jeudi 20 novembre 2008

Le développement durable est anti-naturel.

Tout le monde le sait, nous sommes dans une ère où l’humain ne peut plus se développer sans réfléchir, comme il l’a fait pendant des siècles.

Mais n’est-ce pas ce que font toutes les espèces ? Toute espèce cherche en effet à se développer tous azimuts et en vient à proliférer quand les circonstances sont favorables.

Ce qui rend le cas de l’humain particulier, c’est l’intelligence. Pourtant, l’intelligence ne fait pas de l’humain un être fondamentalement différent des animaux. En effet, certains animaux sont intelligents, quoique apparemment à un moindre degré que l’humain. Par conséquent, l’intelligence n’est pas exclusivement humaine. En cela elle n’est pas différente des caractéristiques des autres animaux, comme la capacité à courir vite ou voir loin.

Là où l’intelligence est particulière, c’est qu’elle est surpuissante : elle a permis à l’humain de se répandre sur la planète de manière surprenante au vu de ses capacités physiques.

Donc le développement de l’espèce humaine s’appuie sur une caractéristique de l’espèce, qui est l’intelligence, tout comme celui des souris s’appuie sur leur capacité à procréer en grande quantité.

On peut alors considérer que le développement humain actuel est « naturel », dans le sens où c’est le développement d’une espèce qui utilise ses atouts.

Le monde est comme un mobile

En fait, contrairement à ce que j’écrivais au début, il est inexact de dire que l’humain s’est jusqu’ici développé sans réfléchir. Au contraire, il a beaucoup réfléchi pour résoudre les problèmes entravant son développement.

Aujourd’hui, il doit continuer à réfléchir, mais ce sont les problèmes qui ont changé de nature : d’un monde où il fallait se défendre, puis tirer le maximum de son environnement, on passe à un monde où il faut apprendre à gérer ses relations avec son environnement en bon père de famille. Ce qui est nouveau, ce n’est pas d’utiliser l’intelligence pour le développement mais la manière d’utiliser cette intelligence.

Ainsi, l’humain doit maintenant se développer en réfléchissant aux conséquences de ses actes. Il ne s’agit pas seulement des conséquences directes mais aussi des conséquences indirectes : il faut maintenant avoir une vision systémique du monde. C’est une révolution copernicienne. On passe d’une causalité simple (A modifie B) à une causalité complexe : A modifie B, C, D et E, qui en retour modifient A et se modifient les uns les autres, jusqu’à atteindre un équilibre, éventuellement en passant par un point de rupture.

Il s’agit d’un zoom arrière. Ce faisant, on passe d’une vision d’un monde inerte (on modifie la situation, puis elle reste en l’état) à celle où le monde est un équilibre dynamique. La complexité des problèmes prend alors une nouvelle dimension.

Cesser un développement naturel

Que peut-on en déduire ? Le monde ne disparaîtra pas du fait de nos avanies, en revanche l’équilibre actuel, qui nous a vu naître et nous épanouir, pourrait être férocement modifié, jusqu’à nous devenir franchement inhospitalier.

Cette nouvelle donne nous interdit désormais de nous développer aveuglément. En cela, le développement durable (ou décroissance ou un autre terme, le tout est que ça soit soutenable) n’est pas naturel : les autres espèces (qui constituent la « nature ») se développent aveuglément, tandis que l’humain doit s’arracher à ce type de développement, pour s’attacher à un mode de développement soutenable.

C’est sa conscience des perturbations qu’il crée sur la planète et sa conscience du temps qui lui imposent cela. L’intelligence a encore frappé…

3 commentaires:

Baptiste a dit…

"L'homme est la première espèce capable de limiter consciemment sa population pour vivre une vie plus riche et plus durable avec le monde qui l'entoure."
Arne Næss

Déclarer "non-naturelle" la limitation du développement, n'est-ce pas accréditer une conception étroite de la nature comme "non-humaine"?
Après tout, si la culture, l'amour, la pensée, l'industrie appartiennent à l'humanité – et à ce titre à la nature – alors le développement durable aussi.
Non?

Crave a dit…

En effet, dire que s'arracher à un développement est non-naturel s'appuie sur la conception que tu mentionnes, à laquelle je n'adhère pas. C'est pour ça que j'ai mis des guillemets à "nature" dans l'avant-dernier paragraphe.

J'ai quand même utilisé le mot parce que ça m'amusait de relever le paradoxe d'un développement durable anti-naturel.

Cela dit, si on suit ton raisonnement, tout ce qui vient de l'homme est naturel, puisque l'homme fait partie de la nature. Dans ce cas, le mot "nature" recouvre l'ensemble du monde physique dans lequel nous vivons. On pourrait aussi dire "univers".

Il faut alors trouver un autre mot pour désigner ce qui entoure l'homme, en langage mathématique, ça pourrait donner : le complémentaire de l'homme dans l'ensemble "univers". Plus simplement, on pourrait dire le "non-humain".

Sur le fond, il reste quand même que la nouvelle attitude responsable que l'homme doit adopter le différencie du non-humain.

Ou cette option est-elle encore trop anthropocentrée ?

Crave a dit…

un oubli dans la première phrase :

"s'arracher à un développement aveugle"