samedi 6 décembre 2008

Croûte ou carotte ? (1)

Et le plaisir dans tout ça ?

Je reprends mon billet du 24 novembre sur la littérature. Je concluais en faisant le constat d’une certaine polarité opposant livres faciles et enrichissants mais que fait-on du plaisir dans tout ça ?

La réponse évidente est qu’on tire du plaisir des deux types de lectures. Par contre, ce qui est certain, c’est qu’il s’agit de plaisirs différents.

Dans le cas des livres faciles, c’est l’impression de vivre une aventure. Dans celui des livres enrichissants, c’est plus subtil. Il y a un plaisir esthétique, c’est-à-dire le plaisir de se frotter à quelque chose qu’on trouve beau, sur la forme ou sur le fond. Il y a aussi le plaisir de voir développé quelque chose qu’on sent sans pouvoir l’exprimer ou quelque chose qu’on peut partager profondément. La résonance est ainsi une composante essentielle du plaisir le plus enrichissant dans la lecture. D’ailleurs dans tous les arts, la grande merveille de l’auteur est de savoir faire vibrer en nous des cordes connues ou, mieux, inconnues.

J’en viens à mon propos : les plaisirs donnés par différents livres diffèrent. Généralement, ils s’inscrivent dans une progression. Beaucoup d’enfants et d’adolescents sans intérêt pour la lecture se passionnent pour Harry Potter. Par la suite, ils cherchent d’autres livres et, progressivement, prennent goût à la lecture elle-même. C’est alors que commence une alchimie intrigante.

D’Asimov à Zola

On dit qu’on cultive son goût. De fait, on passe d’un plaisir simple et immédiat à un plaisir plus complexe. Le plaisir a donc (au moins) deux dimensions : l’immédiateté et la profondeur. Quand on aime Harry Potter ou Asimov, on est tout de suite pris par l’univers imaginatif et les rebondissements. Mais qu’en reste-t-il ensuite ? Moins que chez Proust ou Céline.

Chez eux, c’est l’humain et l’esthétique qui priment. Ces éléments sont moins immédiats, mais ils durent plus longtemps. Ils ont aussi une autre forme d’intensité : alors que les livres d’action parlent clairement, les autres émettent un message plus subtil et diffus. Ils touchent aussi à des choses moins dicibles : la beauté et l’humain sont moins faciles à manier que la surprise et le suspense.

On peut concevoir que le passage d’un plaisir à l’autre soit progressif. Bien sûr, la polarisation des livres n’est pas absolue, loin de là, et il existe toute une gamme de livres jouant sur les deux tableaux. C’est en s’attaquant à des livres distillant des messages toujours plus subtils et profonds qu’on s’habitue à ce type de discours. Parallèlement, on s’habitue aux procédés fracassants des livres d’action, dont l’effet finit par s’émousser.

On peut faire le parallèle pour toutes sortes de domaines : il est assez évident en matière de cinéma. En musique classique, on peut commencer par le romantique pour aller vers le baroque et le contemporain. Le parallèle tient également en matière d’arts plastiques ; on commence par aimer la Joconde, puis (après une longue pratique) on finit par apprécier l’art contemporain. En BD, on commence avec Astérix et on finit avec de Crécy.


C’est donc tout simplement l’expérience qui nous guide. Par conséquent, l’évolution du goût n’est ni plus ni moins qu’un apprentissage vis-à-vis de nouveaux objets.


C'est bizarre, une fois écrit ça paraît évident mais ça ne l'était pas avant. Peut-être parce que cet apprentissage revêt une forme un peu inhabituelle, se faisant de manière souterraine, non organisée et sur le moyen ou long terme.





Les BD de Nicolas de Crécy :
http://www.bedeo.fr/pseudonymes-bd/DE-CRECY.Nicolas

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