lundi 24 novembre 2008

Facilité ou enrichissement ?

Je poursuis sur le billet du 13 novembre. Je viens de finir Les piliers de la Terre de Ken Follett et je suis perplexe : j’ai pris grand plaisir à lire ce gros livre mais je reste finalement sur une impression mitigée.

La narration est tout à fait prenante, c’est plein de rebondissements et de suspense mais les personnages ne sont pas très complexes : il y a les gentils et les méchants. La seule surprise est peut-être celle des deux personnages qui changent de camp à la fin. Quant à la langue, on pourrait la qualifier d’efficace.

Je sors donc du livre comme on sort d’un film à grand spectacle : un peu secoué par les péripéties, avec aussi l’impression d’avoir appris des choses sur la manière dont on vivait en Angleterre au XIe siècle (si l’auteur est aussi bien documenté qu’on le dit), mais pas véritablement enrichi par ailleurs.

Le retour du dilemme fatal

Alors se repose la question : faut-il opposer les livres faciles et les livres enrichissants ? Dans les livres faciles, je range Harry Potter, les policiers, Le seigneur des anneaux, Les piliers de la Terre, Asimov, Dumas. Dans les livres difficiles, je range Hemingway, Céline, Gary, Giono, Henry Miller, Sur la route de Kerouac, Proust, Balzac, la poésie.

Qu’est-ce que les livres faciles ont en commun ? Ils sont captivants. Ils vous tiennent en haleine, sont pleins de rebondissements et de tension. Ils sont inégaux par ailleurs : le style, la profondeur des personnages ne sont pas toujours au rendez-vous.

L’ambiance du livre et la psychologie des personnages jouent aussi un rôle dans le caractère captivant d’un livre.

Inversement, les livres difficiles ont un rythme plus lent ou menu. On n’y embarque pas comme en TGV. Cela dit, la qualité littéraire et humaine n’est pas toujours au rendez-vous, là non plus.

S’enrichir ou ne pas s’enrichir, telle est la question.

Qu’est-ce qui caractérise les livres enrichissants ? Leurs qualités esthétiques (la beauté de la langue), leur épaisseur d’humanité, la richesse de l’univers imaginatif. Je n’aime pas Proust mais je suis bien obligé d’admettre que c’est enrichissant, grâce au style et à la distillation des rapports humains. Paradoxalement, je range aussi dans cette catégorie Le seigneur des anneaux : la richesse de l’univers créé, la poésie de certains passages, le souffle de l’épopée viennent nourrir l’univers intérieur du lecteur.

Là aussi, l’ambiance du livre et la psychologie des personnages ajoutent à la qualité du livre.

A contrario, les livres peu enrichissants manquent de goût.

La polarisation des styles est-elle une fatalité ?

Que peut-on en conclure ? Ce qui rend un livre facile à lire, c’est la qualité de la narration, le motif. Ce qui le rend enrichissant, c’est sa matière. On peut faire une comparaison avec la musique, où la mélodie retient l’attention, tandis que l’harmonie donne la richesse.

L’ambiance et la psychologie des personnages viennent se superposer à tout ça.

Rien ne porte à penser a priori que ces dimensions sont interdépendantes. On peut donc théoriquement imaginer un livre qui réunirait toutes les qualités. On peut penser aux romans de Dumas, de Garcia Marquez ou Le seigneur des anneaux réunissent des qualités narratives, imaginatives et esthétiques. Cependant, aucun exemple de livre à la fois prenant, imaginatif, humain, esthétique ne me vient à l'esprit. Si vous en connaissez un, je suis intéressé.

Cependant, dans la plupart des cas, on remarque que, souvent, un livre donné met l’accent soit sur la qualité de la narration, soit le style et l’humanité. A croire que la recherche humaine et esthétique et l’efficacité du récit sont incompatibles.

Une explication pourrait être que cette répartition colle aux styles en vigueur dans la littérature récente : un auteur s’inscrit dans la veine policière-aventureuse ou bien dans une veine plus intellectuelle ou esthétisante.

Par conséquent, il est tentant de conclure que, oui, on peut dans une certaine mesure opposer les livres faciles et les livres enrichissants. Cependant, on trouve des exemples de livres qui s'affranchissent de ces catégories, mais ils constituent plus l'exception que la règle.

Alors, quel auteur écrira un livre captivant dans une langue magnifique ?

Et le plaisir dans tout ça ?

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