samedi 25 octobre 2008

La beauté des paysages (2) ou émergence de la physiobapsie

Je reprends un bout de réflexion là où je l’avais laissé dans mon premier billet le 3 octobre. Je parlais de « la sensation de se fondre dans le paysage, ou, soyons fous, le physiotope (un « lieu de nature »). Cette sensation est importante pour le randonneur mais est-elle indispensable pour trouver qu’un paysage est beau ? non car la plupart des panoramas sont admirés à partir de belvédères. »

On m’a fait remarquer de manière tout à fait justifiée que la notion de paysage sous-entend une attitude un peu passive de la part du spectateur. Le terme de spectateur est d’ailleurs révélateur d’une telle attitude. On m’a également fait remarquer que la notion de paysage est un peu vieillotte, un peu XIXe siècle. On imagine des dames très convenables, en dentelles devant une balustrade en fer forgé.

Je suis d’accord que la notion de paysage vu d’un belvédère tend à vieillir un peu et je fais deux remarques à ce sujet :
- c’est quand même encore une notion et une pratique majoritaire, il suffit de voir les cars de touristes qui sillonnent tous les sites de France,
- l’évolution de la relation au paysage tient sans doute au fait qu'on est de plus en plus sensible à la nature comme une entité dotée de sa propre existence et non un réservoir de matières premières pour l’humain.

J’embraye sur cette dernière idée pour attester que le meilleur moyen de profiter d’un paysage, c’est d’y randonner. Et là, manifestement, on sort de la stricte admiration visuelle pour mettre en jeu les autres sens : l’ouïe pour les oiseaux, l’odorat pour l’herbe, le toucher pour le vent, le goût pour les mûres ! et la perception par les mouvements, la kinesthésie.


Plonger dans la nature

On est alors loin du rôle du spectateur émergeant confit de son bus, pour devenir un plongeur du paysage et en profiter sous toutes les coutures. Voilà une activité qui mérite un néologisme : « physiobapsie » (je l’admets, l’étymologie est un trouble manifestement névrotique). Je forge ce mot sur la racine grecque de la nature, « physis », et celle de l’immersion, « bapto ».

Il est d’ailleurs intéressant de constater que cette dernière racine a aussi donné « baptême », rite qui fait entrer l'impétrant dans la communauté des chrétiens, via l’immersion dans l’eau. Parallèlement, la physiobapsie fait entrer le randonneur (ou le flâneur pourvu qu'il soit assez réceptif) dans la sphère de la nature.

Au cours de la physiobapsie, les deux phénomènes majeurs sont l’abandon de l’hégémonie de la vue pour laisser les autres sens monter en puissance et, progressivement, la fusion dans la nature alentour. Comme quoi la vue est un sens générateur de recul, sans doute parce que, chez l’humain, elle permet de percevoir des phénomènes assez éloignés. Nos autres sens, moins performants, sont plus immédiats.

Incise : ces autres sens ne sont pas pour autant plus animaux : les rapaces ont une vue bien supérieure à la nôtre. Et les chiens, avec leur odorat très sensible, ont un « champ de vision olfactif » assez large. Fin de l'incise.


Vertus roboratives de la physiobapsie

J’aime particulièrement la physiobapsie et la recommande chaleureusement à tous, petits et grands, parce qu’elle est extrêmement relaxante, en particulier quand on la conjugue à la randonnée. Le rythme des pas et la vitesse lente sont eux aussi des facteurs de relaxation. Voilà pour le sensoriel. Pour l’intellectuel, la physiobapsie permet de s’imprégner de la nature qui nous entoure, au point d’avoir le sentiment d’en faire partie.

Ça paraît essentiel parce que nous vivons dans une illusion chrétienne et cartésienne qui oppose l’homme à la nature. Or nous sommes férocement animaux sur bien des points, notamment dans nos relations sociales, mais aussi sur le plan de la stricte analyse écologique : nous sommes partie intégrante du biotope qui nous entoure. Pour le constater, il suffit de voir à quel points les espèces qui ont misé sur les humains s’en sortent bien : chiens, goélands, pigeons, cloportes etc. Il suffit aussi de voir à quel point nous dégradons notre environnement, c’est bien un signe que nous y sommes reliés.

Bref, je n’ai qu’un message : physiobaptisez-vous abondamment, tous les jours au lever, on s’en portera tous mieux.



Sur la lenteur (en italien et anglais) :
http://www.cittaslow.net

Sur la randonnée :
"Eloge de la marche" de David Lebreton, Ed. Métaillé

1 commentaire:

Crave a dit…
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