dimanche 29 mars 2009

Sois franc

- Mais pourquoi cet air de ptérodactyle ?

- Avec ou sans E ?

- Que viennent faire les œufs là-dedans ?

- Eh bien, s’il s’agit d’un air, pas d’E, s’il s’agit d’une aire, alors les œufs prennent toute leur place.

- Mon Dieu mais Monsieur, vous vous plaisez à m’embrouillez ! vous savez d’où je viens et que je ne suis point apte à démêler les virages de vos phrases savantes. Je vous en prie, laissez donc là vos propos noueux, je vous demandais seulement ce qui explique chez vous ce faciès de… de murex.

- Murex, murex ! mais vous voilà d’un coup bien cavalier, François ! pensez-vous que votre habit et vos souliers neufs vous autorisent à apostropher les gens ? Je rappelle à votre mémoire manifestement défaillante que c’est moi qui vous ai tiré du caniveau, où vous rouliez votre guimbarde en craquetant « glacier ! glacier ! ». Vous vous débattiez dans la fange et la médiocrité, vous grattiez comme une taupe-grillon dont un enfant écroule la galerie, vous usiez vos griffes insignifiantes sur les écus des grands. Moi seul ai su reconnaître en vous un être de quelque valeur, moi seul ai daigné vous orner de ma confiance et aujourd’hui je reçois votre arrogance en plein visage, comme une gifle d’une main souillée ? Je ne le souffrirai pas !

- Là, Monsieur, ne le prenez pas ainsi. Vous savez comme je vous aime et je sais ce que je vous dois. Des bas-fonds vous m’avez fait bouffon et je vous en ai une éternelle gratitude. Mais reconnaissez que la charge dont vous m’avez fait don m’astreint à vous dire en face vos défauts, vos erreurs et petitesses. C’est de ce noble devoir que je m’acquitte céans, en soulignant l’étrangeté de votre mise aujourd’hui.

- Çà, François, vous êtes un beau parleur, c’est même votre moindre défaut, et vous savez toujours vous tirez d’un mauvais pas. Soit, qu’a donc ma mise aujourd’hui pour vous inspirer des métaphores aussi caustiques ?

- Monsieur, pour être très franc et sauf votre respect, vous êtes fagoté comme un faisan lorgnant une ânesse. Votre lavallière baille sur un cou de coq galeux, votre habit pend comme un pourpoint de triton, vos chausses paraissent taillées dans le cuir de votre grand-tante et vos souliers feraient pleurer un galérien. Je crains que vos projets du jour, que je devine grandioses, ne pâtissent sévèrement de cet accoutrement famélique.

- François, vous êtes un beau parleur doublé d’un esprit fin. Mes projets sont en effet grandioses et ma mise s’y accorde parfaitement : je veux aujourd’hui séduire le vieil évêque Etienne.

- Ah çà, Monsieur, vous courez au pal ! cet évêque n’a d’évêque que la dernière syllabe !



Balises : ptérodactyle, glacier, murex, taupe-grillon
(des explications ici)

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