce lè lièzõ poserè ĩ gro problèm mè il n’ãn è riĩ. Il sufi d’écrir com sa se pronõs ;
- la cãtité de siñ diacritic èt ĩportãt ; s’è révélater de la divèrsité dè vouaiel ã frãsè ;
- l’ortograf c’õn obtiĩ n’è pa trè louĩtèn de sel du créol de la Réuniõ. Or s’è lizibl, mèm s’il fo s’i prãdr a voua ot d’abor.



Ãfĩ, ĩ peti test : cõbiĩ de mo sõ resté ortografié com d’abitud dã se cour text ? A pe prè 25%, e surtou dè mo trè cour, tou le rest a chanjé. Dõc tou lèz otre mo s’écriv ojourdui de mañèr ãbigu. Sa fè réfléchir qã mèm. Il ne fo pa s’étoné aprè sa ce lè fot soua frécãt.

à mèm tã, õ pe désidé ce l’aprãtisaj de l’écritur prãdra dèz ané é ce, de tout fasõ, le frãsè èt un lãg difisil. S’è le ca du chinoua.




… Celui-là, je veux bien être pendu si quelqu’un le lit jusqu’au bout.

mardi 2 décembre 2008